Au nom du père, que de morts !

mis en ligne le 19 février 2015
« Le pouvoir est maudit, c’est pour cela que je suis anarchiste. » (Louise Michel)
C’est fou comme l’idéologie dominante relayée par les médias abuse de l’ignorance des individus pour mieux les aliéner et les maintenir dans l’obscurantisme absolu, afin d’en faire des citoyens dociles. Toutes les manipulations même les plus éculées ainsi que les événements dramatiques qui endeuillent la société sont utilisés pour réclamer de la part des pouvoirs publics toujours plus d’autorité pour punir tous les déviants. Car, au nom de cette sacro sainte démocratie, de la liberté d’expression qu’ils bafouent tous les jours et du tout-sécuritaire, ce sont les citoyens eux-mêmes qui vont jusqu’à réclamer, exiger, plus de répression et de sanctions. Bien sûr pour les autres, jusqu’au jour où la violence, la répression se retourne contre ces mêmes citoyens qui réclamaient un pouvoir fort et musclé pour lutter contre les étrangers et les groupes terroristes ! Il faut bien dire que les politicards et les médias à cet égard orientent et mettent tout en œuvre pour façonner les cerveaux et abuser le peuple. C’est à mots couverts qu’ils distillent ces sentiments de peur, de haine, de méfiance de l’autre. Il s’agit pour les pouvoirs politiques en difficulté au plan social, politique et économique de laisser s’installer le chaos afin d’imposer leur autorité, qui, inévitablement, débouchera sur l’abus de pouvoir. Car, contrairement à ce que les hommes et les femmes politiques voudraient nous faire croire, l’insécurité est pour eux une arme qui leur permet d’agir contre les intérêts du peuple et de faire voter des lois sécuritaires afin de le maintenir dans une dépendance de soumission et d’obéissance. Au point où c’est le peuple lui-même qui ira jusqu’à réclamer plus de policiers, plus de répression. Il exigera plus de prison et cautionnera l’enfermement. Il appellera de tous ses « vœux » l’autorité.
Ce qui est symptomatique, c’est que, dans ces périodes de trouble qui semblent déstabiliser la société, la propagande bourgeoise met tout en œuvre pour que le peuple éprouve le besoin de se rassurer. C’est pour cela qu’il est amené à se fabriquer des sauveurs, des hommes providentiels. Certes, il est aidé en cela par les politicards qui, dans les arrière-cuisines du pouvoir, tentent de tirer les marrons du feu alors que leurs ragougnasses sont indigestes. C’est ainsi que les médias aux ordres ont fait de François Hollande « le père de la nation », alors qu’il porte une part de responsabilité dans les tueries des 7 et 8 janvier dernier, du fait de sa politique guerrière et de son laxisme vis-à-vis des pays qui financent les groupes armés. Le ton martial qu’il a affiché dans la gestion de cette crise a permis aux médias de « ravaler » son aura, bien entamée. Subitement, il est devenu un « vrai chef », d’où cette appellation de « père de la nation ». Dans cette société capitaliste dominée par le patriarcat, le pouvoir est incarné et représenté par le père synonyme d’autorité. Ce père, à qui le peuple doit « évidemment » respect et obéissance, surtout lorsque le pays vit des moments difficiles ! Seulement, celui qui a été désigné comme « le père de la nation » a fait la démonstration que, sans le peuple, il n’était rien. Il a été contraint de faire appel à lui pour organiser cette immense manifestation du 11 janvier, en utilisant une véritable escroquerie intellectuelle : « la défense de la liberté d’expression ». Pourtant, cette liberté d’expression dont il se réclame, il l’ignore superbement et n’hésite pas à employer la méthode forte, en faisant intervenir sa police lors des manifestations qui ne sont pas organisées par lui et son gouvernement. Le paradoxe c’est que cette manifestation du 12 janvier va se retourner contre le peuple dans la mesure où elle va permettre au « père de la nation » de renforcer le dispositif policier et militaire pour lutter contre le terrorisme afin de protéger les citoyens et les citoyennes, qui deviendront, eux aussi, des terroristes s’ils s’avisent à remettre en cause les décisions du « père de la nation ».

