À l’abordage !

mis en ligne le 25 février 2010
Le 13 février, une action était initiée par le groupe Béton armé de la Fédération anarchiste, un groupe parisien. Il s’agissait pour nous de délivrer plusieurs messages.
D’une part exprimer notre solidarité envers toutes les victimes de la répression. Que ce soient des sans-papiers, des syndicalistes ou d’autres militants, nous sommes tous et toutes visés aujourd’hui par le système répressif. L’UMP, en tant que force politique au pouvoir, est responsable de cette situation, même si nous n’oublions pas la responsabilité de la gauche (oui, les expulsions, les lois de « sécurité quotidienne », dites LSQ, ont été aussi une réalité de la gauche plurielle).
D’autre part participer, à notre manière, à l’évolution des formes de luttes militantes. Ce genre d’action est assez ludique, et change un peu des actions plus traditionnelles. Cela ne signifie pas pour nous un abandon des formes plus classiques de militantisme, mais un enrichissement de celles-ci, sans pour autant les abandonner. Les modes d’action mis en place par les désormais célèbres « désobéissants » sont récupérés, digérés presque, et réutilisés à notre sauce.
Ce genre d’action nécessite de la préparation. Repérages, minutages, mise en place du mode opératoire… et bien entendu, réflexion sur le message politique délivré. En effet, il ne s’agit pas simplement de mener une action qui se suffirait à elle-même, mais d’utiliser celle-ci afin de délivrer un message. Ici, message de résistance, et message aussi à ne pas prendre intégralement au premier degré : un abordage de pirates sur une péniche amarrée sur la Seine reste quelque chose de symbolique et de décalé. Confettis, serpentins… la croisière s’amuse, sauf pour les sbires de l’UMP absolument pas préparés à ça et plutôt surpris.
L’opération reste secrète et connue de très peu de monde jusqu’au dernier moment, pour des raisons évidentes de faisabilité. Une fois les gens mobilisés et présents au rendez-vous, l’objectif est exposé, les rôles sont répartis, et les personnes ayant des missions spécifiques sont présentées à tout le monde (photographes, vidéastes, activistes de Radio libertaire, interlocuteurs avec la police, etc.). Des conseils sur les conduites à tenir en garde-à-vue sont rappelées, ainsi que des consignes de sécurités de base.
Plus nous approchons de l’objectif, plus la tension monte. Malgré la bonne humeur, nous savons que tout peut rater au dernier moment pour presque rien. Et puis l’action s’enclenche véritablement, et nous sommes bien heureux de pouvoir bénéficier de toute la préparation effectuée en amont. Les choses se mettent en place, tout roule. L’improvisation est toujours de mise mais limitée à son strict minimum.
Chacun sait ce qu’il a à faire. L’action est collective et s’appuie sur toutes les actions individuelles qui s’articulent les unes aux autres.
Comme l’explique le communiqué, la parole donnée de ne pas effectuer de contrôles d’identité à l’issue de l’action ne sera pas respectée. Soit-disant à cause d’un ordre « venu d’au-dessus ». Alors que nous prônons l’action collective, et l’égalité, les forces du pouvoir savent bien se cacher derrière leur hiérarchie, elles. Nous n’en saurons pas plus, mais ordre « d’en haut » ou pas, c’est pour nous une forme de reconnaissance.
Après une consultation de notre groupe, nous décidons collectivement de nous laisser contrôler sur place plutôt qu’en garde à vue. C’est aussi là que l’exposé préalable des risques de l’action nous permet de prendre une décision cohérente. Bien entendu, nous aurions préféré échapper à tout contrôle. Mais ce type de risque était connu et anticipé. Pas de surprise, donc. Nous qui dénoncions par notre action la répression de toute contestation, nous voilà confortés, sous l’œil des médias, dans notre opinion. Aujourd’hui, ce genre d’action pourtant non violente et symbolique mobilise une force policière qui, elle, est bien concrète et pas symbolique du tout.
Pendant et après l’action, des communiqués de presse sont rédigés et envoyés. Ils sont également traduits en plusieurs langues pour être diffusés au-delà de ces frontières, frontières que nous comptons bien, un jour ou l’autre, éliminer. Les photographies sont récupérées, triées, les vidéos sont montées, et un bilan collectif de l’action a lieu.
Des progrès restent à faire de notre côté, c’est certain. Mais l’enthousiasme des participants et le fait d’avoir atteint nos objectifs ne font qu’accentuer notre détermination. Les liens se nouent, les solidarités s’expriment. Ce type d’action rapproche les gens qui y participent et chacun gardera dans un coin de la tête que, police ou pas, notre solidarité envers tous les enfermés, envers toutes les personnes traînées devant le système judiciaire est entière et que nous resterons pirates !