Pour une identité internationaliste !

mis en ligne le 10 décembre 2009
Ces extraits du Manifeste communiste, publié en 1847, n’ont guère perdu de leur actualité. Certes, mes camarades libertaires peuvent faire la moue à l’évocation de Karl Marx, et il faut bien constater que la notion de prolétariat a bien évolué depuis quelque cent soixante ans. Au fil du temps, le vocabulaire s’est assoupli, les prolétaires sont devenus travailleurs, puis ouvriers, salariés et, enfin, au travers du jargon populiste du PCF et de la CGT, les « gens »…Nous disposons même d’une nouvelle variété de bipèdes, les partenaires sociaux !
Alors, si les prolétaires n’avaient pas de patrie, les « gens » ont pourtant tendance à s’en revendiquer. Il faut bien constater que, depuis le Front populaire de 1936, et en tout cas au travers des combats pour la libération de la France, le poison nationaliste n’a cessé de gagner des couches de plus en plus larges dans les classes laborieuses. Récemment, il a même été possible d’entendre le chef de l’UMP de parler des « bobos de gauche », opposés aux « prolétaires de droite ». Curieux. C’est le monde à l’envers mais c’est celui dans lequel nous vivons, et nous sommes bien loin de cette identité internationaliste qui permettrait de calmer bien des tensions.

Expulser et exploiter dans le même temps
Le grand débat qui agite les bons esprits depuis que le gardien de l’Identité nationale, éric « Judas » Besson a jeté son gros pavé dans la mare, atteint désormais tous les secteurs de la société bien française. Nicolas Sarkozy, toujours à l’affût, ne tardait pas à reprendre au bond le ballon d’essai lancé par son commis aux mauvaises causes. Allait suivre le sinistre Darcos, lequel avait immédiatement compris l’intérêt de relier ce cocorico au problème des travailleurs sans papiers, qui venaient, au grand jour, de révéler la duplicité de leurs patrons.
Ensuite, toutes les éminences de l’UMP devaient applaudir à tout rompre cette relance de l’identité nationale, et la fierté d’être de vrais Français de France, dont les enfants devraient chanter La Marseillaise, au moins une fois par an. Au PS, on avait timidement suivi ce débat, craignant d’être qualifié de nationaliste par les uns, et insuffisamment patriotes par d’autres. Quant au Front national, qui tenait également à faire entendre sa voix, il suggérait que l’élève Sarkozy pouvait « mieux faire ». Reprochant ainsi au président de la République de ne pas expulser suffisamment de sans-papiers, dans le même temps qu’il continuait à ouvrir largement les portes du pays de la liberté à des étrangers sans foi ni loi. Ce qui devrait fâcher Nicolas Sarkozy, grand maître de la démagogie institutionnelle.
Dès le début, il était évident que les sans-papiers étaient pris pour cible. Y compris ceux dont les enfants sont obligatoirement scolarisés. Pourtant, là où la tragi-comédie devait atteindre au sublime, c’est lorsque Xavier Darcos, ministre du Travail, se mit à proclamer que les entreprises, coupables d’employer des sans-papiers, pouvaient être fermées, en guise de sanction. On imagine, sans rire, l’interdiction faite à Bouygues de poursuivre ses activités. Lequel, bien entendu, fait appel à une main-d’œuvre sans papiers, par le biais de sociétés écrans.

Êtes-vous plus Français que lui ?
Soyons sérieux… Ce qui est en cause, ce n’est pas simplement l’identité française qui paraît tellement tourmenter Nicolas Sarkozy. Ce qui détermine l’actuelle campagne, c’est bien évidemment la volonté de capter les voix de l’électorat du Front national, dans la perspective des prochaines élections régionales. Comme pour l’élection présidentielle de 2007. C’est au sein du FN que notre petit rejeton de Hongrois, qui ne va pas tarder à se prendre pour Jeanne d’Arc, espère trouver ces bons Français de France qui feront la différence lors de la prochaine consultation électorale.
Cette obstination à rassembler les « nationaux », sous la bannière de l’UMP, nous renvoie à une affiche, datant de l’été 1940, avec une photo du maréchal Pétain, pot de fleurs sur la tête, avec en légende cette interrogation en guise de slogan : « êtes-vous plus français que lui ? » Cela dans un temps où le chef de l’état français s’apprêtait à promulguer une loi sur « Les étrangers en surnombre dans l’économie française. »
Surtout pas d’amalgame dans ce rappel à l’histoire. Simplement la permanence d’une volonté, en période de crise, de montrer du doigt l’origine de nos malheurs. Nous devons rester calmes, nos dirigeants ne sont pas xénophobes ! Cela doit être bien compris. Il y a pourtant des lois qu’il faut se garder de transgresser. Ainsi, vivre au pays des droits de l’homme, sans titre de séjour, constitue un délit dont la sanction ne peut être que l’expulsion. Ce qui doit permettre de rester entre authentiques descendants de Gaulois ou de Germains, plus souvent.
Bien sûr depuis la Révolution française, dont se revendiquent Sarkozy et ses affidés, il va de soit que la Déclaration des droits de l’homme nous concerne tous, tout comme nous sommes censés être égaux. Du calme ! Il faut bien comprendre, expliquent les bons Français, qu’il faut vivre avec son temps. Comment supporter cette invasion de miséreux venus des pays du Sud, alors que nos salariés supportent durement les effets du chômage ? Tous nos grands patriotes, surtout héritiers des collabos des années 1940, qui avaient le béret basque vissé sur la tête, n’ont que mépris pour ceux des étrangers qui sont encore chez nous, désarmés, exploités, mais accusés de bénéficier de faux papiers. Peu importe qu’ils payent des impôts et s’acquittent de leurs cotisations de Sécurité sociale.
Les Français ne sont peut-être pas majoritairement xénophobes, mais ceux qu’ils ont élus pour les gouverner le sont largement à leur place. D’ordre et pour compte, comme on dit à la banque. Chacun sait que les Français ne sont pas plus racistes qu’ils ne sont xénophobes, mais il est évident qu’ils n’ont jamais vraiment apprécié les « Bougnoules ». Particulièrement depuis la guerre d’Algérie. Ce qui fait que les propos sur l’immigration de Sarkozy, Besson, Darcos et Hortefeux peuvent trouver un large écho parmi les descendants des anciens prolétaires, qui ont été nombreux à les porter au pouvoir, à l’occasion d’élections parfaitement démocratiques.

Sans oublier les enfants…
Jadis, on disait des étrangers, c’était les Polonais, les Italiens puis les Portugais, qu’ils venaient « manger not’pain ». De nos jours, le propos est nettement plus brutal. Ceux qui viennent des pays du tiers-monde, ne font qu’encimbrer notre sol national. Sous-entendu qu’ils polluent l’atmosphère au pays jadis réputé pour son droit d’asile. Ce n’est pas vraiment nouveau. Déjà, en 1991, Jacques Chirac s’irritait « du bruit et de l’odeur » des étrangers. En 2009, Sarkozy, Besson et Hortefeux s’appliquent surtout à les expulser… Sans oublier les enfants !