À quand la grève générale ?

mis en ligne le 27 juillet 2003

La grogne monte dans l'éducation !

Depuis le mois de mars, de nombreuses académies ont connu des grèves reconductibles à l'appel d'intersyndicales. Au Havre, 300 enseignants et personnels non enseignants des écoles, collèges, lycées ont reconduit le mouvement depuis la journée d'action du 18 mars. À Toulouse, Agen, Nîmes, en Haute-Loire, à Pau et Bayonne, Marseille, Lyon, Poitiers, Nantes, Bordeaux, etc. Tous en grève contre les attaques répétées du service public d'éducation. Au Petit-Quevilly, dans la banlieue rouennaise, c'est plus de 400 enseignant(e)s qui étaient réuni(e)s en assemblée générale le 3 avril. Dès le lendemain, environ 50 % votaient une grève reconductible.

Les économies sur les dépenses publiques préconisées par la commission européenne sont un prétexte de plus pour libéraliser les services publics. L'une des conséquences depuis plusieurs années, c'est la réduction drastique de postes et de personnels et le non-remplacement des départs en retraite. En Seine-Maritime, ce sont 92 fermetures de classes en primaire et en maternelle (particulièrement touchée), 26 suppressions de postes de remplaçants, 148 suppressions de postes d'enseignants du secondaire, 750 emplois jeunes dans l'académie, soit 20 000 licenciés d'ici à juin 2003 sur le plan national.

La décentralisation

Des catégories entières de personnels de l'Éducation nationale passent sous la tutelle des départements et des régions : les agents de service du secondaire (11 000), les assistantes sociales scolaires (2 500), les médecins scolaires (1 500) et les conseillers d'orientation psychologues (co-psy) des collèges et lycées (4 500). Ce sera aussi, dans chacun de ces corps, des milliers de précaires licenciés. Le transfert de ces emplois vers la région ou le département va faire disparaître ces postes des établissements scolaires, leurs statuts vont se dégrader et, enfin, ceux qui en auront les moyens auront recours au privé. Tant pis pour les autres !

Le projet de mise en réseaux des écoles du premier degré qui doit se faire à la rentrée 2004 est lui aussi cause d'une grande inquiétude. En globalisant davantage les moyens, à l'échelle de 25 ou 30 classes au minimum, à la place des structures d'écoles actuelles, de 2 à 15 classes, en instaurant un super-directeur à la tête de ces réseaux et en donnant le pouvoir aux élus municipaux dans la gestion de la carte scolaire et dans les attributions budgétaires, l'administration planifie d'énormes économies sur le dos des élèves. C'est la porte ouverte à une école de plus en plus inégalitaire, selon que l'on sera dans une région riche ou pauvre, et selon la volonté du maire d'œuvrer en faveur de l'école.

Dans les lycées professionnels, la décentralisation passe par la création du « lycée des métiers » qui vise à l'adaptation des formations et des diplômes aux bassins d'emplois, c'est-à-dire aux besoins immédiats du patronat local, et à la mise en concurrence des établissements. Et si cela ne suffisait pas à nos malheurs, Luc Ferry vient d'annoncer que l'académie de Rouen serait pilote pour expérimenter la non-mixité en classe (Robin, Ferrer, Faure, au secours !)

Il paraît qu'il faut sauver les garçons qui se font doubler par les filles sur les bancs de l'école. Il omet de dire que cette avance ne suit pas sur le plan professionnel et social !

Recul des droits en matière de retraite

Les enseignants refusent l'allongement de la durée de cotisation et revendiquent les 37 annuités et demie pour tous, public et privé. Sont également remis en cause : l'installation d'une décote (pour les annuités manquantes), la modification de la base de calcul (actuellement faite sur les six derniers mois) qui pourrait, comme dans le privé, passer aux 25 dernières années, l'indexation des retraites sur l'indice des prix, beaucoup moins avantageuse qu'actuellement (indexation sur les salaires), et la création d'une caisse pour agents de l'État qui nécessite de casser le statut de fonctionnaire. Actuellement, les fonctionnaires sont pensionnés par le budget de l'État, les pensions devant toujours être payées, alors qu'une caisse peut être déficitaire.

Défendre les services publics ?

L'école publique, on le sait, participe du tri social et se prête de plus en plus au discours libéral et à la culture d'entreprise. Elle reste néanmoins l'une des dernières garanties de l'accès au savoir pour tous. Les anarchistes ne défendent pas les services publics pour mieux se soumettre à l'État employeur, mais pour ce qu'ils représentent de services utiles à l'ensemble de la population. Notre but doit être d'affirmer la nécessité d'une réappropriation par les salariés et les usagers, avec un droit égal d'accès pour tous et toutes,

Vers la grève générale ?

Les appels à la grève reconductible se développent, et il semble qu'un fort mouvement interprofessionnel peut se construire dès maintenant. Les attaques contre l'école font partie d'une offensive générale contre les services publics et l'ensemble des salariés. Après s'être attaqués aux acquis de la fonction publique, c'est avec l'ensemble des acquis du monde du travail que Raffarin veut en finir.

Ce gouvernement se sent d'autant plus fort qu'il peut compter sur une droite et un patronat qui détiennent une grande partie des pouvoirs économiques et politiques du pays, qu'il s'appuie sur des réformes déjà initiées par la gauche plurielle et qu'il dispose d'environ cinq ans pour mettre en œuvre ses réformes réactionnaires.

Dans ce contexte, il n'est pas évident que les organisations syndicales, même celles qui se targuent d'une forte représentation, soient prêtes à appeler à une grève reconductible, étant plus soucieuses de leur image respectable et de leur capacité à rebondir.

De nombreux secteurs se mobilisent et réapprennent la démocratie directe, en organisant des assemblées générales et en élisant des comités de grève.

À la base d'imposer une mobilisation à la hauteur des enjeux, radicale et interprofessionnelle, et de construire dès aujourd'hui la grève générale.

Virginie Benito