De Gaza à Mérignac : trafic de drones israéliens

mis en ligne le 25 septembre 2014
1749DroneIsraël à la pointe du drone
Tester de nouvelles armes a, dit-on, toujours été l’une des caractéristiques de la politique palestinienne menée par Israël. Aujourd’hui, l’actualité locale girondine nous amène à creuser cette question.
Du 9 au 11 septembre 2014 se tenait à Mérignac, sur la base militaire BA 106, le IIIe UAV Show Europe. UAV, c’est pour dire « véhicule aérien sans homme ou déshumanisé ». Ce salon des drones se fait en zone militaire, ce qui illustre bien la consanguinité originelle entre les drones civils vantés par les politiques locaux et les drones militaires, entre la haute technologie civile et la haute technologie militaire. Ces technologies ont été testées par les armées sur le terrain, testées sur le vivant peut-on même dire.
En effet, alors que plus de 2 000 Palestiniens ont été tués dans la bande de Gaza cet été 2014, c’est la société israélienne IAI (Industries aérospatiales israéliennes) qui sera présente à ce salon des drones.

Palestine : le laboratoire
Il faut se référer au film israélien The Lab pour voir comment ces technologies sont testées sur les Palestiniens. The Lab est un film qui a suscité la polémique en Israël. En effet, dans ce film, le réalisateur Yotam Feldman nous explique que l’axe militaro-industriel israélien a tout intérêt à ce que les choses s’enveniment sur le territoire voisin. De son propre aveu : « Je pense que le principal produit que vendent les Israéliens, en particulier au cours de la dernière décennie, c’est l’expérience… Le fait que les produits ont été testés : c’est la chose essentielle que les clients viennent acheter. Ils veulent le missile qui a été tiré dans la dernière opération à Gaza, ou le fusil utilisé lors du dernier raid en Cisjordanie. »
Un acteur clé du complexe militaro-industriel dit que les tests opérationnels effectués à Gaza sur le BMS d’Elbit lui ont permis d’augmenter son prix de vente lors de la signature d’un contrat avec l’Australie un an plus tard…
Un vendeur de chez IAI dit que les assassinats et autres opérations à Gaza provoquent une croissance des ventes de l’entreprise de plusieurs dizaines de pour cent.
En juillet et août, on tue à Gaza, en septembre, retour sur investissement. On vend à Mérignac aux clients rassurés par cette efficacité, « garantie sur le vivant », « technologie testée sur les Palestiniens », « nous vous avons montré comment les utiliser, à vous d’agir ! ».
Ce cynisme est inacceptable, nous ne pouvons nous taire et nous faire complices de ce marché de l’horreur.
D’après Bloomsberg Business Week, le massacre de Palestiniens à Gaza a permis aux actions de Elbit d’atteindre leur niveau le plus élevé depuis 2010. C’est justement des drones Elbit que l’armée suisse veut acheter.
Les élus locaux mettent en avant l’utilisation civile des drones, mais ils n’existeraient pas si les armées n’en avaient pas eu besoin, ne les avaient pas testés. Ce marché est à 90 % militaire et à seulement 10 % civil.

Le drone est l’arme du lâche !
Dans son livre Théorie du drone, Grégoire Chamaillou nous parle de la tentative d’éradiquer toute réciprocité. Lorsque les drones, conçus pour des interventions en terrain hostile, deviennent machine de guerre, c’est l’ennemi qui est traité comme du matériau dangereux à éliminer de loin, depuis la zone sécurisée. On passe de la logique de la guerre à celle de la chasse, de la chasse à l’homme. Le drone est aussi l’arme du lâche : celle de ceux qui ne s’exposent jamais. Ainsi, en envoyant ses roquettes jusqu’à Haïfa au nord d’Israël, les Palestiniens n’ont pas « joué le jeu » qui leur est imposé.
Les premiers drones israéliens ont été dévoilés au salon du Bourget en 1979, suite aux importantes pertes israéliennes de la guerre du Kippour. Ces drones font leur baptême du feu lors de la guerre du Liban en juin 1982. Ils sont conçus par IAI, sont appelés Scouts et ne sont utilisés dans ce premier temps que pour la reconnaissance aérienne photographique.
Les marchands vantent les avantages économiques : le coût humain (la formation évitée, le risque de capture écartée, etc.), les morts ne sont que du côté de l’agressé pas de l’agresseur détenteur des drones.
Ce sont des drones qui ont précédé l’opération israélienne Bordure protectrice en tuant, le lundi 7 juillet au matin, cinq Palestiniens, dont trois combattants, et en blessant deux civils.

