Comment vont les athées dans le Brésil d’aujourd’hui ?

mis en ligne le 20 janvier 2011
Après une longue absence, nous retournons dans ce pays et constatons que rien n’a vraiment changé. Contrairement aux louanges dithyrambiques et unanimistes de l’ensemble de la presse française, du Figaro au Monde en passant par L’Humanité – si ces plumitifs faisaient un tant soit peu sérieusement leur travail, ils le sauraient, ne serait-ce qu’en lisant la presse brésilienne –, le bilan du président Lula est bien plus nuancé que ce qu’ils veulent bien nous faire croire. Mais pourquoi sont-ils aussi élogieux ? À cette question, nous n’attendons pas de réponse de leur part. Nous savons cependant qu’ils sont les instruments d’intérêts qui ne disent pas leurs noms. Dans cet article, nous n’allons pas faire le bilan des huit années de présidence Lula. Un article n’y suffirait pas. Nous ne nous intéresserons qu’à un sujet « mineur », bien insignifiant face aux grands problèmes auxquels se trouve confrontée l’humanité. Il s’agit du sort qui est réservé aux athées au Brésil.
Le quotidien A Tarde, le principal titre de l’État de Bahia, dans son édition du 11 décembre, nous informe qu’une campagne publicitaire, sur les autobus de la ville de Salvador, financée par l’Association brésilienne des athées et des agnostiques (Atea), a été refusée par la régie publicitaire qui gère les espaces de communication sur les transports publics. Cette campagne a déjà été refusée dans la capitale économique du pays, São Paulo. Le motif du refus dans ces deux villes est identique. Cette campagne serait contraire à une loi municipale de l’an 2000 portant sur la publicité dans les lieux publics. Que dit cette loi ? Toute publicité portant atteinte ou qui favorise la discrimination raciale, sexuelle, sociale et religieuse tombe sous le coup de la loi. Que disait la publicité des athées et agnostiques pour être interdite ? Que les dieux, qu’ils soient chrétien, islamique, égyptien ou indou, n’étaient que des mythes. Quel crime ! Cette loi, comme nous pouvons le constater, si elle défend la liberté de culte et prône un large œcuménisme, dans l’air du temps, ne tolère pas en revanche que les athées puissent exprimer librement leur point de vue sans que cela ne soit considéré comme une agression à l’égard des religions. Il n’est pas si lointain le temps où les athées étaient brûlés en place publique. Encore un effort, religieux de tout poil, pour faire que le temps béni de la Sainte Inquisition soit de retour !
Pourtant, le Brésil est dirigé depuis 2003 par des hommes et des femmes de gauche. Pendant les quatre années à venir, la gauche sera encore à la tête du pays. Pouvons-nous espérer un quelconque changement en matière religieuse ? Le doute nous est permis. Si nous savions, depuis longtemps, que Lula est un calotin de la même espèce que Lech Walesa, nous avions le tord de penser que l’héritière désignée, Dilma Rousseff, se distinguerait du président sortant sur ce sujet. Elle possède, en effet, de bien belles lettres de noblesse si nous les comparons avec la grande majorité de la classe politique brésilienne. Son passé de militante nous induisit dans une grave erreur d’analyse. Cette marxiste-léniniste, qui fut à la fin des années 1960 membre de l’Avant-garde révolutionnaire de Palmares (VRP), s’engagea activement dans la lutte armée contre la dictature, ce qui ne fut pas le cas de son prédécesseur.
Lorsqu’elle fut nommée chef de la Casa civil, l’équivalent français de Premier ministre, elle prit ouvertement position en faveur de l’avortement, connaissant la réalité du problème. À son arrivée à la tête du gouvernement, l’avortement clandestin était la seule possibilité pour les femmes pauvres de ce pays d’éviter une grossesse non désirée. Cependant, il fait chaque année des milliers de victimes. Cette situation ne touche pas la population féminine aisée qui, sans sortir du pays, peut se payer en toute sécurité cette intervention dans une clinique privée. Le président Lula fit comprendre à Dilma qu’il y avait des sujets bien plus importants pour le pays que le problème de l’avortement. Et surtout, il lui rappela qu’il avait été battu à l’élection de 1988 à cause d’une rumeur disant qu’il avait poussé sa femme à avorter. En militante disciplinée, elle obtempéra, pensant pouvoir faire passer cette réforme un peu plus tard.
