Contre la venue de Le Pen

mis en ligne le 24 novembre 2006

Nantes

Le Pen se rendait à Nantes dimanche 1er mars. Une contre-manifestation était organisée. La social-démocratie, quant à elle, tentait à deux semaines des élections de créer une forte mobilisation : contre le spectre du fascisme, il faut voter utile pour la gauche plurielle. Logique tragique et triste ironie, quand en même temps on pouvait lire les communiqués laconiques annonçant que 32 sans-papiers, le 22 février dernier, étaient expulsés avec une aide de 4 500 FF par adulte et de 900 FF par enfant pour leur réinsertion ! Triste ironie que tous les libertaires se devaient de dénoncer par le refus de la présence d'un Parti socialiste qui finalement n'osera pas s'afficher. Les libertaires ont de leur côté provoqué une large mobilisation, avec entre autres un carnaval impulsé par No Pasaran.

Le résultat de cette manifestation est très intéressant. Un cortège de 6 000 personnes a parcouru le centre-ville nantais avec à sa tête près de 2 000 personnes dans le cortège libertaire. Ces 2 000 personnes, qui ne sont pas forcément anarchistes, mais qui choisissent délibérément d'être dans le cortège libertaire, nous confirment qu'effectivement notre mouvement a devant lui des perspectives. Quant à la Fédération anarchiste, nous sommes intervenus avec tracts et banderole, avec le soutien de militant(e)s des groupes de Rennes, Quimper, Vannes, Brest et Angers.

Deux bémols à ce bilan ! Le premier, habituel, est à chercher du côté de la presse. Presque pas un mot sur l'imposant cortège libertaire si ce n'est notre banderole à la Une du Presse Océan. Comment faire pour occulter 2 000 personnes dans une manifestation de 6 000 personnes ? Devenez journaliste dans un journal soutenant un système de démocratie parlementaire et libérale ! Mais à ce premier bémol point de surprise...

Le deuxième bémol est à chercher dans la fin de la manifestation, qui a provoqué nombre de départs précipités, dont [ceux d]es militant(e)s de la FA, en lançant quelques slogans antinationalistes. Effectivement la manifestation s'est terminée par l'union avec un rassemblement breton organisé par le CUAB (Comité pour l'unité administrative de la Bretagne). La situation est d'autant plus inacceptable que des libertaires ont soutenu une telle démarche. Ces libertaires, par cette action, ont montré le vrai visage de leur nationalisme car ce rassemblement breton n'était même pas un regroupement d'une quelconque gauche révolutionnaire bretonne. Non, le CUAB est très œcuménique et regroupe autant l'UDB (proche du PS) que des personnes de droite. Cette manifestation recevra le soutien de personnalité du PS et de l'UDF : un programme très révolutionnaire ! D'ailleurs au moment où la jonction se faisait, nous avons eu le droit à un réel discours patronal : « Ce qu'il nous faut c'est une région forte. Avec le rattachement de la Loire-Atlantique, la Bretagne sera plus forte dans la lutte économique européenne... » Tout un programme ! De son côté Le Pen avait aussi ses drapeaux bretons (dans son discours et dans son service d'ordre)... Laisson-les se battre pour un drapeau national...

Notre lutte antifasciste est ailleurs. Et dans cette actualité électorale, elle se situe bien dans l'affirmation nette qu'une élection n'est pas une arme contre le fascisme, que la social-démocratie n'est pas un rempart suffisant... Voter pour une gauche qui expulse, voter pour une gauche dont le programme économique d'exclusion favorise la montée des idées d'extrême droite n'est qu'une illusion et une illusion dangereuse. La réponse de notre antifascisme se situe ailleurs, dans la construction progressive d'un mouvement social, au cours des luttes... C'est pour discuter de ces problématiques qu'au lendemain des élections des débats seront organisés (cf. agenda) avec Ronald Creagh, historien et militant, qui retracera les principales étapes de la lutte antifasciste entre les deux guerres, pour donner un éclairage et discuter des luttes actuelles.

Régis Balry
groupe de Nantes