Chiapas, Mexique : déplacements forcés, la communauté Commandant-Abel agressée

mis en ligne le 4 octobre 2012
Ces dernières semaines, les agressions se sont multipliées contre les zapatistes du Chiapas. Inquiétantes et particulièrement violentes, elles laissent présager le pire pour la suite. La principale cible de ces attaques est la communauté Commandant-Abel, de la commune rebelle zapatiste La Dignité, rattachée au caracol V. Le 6 septembre, au petit matin, 55 paramilitaires lourdement armés – originaires de la communauté Union Hidalgo – y ont surgi et ont expulsé plusieurs bases de soutien zapatistes de leurs terres. Pour signifier que ces espaces leur appartenaient désormais, des bâtiments en tôles ont été construits dans la foulée et une partie du maïs récemment planté par les compagnons a été pillée. Dans l’après-midi, une quinzaine de paramilitaires ont débarqué pour renforcer les effectifs sur place et une trentaine de coups de feu ont été tirés, sans doute en vue d’établir un climat de tension et d’angoisse chez les zapatistes.
Le lendemain, 7 septembre, de nouveaux renforts ont porté à 150 le nombre de paramilitaires. De nouveaux coups de feu ont été tirés, cette fois-ci clairement en direction de la communauté zapatiste, qui a ensuite été encerclée dans un périmètre de 150 mètres.
Le 8 septembre : encore des coups de feu, et de plus en plus près de la communauté. Inquiètes et craignant les balles « perdues » (mais jamais pour tout le monde, comme disait l’autre), les familles – 70 personnes au total – sont obligées de quitter les lieux et de se réfugier dans la montagne. Après deux jours et une nuit passés à l’extérieur, sous la pluie et le froid, elles sont réapparues dans des communautés où elles sont désormais en sécurité. Néanmoins, malgré un accueil fraternel et solidaire, la situation de ces déplacés est préoccupante. Dans un communiqué daté du 11 septembre dernier, le caracol V écrivait que « les enfants ont de la fièvre et des nausées, de la diarrhée et de la toux, et commencent à souffrir du manque d’aliments, de vêtements et de médicaments ». Mais le plus inquiétant, c’est la disparition de 14 personnes (dont deux enfants) qui, à l’heure où j’écris ces lignes, n’ont toujours pas été retrouvées.
Le même jour, dans la communauté Union Hidalgo – d’où sont originaires la plupart des paramilitaires – dix personnes, bases de soutien zapatistes, ont dû, à leur tour, s’enfuir dans la montagne pour fuir les menaces qui pesaient sur eux. Après y avoir passé trois nuits, ils ont rejoint une communauté où ils devraient désormais être en sécurité.
Ces agressions, ces expropriations de terres, ces déplacements sont l’œuvre des nervis de l’Union paysanne indigène et forestière (organisation paramilitaire du PRI et du parti Vert écologiste) d’une part et, d’autre part, du groupe Paix et Justice, structure paramilitaire tristement célèbre créée par le gouvernement du Chiapas. Les têtes à l’origine de cet harcèlement violent sont, d’après le communiqué du caracol V, « Carlos Cleber Conzález Cabello, ex-candidat du PRI, qui est celui qui a financé l’achat des armes des envahisseurs ; Pedro Ramírez Guzmán et Hipólito Ramírez Martínez, principaux dirigeants de la communauté Unión Hidalgo ; Jesús Ramírez Martínez, Miguel Encino Gómez et Javier Guzmán Encino, également dirigeants, vivant à Sabanilla, les mêmes qui, l’an passé, ont organisé les gens de la communauté d’Ostelukum afin d’envahir ces mêmes terres ».
La guerre de basse intensité – dite de contre-insurrection – menée par le pouvoir mexicain depuis 1994 n’est donc toujours pas terminée. Le développement de l’autonomie zapatiste, sa persistance et la témérité de ses acteurs inquiètent un système qui ne tolère pas que l’on vive différemment et en-dehors du modèle qu’il voudrait imposer à tous, au seul bénéfice d’une poignée de politiciens véreux et de puissants économiques qui, au Mexique comme ailleurs, n’en finissent plus de broyer les peuples. Mais les résistances sont bel et bien là et les courageux compagnons et compagnes zapatistes de la communauté Commandant-Abel sont là pour en attester. Citons d’ailleurs, pour conclure, la fin du communiqué du caracol V, qui résonne par-delà les frontières comme un appel à l’insoumission et à la lutte : « Que le fichu gouvernement mensonger, trompeur et imbécile sache que nous n’allons pas nous rendre avant d’avoir payé de nos vies pour notre terre si nécessaire, si il croit que le sang versé le 1er janvier 1994 pour trouver une place dans ce monde n’est pas suffisant. »