Bénéficiaires de la CMU : la double peine

mis en ligne le 22 mars 2012
Le profil du CMiste
Ce n’est pas pour nous surprendre, mais la dernière enquête santé protection sociale (ESPS) confirme les résultats des précédentes études qui ont souligné le moins bon état de santé des bénéficiaires de la CMU comparativement au reste de la population. L’étude rappelle avant toute chose le profil des bénéficiaires de la CMU-C. La proportion de bénéficiaires de la CMU-C vivant dans un ménage d’ouvriers non qualifiés est de 30 % contre 9 % dans le reste de la population. Pour les ménages d’employés de commerce, cette proportion est de 16 % contre 4 %. Quant au taux de chômage déclaré, il est de plus de 60 % parmi les bénéficiaires de la CMU-C contre 8,5 % parmi les autres actifs. Les bénéficiaires de la CMU-C sont jeunes, plus de 70 % d’entre eux ont moins de 40 ans (48,5 % parmi les autres enquêtés). Inversement, les personnes âgées de 65 ans et plus sont très peu nombreuses à bénéficier de la CMU-C. En effet, le minimum vieillesse versé aux personnes les plus démunies à partir de 65 ans (ou à 60 ans en cas d’inaptitude au travail) est supérieur au seuil de ressources qui permet de bénéficier de la CMU-C. Il y a également un peu plus de femmes parmi eux (56 % contre 52 %).

Des pathologies surreprésentées
L’étude montre qu’à âge et sexe équivalents, presque tous les grands groupes de pathologies sont surreprésentés chez les bénéficiaires de la CMU-C. Les troubles mentaux, symptômes (douleur, toux, vertige), les maladies de l’appareil digestif, de l’oreille et du système nerveux central sont les groupes de pathologies qui concentrent les plus gros écarts de prévalence entre les deux populations. Il apparaît que les bénéficiaires de la CMU-C déclarent plus de maladies que le reste de la population. Ainsi, sur les trente et une pathologies ou entités pathologiques les plus fréquemment déclarées (par au moins 1 % de la population), vingt-deux sont, à âge et sexe comparables, significativement plus souvent déclarées par les bénéficiaires de la CMU-C que par les autres personnes. Ce n’est pas une surprise, mais les bénéficiaires de la CMU-C déclarent porter moins de lunettes et de prothèses dentaires que le reste de la population. Il s’agit de soins onéreux et peu remboursés par l’Assurance maladie dont les dépassements forfaitaires sont pris en charge au titre de la CMU-C. Le moindre « appareillage » observé pour les bénéficiaires de la CMU-C pourrait s’expliquer par un renoncement aux soins en lien avec le statut précaire et l’histoire des personnes bénéficiant de la CMU-C, ou être induit par une offre de soins non adaptée, ce qui témoignerait bien de difficultés d’accès malgré la gratuité théorique de ces soins.

Tabagisme et obésité, mamelles de la pauvreté
L’obésité, facteur de risque de diabète et de maladies cardiovasculaires, est beaucoup plus répandue chez les bénéficiaires de la CMU-C. Le pourcentage de personnes présentant une obésité est 1,7 fois plus élevé : 15 % contre 9 %. En revanche, la fréquence du surpoids est comparable dans les deux populations et s’élève à 24 %. Calculée pour les 16 ans et plus dans l’enquête ESPS, l’exposition au tabagisme des bénéficiaires de la CMU-C est également plus grande : à âge et sexe comparables, le taux de fumeurs des bénéficiaires de la CMU-C est 1,6 fois plus élevé que celui du reste de la population.

Alcoolisme : halte aux idées reçues !
Contrairement aux idées reçues mais conformément à d’autres enquêtes, les bénéficiaires de la CMU-C sont deux fois plus nombreux à déclarer ne jamais consommer d’alcool : 44 % contre 22 %. Toutefois, les bénéficiaires de la CMU-C se déclarent plus souvent à risque d’alcoolisation chronique (10 % contre 8 %) et moins souvent à risque ponctuel (18 % contre 27 %). Au total, les personnes interrogées ayant répondu à l’enquête déclarent souffrir plus souvent que les autres de la plupart des maladies, troubles de santé et présentent plus de facteurs de risque. Mais si grâce à la CMU-C, les bénéficiaires consultent plus souvent le médecin généraliste, ils sont moins nombreux à recourir à un spécialiste quand bien même leur pathologie le nécessiterait. Les dépassements plus fréquemment pratiqués par les spécialistes, comme les tarifs proposés en optique et en soins dentaires, pour les soins hors panier CMU-C, expliquent en partie ce comportement. Ce dernier est également lié à tout un ensemble de facteurs individuels en lien avec la précarité présente et passée.

Allô ? Hippocrate ?
Les résultats de cette étude montrent que les facteurs de risques comme le tabac et l’obésité sont toujours plus fréquents dans la population ayant recours à la CMU-C, de même que les troubles de la sphère psychique, vraisemblablement en lien avec la précarité sociale, économique et professionnelle vécue par ces bénéficiaires. Et on peut dire que ce n’est pas la casse sociale et sanitaire systématique opérée sous le dernier gouvernement qui a arrangé l’état de santé des personnes les plus précaires. Surtout quand ce type de discours amène certains médecins indélicats et mercantiles à tout faire pour éviter de soigner les bénéficiaires de la CMU-C. Ils sont bien loin du serment d’Hippocrate, ces praticiens qui sont pourtant obligés de le signer lorsqu’ils obtiennent leur diplôme !