« Si Dieu existait réellement, il faudrait le faire disparaître. » (Michel Bakounine)
C’est au nom du premier d’entre eux « Dieu le père » que ses représentants sur cette terre ont commis d’atroces crimes. C’est en son nom qu’ils ont brûlé des sorcières ! Qu’ils ont pendu des homosexuels, qu’ils ont massacré des protestants (la Saint-Barthélemy), qu’ils ont décimé la population indienne lors des conquêtes coloniales, qu’ils ont pratiqué la traite des Noirs. Si, aujourd’hui, les représentants du catholicisme sont plus ou moins rentrés dans le rang, il suffirait de presque rien pour qu’ils ne refassent surface. On a pu le constater avec la loi pour le mariage pour tous et la lutte qu’ils mènent contre l’avortement, leur violence est encore intacte. La vigilance s’impose. La bataille que nos aînés ont menée contre les catholiques, nous, nous devons la poursuivre contre les islamistes. Il faudra bien que tous ces fanatiques religieux comprennent une bonne fois pour toute que la république laïque interdit toute référence à la chose religieuse dans la conduite des affaires de la cité. Mais, bonne fille, elle garantit l’exercice de toutes les religions.
Voilà pourquoi cette citation de Michel Bakounine doit sans problème s’appliquer à tous les dieux et à tous les pères. Ces deux noms associés sont une menace pour les peuples car ils sont synonymes d’autorité, de soumission et d’obéissance et donc de répression et de violence.
François Hollande, le nouveau « père de la nation », a eu d’autres prédécesseurs, alors attention danger !
C’est Clemenceau qui s’est vu attribuer le surnom de « père la victoire » ou encore Staline, celui de « petit père du peuple ».
Clemenceau a été un homme autoritaire et ses exploits pour réprimer les mouvements de grève sont restés gravés dans l’histoire du mouvement ouvrier. Je veux ici rappeler au moins trois de ses faits d’armes. Suite à la catastrophe minière de Courrières dans le Pas-de-Calais, qui fit 1 096 morts, les mineurs se mettent en grève. Ils sont persuadés que la compagnie qui exploitait la mine n’a pas mis tout en œuvre pour sauver les mineurs qui se trouvaient au fond car, vingt jours après la catastrophe, treize rescapés ressortent vivants de la fosse numéro 2 et le 3 avril c’est un mineur qui remonte vivant de la fosse numéro 4. C’est dans ces conditions que la grève se durcit. Le 23 avril 1906, suite au décès d’un officier tué par un projectile, le « briseur de grève ou le tigre » Clemenceau mobilise 30 000 gendarmes et envoie treize trains de renforts militaires. La répression bat son plein ainsi que le nombre d’arrestations. Des perquisitions ont lieu à la CGT et Griffuelhes, le secrétaire général de la confédération syndicale, est arrêté.
Devenu Président du Conseil, il fait intervenir la troupe lors de la révolte des vignerons du Languedoc en 1907. Six personnes tomberont sous les balles des militaires, pendant les journées du 19 et du 20 juin 1907. C’est dans ce contexte que se déroulera la mutinerie du 17e régiment lorsque les soldats refusèrent de tirer sur les manifestants. Cela a eu pour conséquence de mettre fin aux affrontements. Cet événement aura également pour effet de dévoiler au grand jour toute la fourberie et la férocité de Clemenceau. Après que les soldats du 17e eurent obtenu qu’il n’y ait pas de sanction individuelle, tous acceptèrent de se rendre. Immédiatement, ils sont embarqués dans un train. Au soir du 21 juin, ils arrivent à Gap, dans les Alpes. La population leur fit un accueil triomphal. Mais, quatre jours plus tard, à la demande de Clemenceau, la punition collective tombe. Le régiment tout entier est déporté à Gafsa, en Tunisie. Tous les soldats furent décimés par la chaleur et les épidémies.
