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Chroniques du temps réel
par Céd le 21 septembre 2020

Y a d’la fumée à La Poste

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En cette fin de dimanche après-midi
A l’heure du vermouth hebdomadaire
L’aïeule eut un geste malheureux.
Cherchant la fréquence de Radio Courtoisie
La molette s’arrêta sur Radio… Libertaire
Et le quiproquo se développa à qui mieux mieux.

La célébration des amitiés françaises
Et les souvenirs glorieux d’antan
Etaient au menu de l’émission.
Or les animateurs prenaient leurs aises
Employaient des mots de notre temps
Et parlaient même de consommation.

Touchant aux réglages de son sonotone
La grand-mère ne fit qu’aggraver le mal
Et en fut réduite à deviner bien des mots.
Elle comprit qu’avant la fin de l’automne
Un feu serait déclenché à la Banque postale
Par des drogués de la bande à Bonnot.

Alertée par ce qu’elle mal-entendit
Elle décrocha son téléphone filaire
Et joignit les Renseignements Généreux.
Ce service de la police est une gâterie
Un délice pour tous les citoyens ordinaires
Les faibles, les veules et les hargneux.

« J’ai échappé de peu au malaise
Tout cela est proprement stupéfiant »
Déclara-t-elle en cette occasion.
« Ce ne sont pas des fadaises
Il y a aura des cracks armés jusqu’aux dents
Qui planeront au-dessus de la région. »

L’agent prit une voix monotone
Las de ses permanences dominicales
Et invita l’aînée à arrêter la coco.
« Ah, celle-là, elle est bien bonne
Se fâcha l’octogénaire inamicale
Et pour l’otage ? Le bedeau ? »

S’il n’y avait eu que l’incendie
Le flic aurait raccroché un peu débonnaire
Mais le sujet devenait épineux.
Qui s’occuperait de la sacristie
Si un marguillier était envoyé à l’air
Et que l’on butât un homme pieux ?

La vieille ramena encore sa fraise
En appela à la solidarité entre Francs
Pour arrêter l’acte avant sa commission.
« Ce sont des patriotes, de retour du Zambèze »
Le malentendu attend toujours le malentendant
Qui confond Lepénisation et dépénalisation.

Vérifications faites, le divisionnaire tonne
Contre son subordonné, la Sécurité Sociale
Et les emmerdeuses qui gâchent le boulot.
« Le remboursement des audiophones
A tous les vieux débris à queue de cheval
Est une ânerie promue par des blaireaux. »

***

Assise sur le grabat de sa cellule à Fleury
Dans la peau d’une future correctionnaire
Mamie songe, elle, à son petit neveu.
Elle était si fière qu’il ait rejoint la BRI
Pour traquer les bandes de gangsters
Au parloir, elle a lu la honte dans ses yeux.

Germaine se sent engluée dans la glaise
Ses codétenues la réconfortent gentiment
Mais rient ouvertement du chef d’accusation.
Elles trouvent ça « vachement balaise »
D’être incarcérée à quatre-vingt-quatre ans
Pour divulgation de fausses informations [note] .

Son avocate, elle, est douce comme une lionne
Insoucieuse de la quiétude vespérale
D’une cliente qui tremble de tous ses os.
La retraitée aurait dû se faire nonne
Agiter les Évangiles tel un fanal
C’est ce qu’elle se dit in petto.

Les semaines s’étirent dans l’ennui
De la routine concentrationnaire
Qui rend l’emprisonnement odieux.
Alors grand-maman observe et réfléchit
A la situation de ses coreligionnaires
Des mères privées de leurs morveux.

Il y a des jeunes femmes Albanaises
D’autres originaires d’Extrême-Orient
Beaucoup livrées à la prostitution.
La vieille finit par faire la synthèse
Et son manque de discernement
Lui saute à la figure pour de bon.

Dans la cellule le mercredi soir résonne
Les mots issus de l’univers carcéral
Les lettres adressées à Paulette ou à Paulo.
Sur 89.4 [note] , personne ne hurle ni ne tonne
Mais on rappelle cette vérité fondamentale
Nul ne se résume à un matricule, un numéro.

Maintenant l’aînée a bien compris
L’origine de tous ces vents contraires
Qui conduisent à Fleury les impécunieux.
Voleuses ou dealeuses comme on dit
Elle a désormais levé le mystère
Sur la truanderie des règles du jeu.

L’ancêtre a longtemps buté sur une falaise
Perçu les détenus comme des êtres effrayants
A garder derrière les murs de la prison.
Beaucoup étaient originaires de Fès
Jeunes, arabes et musulmans
Présentés comme de véritables démons.

Dans sa tête désormais bourdonne
Le souvenir des analyses glaciales
Répandues par de vils crapauds.
En contrepoint mémé crayonne
Des slogans contre l’ordre pénal
Et distingue enfin le vrai du faux.




Céd.
PAR : Céd
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1

le 21 septembre 2020 13:37:30 par Luisa

Comme à chaque fois : Un petit bijou d’impertinence érudite et d’ironie désespérée.
MERCI !