8 mars 2012 : petit bilan de la mobilisation parisienne

mis en ligne le 15 mars 2012
Encore une fois, le 8 mars, journée internationale de la femme, a vu des mobilisations se mettre en place un peu partout. Cette année, le contexte hexagonal est celui de la future élection présidentielle. Ainsi, des organisations féministes réformistes avaient « interpellé » (à l’occasion d’une sorte de meeting-débat) les candidats à l’élection présidentielle, montrant là que, pour elles, c’est du côté de l’État que les luttes se situent encore et toujours. Mobilisation très citoyenniste donc, allant de pair avec un abandon de plus en plus flagrant de la lutte de terrain et de la présence dans la rue. Dans cette suite logique, on retrouve le flot habituel de signataires en bas de tracts-fleuves appelant en vrac à la création d’un ministère des droits des femmes, la mise en place de tout un arsenal de lois, etc. Autant de choses qui nous laissent bouche bée quand certains de ces signataires se réclament par ailleurs des idéaux libertaires, ou des luttes antisexistes radicales. Ce qui devient récurant, aussi, ce sont les listes interminables de signataires de ces tracts unitaires qui, au final, ne mobilisent qu’une poignée de personnes. Cette désaffection pour les luttes antisexistes doit nous interroger.
Nous avions donc fait le choix, du côté de la Fédération anarchiste, de ne pas laisser toute la place à ce discours, en créant au sein de cette manifestation un « bloc rose et noir ». Rose, en référence à nombre de luttes antisexistes un peu partout dans le monde, des Femmes en rose d’Inde en passant par les origines du mouvement Act Up aux États-Unis, ou à bien d’autres endroits du monde. Un rose bien loin, donc, de la référence au rose layette réservé par les normes sexistes aux « petites filles ». Mais noir aussi, car notre antisexisme s’inscrit dans une perspective clairement anarchiste. Nous avions également la volonté de ne pas mobiliser uniquement les militants organisés : nous en avons assez de ces pseudo mobilisations qui ne s’ouvrent pas vers l’extérieur et se contentent de se retrouver entre convaincus, sans chercher à élargir l’impact de notre discours. Ainsi, les quinze jours précédents, nous avons collé des affiches, diffusé des tracts, relayé l’information sur internet. « Contre le sexisme et l’homophobie, contre le patriarcat et l’ordre moral », puisque ces tares, en 2012, gangrènent encore et toujours les sociétés du monde entier, tous les milieux sociaux, le monde du travail ou la famille, et même parfois le milieu militant qui devrait pourtant être exemplaire et exempt de ces idées. C’est un cortège fourni qui a finalement été réalisé, cette mobilisation dépassant notre espérance. Des militants anarchistes, certes, mais aussi de nouvelles personnes, souvent jeunes, d’ailleurs.
Notre cortège était mixte : il ne regroupait donc pas seulement des femmes. Il était important pour nous de montrer que cette lutte pour la liberté des femmes concerne tout un chacun : le sexisme, les préjugés, les carcans moraux, enferment également les hommes dans des rôles de domination. Des rôles que nombre d’hommes rejettent. Nous estimons que la lutte pour la liberté et l’émancipation de telle ou telle catégorie (sexuelle, sociale, etc.) est une lutte pour la liberté de toutes et de tous. Pour nous, cette mobilisation réussie en ce qui concerne notre cortège, souligne la nécessité de sortir des ghettos militants. S’ouvrir, poursuivre nos réflexions et nos actions face aux multiples attaques dont sont, encore et toujours, victimes les femmes, les lesbiennes, les homosexuels. Des réflexions qui doivent, pour nous, s’inscrire dans une perspective anarchiste, car nous ne pourrons être libre d’être ce que nous sommes que dans une société libérée du capitalisme et des rapports de domination de pouvoir, de domination marchande et des discriminations. Une lutte qui, rappelons-le, doit se mener chaque jour et partout, hier comme aujourd’hui. Plus tard dans la soirée, une autre manifestation avait lieu, non-mixte cette fois, organisée par des féministes et des lesbiennes. Des camarades anarchistes y étaient présentes, mais se sont retrouvées en décalage dans cette « marche de nuit » prônant la prison pour les violeurs, s’asseyant ainsi sur la remise en question de la prison menée dans les luttes anticarcérales. Une marche de nuit qui, au-delà de l’intérêt qu’elle pourrait avoir, est balayée par les courants qui s’opposent au sein du mouvement féministe et antisexiste. Pour nous, les luttes ne sont pas à hiérarchisées : les réflexions sur tel ou tel domaine de lutte et d’action doivent s’articuler entre elles, se combiner et s’enrichir, gagnant ainsi en cohérence politique. Combattre la prison, le sexisme, l’homophobie et la lesbophobie, participe, de fait, au même combat global pour conquérir la liberté de toutes et de tous. Nous ne lâcherons rien ! Continuons le combat !

Bibo, groupe Quartier pirate de la fédération anarchiste