C’est compte tenu de son expérience en tant que « briseur de grèves » et de son savoir-faire pour mater les mutins que Poincaré fait appel à lui en le nommant à nouveau Président du conseil pour venir à bout des mutineries qui ont lieu pendant la Première Guerre mondiale, au printemps 1917. Ce qui a pour conséquence de le rendre encore plus autoritaire. Il tient alors des propos plus que guerriers comme : « Je fais la guerre, je fais toujours la guerre. » En novembre 1917, il crée le commandement unique qui rassemble toutes les armées alliées, sous la garcette du général Foch. C’est dans ces conditions qu’il amène l’Allemagne à capituler et à signer l’armistice le 11 novembre 1918. Ce qui lui valut le surnom de « père la victoire », mais à quel prix ! La mobilisation de 64 millions de soldats, 20 millions de morts et un peu plus de blessés.
Je ne pouvais pas terminer cet article sans citer un autre despote, Staline, que l’on appelait « le petit père du peuple » et qui, entre 1924 et 1953, perfectionna le système des camps de concentration mis en place par Lénine, dès 1918. Il transforma l’Union soviétique en un véritable camp de concentration (plus de 500 sur le territoire). Il plaça l’esclavage d’État au cœur de sa politique économique. En 1929, il lance son célèbre plan quinquennal, celui de l’industrialisation du pays à marche forcée. En 1930, il crée la « direction centrale des camps » dont l’acronyme russe est Goulag. En 1931, le premier chantier modèle voit le jour, le creusement du canal de la Mer blanche.
Entre 1932 et 1935 apparaissent, sur l’ensemble du territoire, de gigantesques camps-chantiers. 1948 voit la création des camps « spéciaux » pour les politiques. Dès son arrivée à la tête du pays, il imposa jusqu’en 1933 la collectivisation forcée des terres. C’est sous son règne que la famine fit, pendant l’hiver 1933-1934 en Ukraine, près de 25 millions de morts, auxquels viennent s’ajouter les 20 millions de personnes qui ont péri dans les camps de travail. Encore une fois, c’est au nom de l’autorité, du pouvoir et du patriarcat, de la démocratie, de la liberté et du bonheur des peuples que les différents systèmes politiques justifient tous ces crimes.
Face à l’obscurantisme, à l’oppression, nous devons être vigilants et ne jamais baisser la garde, c’est pour cette raison que nous autres anarchistes nous serons inlassablement à la pointe du combat. Il s’agit pour nous de faire prendre conscience que ceux que l’on nomme « pères » de la nation, des peuples ou la victoire ne sont pas des sauveurs et surtout pas des bienfaiteurs, mais bien des manipulateurs qui agissent pour maintenir les peuples sous leur domination et les maintenir dans un état proche de l’esclavagisme, pour le plus grand intérêt du capitalisme privé ou d’État. Il faudra bien que les peuples comprennent que leur émancipation ne sera jamais l’œuvre des partis politiques ou des religions mais, au contraire, celle de leurs luttes solidaires et autonomes contre l’État, le capitalisme et toutes les religions. Ni dieux ni maîtres.
« Le pouvoir ne doit pas être conquis, il doit être détruit. » (Michel Bakounine)



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


la pulga

le 16 mars 2015
Excellent billet. Je remarque avec plaisir que beaucoup d'anarchistes n'ont pas renoncé à la lutte contre l'aliénation religieuse, cette pédale de frein séculaire qui empêchera toujours les masses opprimées de se révolter contre leurs oppresseurs. Je rêve d'un jour ou les Dieux, les prophètes et les livres "sacrés" seront définitivement rentrés dans le rang, mais ce n'est pas pour demain..( à ce sujet, si certains veulent mêler l'utile à l'agréable, je vous conseille l'hilarant "Les écritures", signé Cavanna. Un extrait que j'adore: " De partout, on apportait des malades à Jésus, et Jésus les guérissait. Aux boiteux, il faisait pousser une 3è jambe, aux aveugles, il faisait cadeau des hémorroides, aux poitrinaires, il envoyait la dysenterie afin qu'ils n'osassent plus tousser, et aux culs-de-jatte, il faisait croitre une poignée sur la tête afin qu'ils puissent gagner leur vie en qualité de fers à repasser." )