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par Patrick Schindler, groupe Botul de la Fédération anarchiste le 19 mars 2018

Vie quotidienne : mon amie trans et la Sécu

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Article extrait du « Monde libertaire » n° 1791 de janvier 2018
Un matin, en faisant ma revue de presse, je tombe sur un article paru dans un quotidien national relatant les difficultés rencontrées par H. H., face à l’administration. Je connais Hélène depuis les années 1970. Nous avons milité ensemble, d’abord au Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR). Puis, nous nous sommes retrouvés par hasard aux Beaux-Arts (!) des années plus tard, pour militer encore ensemble, à Act Up Paris dans les années 2000.





Hélène, après une longue carrière de journaliste puis d’animatrice spécialisée dans la chanson française sur une radio nationale, a posé ses droits à la retraite. Stupeur, lorsqu’elle reçoit la feuille résumant son plan de carrière et donc ses droits à la retraite. Elle s’aperçoit alors que les années où elle a cotisé sous son nom de naissance, c’est-à-dire avec un numéro de Sécurité sociale commençant par 1 (sexe masculin), ne sont pas prises en compte par l’administration. Ne sont prises en compte que celles où elle a cotisé sous son numéro de Sécurité sociale commençant par un 2 (sexe féminin). Le prétexte invoqué par l’administration ? Ses points accumulés sous le numéro 1 ne pouvaient pas être validés puisqu’elle avait alors cotisé sous une autre identité ! Évidemment, puisque ce numéro datait de l’époque d’avant sa transformation... Mais allez expliquer cela à la Sécurité sociale ! D’autant que son premier employeur n’avait pas fait les démarches nécessaires pour que la demande d’Hélène aboutisse. Nouvelle stupeur, quand elle appelle la responsable de l’administration. Celle-ci l’accuse d’« usurpation d’identité », donc de tricherie administrative...

J’accompagne donc Hélène à son centre de Sécu qui, comme par hasard, la contacte deux jours après que la presse ait fait état de ses difficultés... Elle est donc reçue par la directrice de l’agence, afin de régler le problème en « urgence ». La fameuse peur des médias... Tout juste si on ne lui déroule pas le tapis rouge ! Je l’attends dans la salle d’accueil, tandis qu’une hôtesse l’appelle, mais… par son nom de naissance ! Je suis scandalisé. Quel manque de délicatesse, d’humanité ! Hélène me dit : « Ne t’en fais pas, nous les transexuel.les avons l’habitude de ces petites humiliations quotidiennes. Nous devons faire avec et ne jamais nous énerver, si nous voulons obtenir gain de cause »... Bref, en un quart d’heure, son problème est réglé et ses points cotisés sous le chiffre 1 pris en compte ! Magique… Y a-t-il eu coup de fil de la direction de la Sécu, l’article étant repris dans plusieurs journaux ? Hélène est une militante et, de plus, une anarchiste convaincue. Elle me dit donc en sortant : « Tu sais si j’ai fait intervenir la presse, c’est d’abord parce que j’ai eu la chance d’avoir exercé dans ce métier et d’y avoir gardé quelques sympathies. Mais imagines-tu le calvaire que doivent subir tous les jours, les trans anonymes confronté.es aux mêmes problèmes que moi ? »

Hélène espère que son intervention dans les médias servira, sinon de jurisprudence (puisqu’il s’agit de tambouille interne à l’administration des retraites), mais au moins d’exemple et de référence pour toutes les autres personnes transsexuelles quotidiennement non respectées, humiliées et niées dans leur être le plus profond... Devant faire face aux tracasseries humiliantes, aux attentes interminables, à l’injustice, aux coups de fil inutiles face à une administration sourde et inhumaine devant les « cas particuliers ». Le but de cet article est de montrer combien l’écart est grand entre les annonces gouvernementales de mesures d’égalité des droits (1) et leur application réelle dans la vie de tous les jours, soumises au bon vouloir de fonctionnaires de plus ou moins bonne volonté !...

[note]
PAR : Patrick Schindler, groupe Botul de la Fédération anarchiste
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