L'un des plus puissants marchands d’armes au monde
Israël est le cinquième vendeur d’armes du monde, représentant 7 % du marché mondial, avec 7,5 milliards de dollars d’exportations en 2012, soit le double d’il y a dix ans. Israël devance même les États-Unis dans les ventes mondiales des drones et apparaît en pointe en Inde et dans les pays d’Amérique latine. Ses quatre plus grosses sociétés (IAI, Elbit Systems, Rafael et IMT) réalisent 80 % de leurs ventes à l’export, en particulier dans les pays musulmans comme la Turquie, l’Algérie ou le Pakistan. Comment ce pays de 8 millions d’habitants, plus petit que la Normandie, s’est-il transformé en une telle machine de guerre ?
Israël est en opérations militaires quasi constantes et a su créer le contexte géopolitique idéal à son argumentation commerciale. « Le fait que nos produits, comme les radars ou les avions de surveillance, soient utilisés en grandeur nature par l’armée israélienne est un atout décisif », confirme Boaz Nathan, responsable marketing d’Elta, la filiale électronique d’IAI.
En Israël, le service militaire est une institution intouchable (trois ans pour les hommes, deux pour les femmes), la défense, c’est 5,7 % du PIB, l’armée est le partenaire de l’industrie. « Ici, tout est fluide, Iron Dome a été développé en trois ans, assure Rafi Yoeli, d’Urban Aeronautics. Il aurait peut-être fallu dix ans dans un pays plus grand. » Cette capacité d’adaptation dans le domaine militaire a fait d’Israël un précurseur de l’utilisation des drones, dix ans avant les États-Unis.
Les drones militaires israéliens ont été utilisés pour la première fois lors de la guerre du Liban, en 1982. Mais c’est la guerre du Golfe, en 1991, qui a fait décoller les ventes à l’international.
Via ses deux fabricants IAI et Elbit Systems, Israël a vendu pour quelque 4,6 milliards de dollars de drones tactiques ou stratégiques entre 2005 et 2012. Les firmes américaines en ont vendu pour 2,9 milliards sur la période. D’après l’armée israélienne, le pourcentage de missions assurées par des avions sans pilote devrait passer de 50 à 80 % dans les décennies à venir.
IAI développe la gamme la plus large du marché, du microdrone de 13 grammes capable d’entrer dans les bâtiments, au drone kamikaze Harop, qui peut tourner des heures pour identifier sa cible avant de fondre sur elle.
Les groupes israéliens se positionnent sur des matériels que les États-Unis ne proposent pas à l’export. La contrepartie, c’est le soutien financier massif de Washington, qui verse à Israël 3 milliards de dollars par an sous forme d’aides militaires, soit 25 % du budget de défense du pays. Derrière la réussite de l’industrie militaire israélienne, le grand frère américain n’est jamais loin.
IAI joue à fond la carte de la miniaturisation, reste que la filière des drones israéliens lorgne sur un autre débouché à fort potentiel : le marché des applications civiles. Il est évident que l’on se tient prêt à effectuer des transferts de technologies (du militaire vers le civil) de façon à accompagner cette « révolution ». Même si la priorité du moment reste d’introduire le premier son drone ambulance (et ravitailleur) pour accompagner les guerres du futur…

