Soins interdits aux Roms et aux sans-papiers

mis en ligne le 9 septembre 2010
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Cassage de l’hôpital…

Juste avant les vacances, nous apprenions grâce à notre réseau libertaire le renforcement du cassage du secteur public, comme par hasard durant la période juillet-août. Pour ne prendre qu’un exemple, c’est exactement le scénario qui s’est produit au sein de l’hôpital Louis-Mourier de Colombes du réseau de santé sida-toxicomanie-précarité des Hauts-de-Seine (réseau ARèS 92, qui existe depuis 1992) et ceci contre les avis de tous les professionnels concernés, y compris celui du Comité consultatif médical de l’établissement, restés sans échos.
Dix médecins du réseau ARèS 92 ont été convoqués, pour leur signifier leur licenciement. La plupart d’entre eux étaient vacataires et l’hôpital leur a fait comprendre qu’il ne voulait plus les « prendre en charge ». Or, sept généralistes avaient seulement une vacation par mois, pour la coordination des activités du réseau. Ils organisaient des actions de formation et d’information, et servaient de relais pour les médecins et autres professionnels de santé et sociaux en ville, auprès des populations en situation de précarité et en absence de couverture sociale (sans-papiers, sdf, Roms, etc.). Ces derniers n’auront donc plus que le seul recours de s’adresser aux urgences (déjà surchargées) de ce même hôpital… Comprenez la logique ! Deux médecins hospitaliers vacataires sont aussi concernés, dont une praticienne hospitalière contractuelle au centre d’IVG (comme par hasard !) et un médecin servant d’intermédiaire entre les patients vivant avec le VIH et les usagers de drogue (organisation des sevrages).
Cette information est alarmante, surtout lorsque l’on connaît les difficultés que rencontrent les personnes précaires pour avoir accès aux soins, face à la dégradation des conditions d’accueil, notamment pour les étrangers et encore plus pour les étrangers sans-papiers, sans parler des Roms, nouvelle population stigmatisée par les autorités.

Sans-papiers et Roms « interdits » de séjour
Comme si le bris de l’accès à l’hôpital public pour les plus précaires et tous les étrangers sans-papiers ne suffisait pas, nous avons malheureusement pu constater cet été qu’une fois encore, les décisions du gouvernement issues de la prétendue « vindicte populaire » sont tombées arbitrairement sur une population déjà maintes fois pourchassée dans l’histoire, les Roms. Durant le mois d’août, les évacuations de camps et leur expulsion se sont succédé à un rythme hystérique, à la demande de Sarkozy, relayée avec zèle par Hortefeux et Besson.
Or, pour simple rappel, en 2005, l’Union européenne parrainait l’initiative « La décennie pour l’inclusion des Roms 2005-2015 ». Un programme conjoint de huit États ex-communistes, dont la Slovaquie, qui visait à s’attaquer au « problème Rom » et à y apporter des solutions d’intégration. La Banque mondiale, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et l’Institut pour une société ouverte s’y étaient associés. C’était le temps des « doux-rêves-debout » !
La réalité est tout autre. Pour ne parler que de la France, depuis 2000 on ne compte plus les agressions contre les camps de Roms, tandis qu’à la suite de ces accords datant de 2005, leur installation sur des terrains dédiés devait leur être accordée et renforcée par les préfectures de départements (par le biais des maires). Mais difficile d’oublier, malgré ces consignes, le maire UMP d’Ensisheim (sympathisant du F Haine) qui, en 2007, fit brûler de sa propre initiative un camp de Roms, tandis que celui-ci n’était pas totalement évacué et qu’un handicapé se trouvait encore dans une caravane. Depuis, des scénarios similaires se sont répétés partout en France, en Auvergne, en Aquitaine, en Midi-Pyrénées, dans la banlieue parisienne.

Une situation kafkaïenne
Avec les déclarations de Sarkozy qui veut expulser les Roms à-tout-va, nous avons peur que cette situation n’empire, même si tout dernièrement, le tribunal administratif de Lille a annulé sept arrêtés de reconduite à la frontière visant des Roms expulsés d’un terrain à Mons-en-Barœul (Nord). Le motif de ces annulations s’appuie sur un arrêté de la cour de Versailles datant de juillet 2009 : « Si une expulsion peut être justifiée par la présence d’un trouble à l’ordre public, elle ne peut l’être en aucun cas si la seule infraction constatée est l’occupation illégale d’un terrain d’autrui, habituellement punie d’une amende. »
Les expulsions de Roms commencées dans les années 2000 se poursuivent aujourd’hui, surtout dans le but de servir la politique du chiffre du gouvernement. D’ailleurs, on sait que la plupart des personnes renvoyées dans leur pays reviennent car elles sont des citoyens européens à part entière. Elles bénéficient de la liberté de circulation dans l’espace Schengen et ont donc le droit de s’installer en France.
Une politique totalement fantaisiste et illégale donc, et en plus, qui coûte très chère… En effet, dans le cadre de l’« aide au retour humanitaire » (ARH), Paris paie le billet d’avion des Roms qui acceptent de rentrer dans leur pays. Ceux-ci reçoivent également une aide de 300 euros par adulte et de 100 euros par enfant. Enfin, pour les inciter à rester en Roumanie, la France peut leur offrir jusqu’à 3 600 euros d’aide à la création d’entreprise. Mais, les Roms ne se font pas d’illusion : s’ils sont venus essayer de s’intégrer en France, c’est bien parce qu’ils fuyaient la xénophobie des régions d’où ils venaient !

Double peine sanitaire pour les Roms et les sans-papiers
Mal accueillis en France, les Roms avaient déjà de grandes réticences à se présenter à l’hôpital, sinon en cas d’urgence. Pour la plupart d’entre eux, les bénévoles des organismes humanitaires qui se rendent dans leurs lieux de vie étaient leur seul lien avec la médecine et donc la santé. Mais, l’amendement que Thierry Mariani a l’intention de déposer ces prochains jours va encore aggraver la situation. En effet, il s’attaque aujourd’hui à l’aide médicale d’État (AME), qui permet aux étrangers sans papiers de se faire soigner gratuitement sur le sol français. Déjà ses conditions d’accès avaient été réduites par la droite dure en 2005, imposant aux étrangers de prouver, pour bénéficier d’une prise en charge, leur présence sur le territoire depuis au moins trois mois. Et le député souhaite encore durcir ces conditions, sous prétexte que les fraudes sont nombreuses en l’absence de contrôle. Pourtant, jusqu’à ce jour, les associations et les ministres de la Santé (de droite et de gauche) successifs se sont toujours opposés à de trop grandes restrictions sur ce sujet. En effet, Médecins du monde rappelle dans ses différents rapports que, face aux difficultés qu’ils rencontrent pour se faire soigner, déjà près de 80 % des sans-papiers négligent leur santé. Le but de ce gouvernement xénophobe et raciste est-il d’atteindre les 100 % ?