Kobané (Rojava) : résistance et besoins

mis en ligne le 23 avril 2015
1773KobaneAprès cent trente-quatre jours de fière résistance et de défensive, les hommes, les femmes et leurs combattants, avec l'aide et la solidarité de millions de personnes dans le monde, ont finalement mis en déroute les attaques féroces de l'État islamique et ont libéré leur ville : Kobané.
Ce ne fut pas seulement la défaite de l'État islamique et de son rêve d'établir un califat. Ce fut, surtout, la fin du rêve de l'allié de l'État islamique – l'actuel gouvernement turc – de faire renaître un empire néo-ottoman.
L'attaque dirigée contre Kobané fut une guerre par délégation lancée par l'État islamique au nom des régimes de la région et de plus loin, contre le valeureux peuple de Kobané et l'Autonomie démocratique du Rojava (DSA : Democratic Self-Administration).
Cette guerre a eu un grand impact social et psychologique sur la population de Kobané, y compris sur celle qui a quitté la ville pour trouver refuge dans les régions voisines.
La guerre n'est pas encore achevée. L'État islamique continue de menacer et d'intimider les villages autour de Kobané avec de terrifiantes attaques et la propagande. Naturellement, cette menace demeurera jusqu'à ce qu'elle soit totalement éradiquée de la région.
Nous entrons dans la deuxième phase de la résistance, où il nous faut affronter les conséquences de la guerre. Nettoyer le territoire de mines et des bombes non explosées comme explosées. Naturellement, cette opération ne peut être effectuée par la population de Kobané. Ceci exige un support technique et de l'expérience.
Pour reconstruire Kobané et sauvegarder l'Autonomie démocratique, la population de la ville a besoin de la solidarité internationale la plus grande possible et du monde entier. Faire appel à l'aide des institutions financières internationales et des grandes multinationales ne serait pas la meilleure des idées. En réalité, comme l'enseigne l'histoire, ce serait le meilleur moyen de mettre à bas la révolution en cours au Rojava.
Voici quelques pistes pour exercer la solidarité internationale et contribuer à la reconstruction du Rojava :
– Créer des comités et des associations pour récolter de l'argent, du matériel de construction et des outils pour remettre en état le milieu de vie, plus spécialement à Kobané, ravagé.
– Ouvrir des comptes bancaires pour recevoir dons et contributions, contrôlés par des groupes de solidarité avec le Rojava, dans vos villes et dans vos pays.
– Créer, dans chaque ville, divers groupes et comités, où il sera possible de rassembler le matériel nécessaire à la reconstruction du Rojava. S'assurer que tout ce qui sera obtenu soit transféré rapidement et de façon sûre au Rojava.
– Mettre en place des dépôts aux frontières irakienne, turque et iranienne du Kurdistan, dans l'attente que tout puisse transiter au travers d'un corridor humanitaire.
– Recueillir des remèdes et du matériel hospitalier pour les trois cantons de Rojava : Efrin, Kobané et Jézine.
– Construire des écoles, des hôpitaux, des aires de jeu et des lieux consacrés au rétablissement de la santé physique et psychologique des victimes de la guerre et des réfugiés.
– Mettre en place, pour les trois cantons, une ligne téléphonique et Internet indépendante pour ne plus avoir à faire appel à celles des pays voisins. Lignes téléphoniques et Internet doivent échapper à leur contrôle.
– Permettre aux volontaires qui peuvent aider physiquement et psychologiquement de venir participer directement au soutien de la population et à la reconstruction de Kobané et de tout le Rojava.
– Chaque mise en place d'aide devra se faire après consultation de la population locale du Rojava impliquée dans les communes et des groupes locaux de coordination des membres de la DSA qui prendront, seuls, la décision finale.
Nous concevons la participation et la solidarité avec le Rojava comme un devoir naturel et concret d'anarchiste. Nous espérons que ces souhaits et d'autres seront concrétisés par d'autres compagnons. Nous croyons que ce travail concret ne doit pas se limiter au Rojava mais doit concerner n'importe quel lieu du monde, en particulier tous les lieux que la guerre a détruits. Ceci révèle de quelle façon les anarchistes travaillent à la reconstruction de la société, dans tous les aspects de la vie.
Nous sommes persuadés que rien n'est parfait et ne puisse échapper à la critique, et cela vaut pour nos suggestions. Nous espérons que celles-ci créent des débats et des échanges parmi tous les anarchistes.
Nous tenons par ailleurs à souligner que ceci ne concerne pas seulement Kobané-Rojava parce qu'il est bien possible que nous nous retrouvions confrontés à la même nécessité dans d'autres parties du monde, dans un avenir très proche.

Forum anarchiste du Kurdistan (KAF)
Parus dans Umanità Nova le 22 mars 2015
Traduit par Toni du Groupe Germinal de la FA