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Littérature
par Pierre Sommermeyer le 17 juillet 2017

Contingent rebelle, Patrick Schindler Editions (L’Echappée)

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Demander à un objecteur de conscience de rendre compte d’un livre racontant le service militaire effectué par l’auteur dans les années 1970 relève d’une certain prise de risque.

Une fois passées les présentations de l’histoire de la conscription en France et de l’Appel des cent, mouvement de contestation au sein de l’armée après 1968, le récit, quasiment au jour le jour, de la vie de caserne est tout à la fois réjouissant et atterrant.





Dans un style rapide et agréable Patrick Schindler nous entraîne dans les entrailles d’une armée vieillissante, réduite à prendre dans ses filets ce qui se présente. La description de ses compagnons de chambrée ne laisse aucun doute sur leur valeur, comme si rassemblés dans ce décor ces jeunes hommes devenaient la lie de la terre. Patrick et les quelques amis qui se rassemblent autour de lui vont tous ensemble entamer une grève de la faim. Cela ressemble plus à un acte désespéré pour échapper à cette étreinte nocive qu’est l’armée qu’à un acte politique fort. Seuls, confinés dans une chambrée, l’issue, via l’infirmerie militaire pour une réalimentation, ne fait pas de doute. Mais l’honneur est sauf. Ils se sont battus avec les seules armes dont ils disposaient, leur corps. Plus loin, une fois l’entrainement commencé, le récit que fait Patrick de son refus d’apprendre à tirer est tout simplement désopilant.

Les classes sont terminées. C’est le nom de la période de formation au début du service militaire. Patrick est envoyé sur une base aérienne. Chargé de filtrer les personnels entrant et sortant, il va apprendre si tant est qu’il en ait besoin, à faire le mur. Ce sera l’occasion de prendre contact avec les membres de la F. A. de la ville voisine, ce qui débouchera sur l’organisation d’une magnifique manifestation anti-militariste rassemblant civils et soldats appelés sous les drapeaux. La hiérarchie soucieuse de se débarrasser de cet intrus va l’envoyer en formation. Il faut quand même un minimum d’effort pour devenir projectionniste militaire ce que l’auteur n’est pas prêt à faire. Pas grave, parce que ce sera l’occasion d’une belle histoire d’amour avec le formateur. De retour à la base de départ il refait connaissance avec la prison militaire dans laquelle il avait été enfermé plusieurs semaines après la manifestation. Un mois plus tard, une autre formation se profile. Cette fois les bénéficiaires sont pour une grande partie des signataires de l’Appel des cents. Il s’agit alors de devenir animateur social ! La première perm sera l’occasion pour Patrick et un autre soldat de faire une virée amoureuse vers l’Ile de Ré où notre auteur avait passé des vacances enfantines mémorables. Pour le lecteur c’est un vrai plaisir de feuilleter ces pages pleines de soleil et de joies.

De retour au stage le projet cinéma auquel Patrick est assigné va prendre des chemins de traverse pour devenir lors de sa projection devant les huiles un brûlot antimilitariste. Sa réalisation vaut le détour. Le lecteur, donc moi aussi, prend une leçon de double langage tout à fait rafraichissante. Je regrette que le laudateur de Louis Lecoin présent dans le film n’ait pas de nom.

La fin du service militaire de l’auteur se divise entre la fabrication de fausses permissions, des séances de cinéma et des semaines de prison. Si Patrick Schindler a entamé sa période militaire contraint et forcé, sa libération anticipée de deux jours est toute aussi contrainte et forcée pour la hiérarchie militaire.

Cette recension toute pleine de sympathie soit-elle ne peut s’achever sans l’expression d’un désaccord complet. Quand Patrick est incorporé, cela fait quelques années que j’ai achevé ma période de service national. Après des années d’insoumission j’ai opté pour ce service civil arraché de haute lutte par Louis Lecoin. Le désaccord ne porte pas sur ce trajet différend mais sur la prétention portée par l’Appel des cent de vouloir démocratiser l’armée. Quelle qu’elle soit, une armée ne peut être démocratique, sa loi est celle du fusil, de la mort.

Cela dit, la republication de ce livre vient à point nommé. Les politiques qui nous gouvernent semblent être d’accord pour mettre en place une espèce de service militaire afin d’améliorer la cohésion sociale de notre pays ! Cet ouvrage est un élément de résistance tout à la fois comique et radical.
PAR : Pierre Sommermeyer
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