Nos impôts financent l’industrie militaire israélienne
Le programme Horizon 2020 de l’Union européenne, auquel Israël est le seul pays non européen autorisé à participer à part entière, pourrait permettre aux compagnies high-tech et aux instituts de recherche israéliens de récolter quelque 1,4 milliard d’euros d’aide européenne sur sept ans.
Vingt-trois parlementaires européens viennent d’envoyer une lettre à Catherine Ashton pour réclamer la suspension de l’accord commercial entre l’Europe et l’Israël (ainsi que des nombreux privilèges qui vont avec), en soulignant que cet accord comprend un article (l’article 2) sur le nécessaire respect des droits de l’homme par l’ensemble des parties contractantes, qui n’est pas appliqué par Israël. Vous trouverez une pétition européenne pour refuser de subventionner les drones israéliens sur le site de l’ONG anglo-saxonne, www.waronwant.org.
Quand il pleut des drones
Quatre cents drones américains se seraient crashés accidentellement entre 2001 et 2013. Des drones de plus d’une tonne. Les termes « défaillance technique », « court-circuit électrique », « problème de liaison », « erreur de pilotage », voire « causes indéterminées », sont évoqués. Que ce soit ce type de raisons ou le cynisme des militaires israéliens qui a permis de pilonner ces jeunes Palestiniens qui jouaient sur la plage de Gaza, et tous les autres morts palestiniens, cette industrie de mort mérite notre boycott et le retrait du soutien français à ces entreprises israéliennes, en ne les invitant plus.

Lutter contre l’État israélien
Quand on est révolté par cette situation qui dure, la tentation est forte de baisser les bras en pensant que cela risque durer encore longtemps et que nous, simple pékins, n’y pouvons pas grand-chose.
Pour le Salon, nous pouvons quand même manifester notre désaccord. Désaccord contre les crédits à ce marché apportés par les autorités locales, départementales, régionales, nationales et européennes. Désaccord avec les utilisations militaires et sécuritaires de cette technologie. Mais, plus généralement, nous pouvons rejoindre la campagne BDS pour boycott-désinvestissement-sanction. Cette campagne mondiale initiée le 9 juillet 2005 par l’appel de la société civile palestinienne (associations ONG et syndicats) vise à donner la main à la société civile internationale au vu de l’échec des décisions internationales comme la condamnation du mur par la Cour internationale de justice. C’est aussi un moyen de soutenir plus particulièrement la résistance non violente. Pour rappel, le boycott, c’est le refus d’acheter les produits israéliens et en premier lieu ceux qui ne devraient pas être commercialisés comme les produits des colonies, le désinvestissement, c’est la campagne vers les entreprises pour qu’elles arrêtent d’investir avec les entreprises israéliennes, les universités ou les institutions officielles, enfin les sanctions, c’est la demande faite aux États et institutions internationales, le tout pour et jusqu’à ce que l’État d’Israël respecte le droit international. Nous reviendrons ultérieurement sur cette campagne et sur les produits à boycotter.



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


André

le 12 septembre 2015
Et il y a un autre État dans le monde contre lequel vous "luttez" ou il ne s'agit que d'Israël ?... bande de Tartuffe !

André

le 12 septembre 2015
Quant au drone "arme du lâche"... et un avion avec pilote qui balance ses missiles et ses bombes à 10.000 mètres d'altitude ? Les missiles de toutes sortes tirés à des centaines de kilomètres ? Les obus de canons tirés eux aussi de loin et à l'abri ? Les "hommes-bombes" palestiniens qui se font exploser au milieu d'un marché ou à une terrasse de restaurant ? Ah non, ça c'est l'arme d'un courageux "résistant"...

Non, seul les drones israélien sont des "armes du lâche"...Ah oui, vous êtes bien un Tartuffe monsieur le "libertaire".

Thaurac

le 13 janvier 2016
C'est avec joie que le Hamas a annoncé avoir fini le percement de ses nouveaux tunnels donc penser en écrivant au parlement européen de signaler que l'argent donné aux palestiniens sert au hamas, à s'armer, construire des bunkers, des tunnels, au passage à s'enrichir individuellement , souvenir des milliards d'arafat et sa veuve) , tout ça au détriment de la population qui est déjà rackettée par ce dit hamas, pour le ciment, ferraille et tant d'autres!
a bon entendeur..