Face au plébiscite de Gaulle, les travailleurs refuseront la dictature

mis en ligne le 1 octobre 1958
La vaste campagne de propagande, qui avait précédé l’ouverture de la bataille pour le plébiscite où la radio dirigée et la presse servile donnèrent le maximum de leurs tribunes, n’a pu masquer la réalité. Derrière le projet de Constitution se profile une résurgence du fascisme auquel le régime de Vichy avait donné sa chance. Il est pour le moins curieux et inquiétant de voir ceux qui furent les piliers de la « collaboration » – et notamment tout ce qui se capitalise en Afrique du Nord – imposer en France l’homme qui fut le symbole de la « Résistance ».
Ce qui démontre que les militaires savent taire leurs divergences pour museler le peuple. Ce peuple qui était absent, du moins officiellement, au rendez-vous que lui avait fixé De Gaulle place de la République. Soigneusement trié sur le volet, l’assistance qui applaudissait au signal, ne pouvait être confondue avec le peuple des travailleurs, celui qui symboliquement se trouvait de l’autre côté des barricades. La police d’ailleurs devait plus tard confirmer cette séparation, matraquant sauvagement ceux qui opposaient un NON catégorique au OUI officiellement toléré.
Le manque d’objectivité de la Radio-Télévision d’État et la partialité d’une presse de laquais laissent augurer de ce que serait la liberté d’expression si les mœurs d’Alger sévissait en France. Les brutalités policières, la saisie de journaux d’opposition, l’orientation de la presse à coups de millions en sont les signes précurseurs.
La Constitution De Gaulle, tant par les articles les plus significatifs que par les réserves mentales que l’on devine, sera une Constitution fasciste. Dans l’ombre de l’Homme du 18 juin, s’agitent les nervis tourmentés par la revanche à prendre sur « Juin 36 ». La mise en place de « commissions de sauvegarde des libertés » ne changera rien. De Gaulle pouvait, pendant les trois mois où son gouvernement s’est manifesté (par quoi, grand Dieu !) imposer aux factieux d’Alger sa solution si tant est qu’il en ait une. Il ne l’a pas fait et rien n’indique qu’il le ferait si sa Constitution était adoptée. Mieux encore, il s’est entouré des hommes qui furent à l’origine du putsch du 13 Mai, dont Soustelle est le plus triste fleuron. Glorifié par Malraux, cautionné par Massu-Salan, il ne peut plus abuser les esprits. La manifestation du 4 septembre a déchiré le voile. Baudruche sans génie, mégalomane sans modestie, De Gaulle n’est que le porte-parole d’intérêts qui sauront le renvoyer à ses chères églises quand il aura fini de servir.
À moins que la consultation en Métropole, en dépit de l’orientation systématique des esprits, ne démontre que les travailleurs ne sont pas mûrs pour la dictature.

Michel Penthié