Pas de santé pour les pauvres

mis en ligne le 29 octobre 2009
Les associations bougent. Médecins du monde a publié un rapport sur l’accès aux soins des populations les plus démunies, dix ans après la création de la Couverture maladie universelle (CMU) et de l’Aide médicale d’État (AME) pour les étrangers en situation irrégulière. Deux dispositifs censés garantir le droit à la santé pour tous. Dix ans après, tout ça n’est pas très joli joli ! Pour sa part, la LDH dénonce les propos que Besson a tenus sur la Sécurité sociale. Le Monde libertaire s’est rendu aux deux conférences de presse. Les anarchistes doivent continuer à soutenir les populations les plus précarisées et les sans-papiers privés de soins.
Selon Olivier Bernard, président de Médecins du monde, le vrai problème aujourd’hui est l’accès aux droits. « Huit patients sur dix reçus dans nos centres n’ont aucune couverture maladie alors qu’ils y ont droit ! » Il y a plusieurs raisons à ce phénomène. Tout d’abord, le dispositif CMU, prévu pour 6 millions de personnes, ne touche aujourd’hui que 4,8 millions de patients. Le rapport constate que les démarches administratives sont de plus en plus compliquées. Par exemple, pour bénéficier de la complémentaire gratuite, il faut faire une demande en plus de la CMU de base…

Peur de la dénonciation
Au total, près de 25 000 patients démunis ont été pris en charge dans ces centres en 2008. Ils y sont soignés, informés sur leurs droits et réorientés sur le système médical classique. Mais, pour la plupart d’entre eux, à la complexité administrative s’ajoute souvent la barrière de la langue. 80 % des patients pris en charge dans les Caso (Centres d’accueil, de soins et d’orientation) sont des étrangers en situation irrégulière. La plupart ignorent qu’ils peuvent bénéficier de l’Aide médicale d’État à partir du troisième mois passé en France et ceux qui connaissent leurs droits ne viennent pas facilement, ils ont peur des dénonciations.
Les équipes de terrain de Médecins du monde le constatent au quotidien. Ils déclarent dans le rapport qu’il existe une pression sur les bénéficiaires potentiels. Par exemple, au centre de Marseille, il y a régulièrement un car de police à l’angle de la rue. Du coup, les sans-papiers hésitent à franchir la porte des centres, et repoussent l’ouverture de leurs droits. Ils attendent le dernier moment pour se faire soigner.
De ce fait, les recours tardifs aux soins sont en augmentation. Ils représentent 18 % des consultations en 2008 (contre 11 % en 2007). Le responsable du Centre d’accueil à Paris, insiste sur l’absurdité économique et sanitaire d’une telle situation. Les patients arrivent avec des pathologies lourdes et donc coûteuses à prendre en charge… Bien plus que s’ils avaient été pris en charge plus tôt. Pour Médecins du monde, les freins à l’accès aux soins sont vraiment irrationnels.
Plus généralement, les médecins de l’association dénoncent avec véhémence le contexte de répression ambiant. Et les entraves à l’action des humanitaires sur le terrain, devenues monnaie courante ces derniers mois. Dernier exemple en date : l’expulsion des migrants à Calais en pleine épidémie de gale, rendant très difficile le travail des médecins bénévoles, les expulsions entraînant des ruptures de soins.

La LDH dénonce les propos de Besson
Pour sa part, la LDH dénonce la déclaration faite par Éric Besson, ministre de l’Identité nationale qui vient de se déclarer « attaché au système de protection sociale », et de constater ensuite à la fois que les sans-papiers la menaceraient et qu’ils sont pourtant « les victimes privilégiées de l’exploitation ». La LDH prend la déclaration de ce dernier avec la considération qu’elle mérite. Dans la logique de Besson, les victimes de l’exploitation mettraient en danger la Sécurité sociale. Il s’agit de la reprise du discours de l’extrême droite : les étrangers volent le pain et la Sécu des Français… Pour la Ligue des droits de l’homme, la réalité est à l’exact opposé de cette reprise ministérielle de la propagande lepéniste : les travailleurs sans papiers cotisent sans avoir droit à la moindre prestation. C’est aussi cela « l’exploitation » que feint de découvrir le ministre. Alors que ces hommes et ces femmes sont en grève pour qu’on cesse de les spolier et qu’on reconnaisse leurs droits élémentaires. En refusant de les régulariser, alors que contrairement à ses dires les pays voisins de la France procèdent l’un après l’autre à des régularisations collectives, le ministre choisit de punir les victimes de ce qu’il dénonce.1570Louna

Anarchistes solidaires !
La Fédération anarchiste ne peut qu’approuver les positions et constats de ces deux associations. Malheureusement, au milieu de la casse sociale généralisée orchestrée par Sarkozy, la solidarité avec les plus pauvres et les sans-papiers s’amenuise. Il suffit de faire le compte des militants lyonnais (une petite quarantaine) venus rejoindre l’appel de « SOS soutien aux sans-papiers », afin de soutenir les 68 détenus du CRA de Saint-Exupéry qui ont entamé une grève de la faim le 15 octobre pour protester, entre autres raisons, contre leurs conditions de détention (voir les brèves de combat). Les anarchistes doivent continuer à s’investir dans le soutien aux populations les plus exclues et les plus en butte à la répression.