Au cours de la campagne électorale, elle maintint une position ambiguë sur ce sujet. Catholiques et évangélistes, pour une fois unis, voulaient de la candidate du Parti des travailleurs des éclaircissements au sujet de sa position sur l’avortement. Dilma, comme l’appellent affectueusement les Brésiliens, oubliait cependant une chose. Si elle était la chef du gouvernement et future présidente, ce n’était pas elle qui gouvernait le pays. Les groupes de pression de tous les horizons, jouant chacun leur partition, ne laissent faire au président et à son gouvernement que ce qui leur convient ou ne les dérange pas outre mesure. Dans le cas de l’avortement, elle se trouva rapidement confrontée aux autorités religieuses catholiques et évangélistes. Les catholiques brésiliens, dans ce combat qu’ils considèrent toujours d’une importance capitale, obtinrent l’appui de l’ancien membre des jeunesses hitlériennes, Benoît XVI. Pour bien se faire comprendre et l’amener à changer de cap, ils appelèrent voter pour le candidat social-démocrate José Serra et pour la candidate écolo-évangéliste Marina Silva – tous deux étant depuis toujours de farouches adversaires de toute légalisation de l’avortement. Dilma se trouvait devant un choix cornélien. Elle continuait à défendre l’avortement et elle était sûre de perdre l’élection, ou elle se reniait et était élue. Elle choisit la seconde option. Rencontrant les chefs des églises catholiques et évangélistes, elle s’engagea par écrit, si elle était élue, à ne rien faire en faveur de l’avortement.
Elle fit comme notre bon roi Henri IV. Si pour lui Paris valait bien une messe, pour elle, quelques milliers de cadavres de femmes n’allaient pas l’empêcher d’arriver au palais du Planalto, le palais présidentiel. Cependant, la différence entre le choix d’Henri IV et celui de Dilma est de taille. Si Henri IV, par son ralliement au catholicisme, essayait d’éviter de nouvelles guerres de religion, Dilma, avec sa soumission aux monothéistes, acceptait, sans sourciller, la mort de milliers de compatriotes femmes. L’histoire était déjà bien triste et les commentateurs et commentatrices de la télévision française ne trouvèrent rien de mieux que de venir ajouter leur grain de sel avec des commentaires qui montrent combien ils prennent les téléspectateurs pour des imbéciles. Pour eux, l’arrivée d’une femme à la tête du Brésil allait changer de façon substantielle la situation des femmes dans ce pays… Évoquant le combat de la nouvelle présidente contre la violence faite aux femmes, ils oubliaient cependant de nous dire celle que les institutions religieuses légitiment par leur refus d’accepter la légalisation de l’avortement, une violence tout aussi mortifère et dont les hommes sont, une fois de plus, à l’origine.

F.



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


DiogènedArc

le 18 mars 2011
Bonjour,
Je vis au Brésil. Dans l’intérieur. Loin des grandes métropoles et du littoral. Il est impossible d’échapper au poids de la religion. Elle est partout. Séparation de l’Eglise et de l’Etat : nada ! les crucifix sont présents dans les commissariat de police, les écoles et hôpitaux publics…
Mais le pire est la mainmise des Evangélistes sur l’immobilier.avec des immeubles cultuels de plus en plus grands et luxueux, avec climatisation, vastes salles, écoles intégrées, fauteuils profond, moquettes et carrelages de première qualité dans un pays où il y a encore des gens qui meurent de faim et où le salaire minimum est loin d’être toujours payé (545 R$ = 232 €). Les prêcheurs évangélistes se déchaînent dans leurs église au grand mépris des voisins : sonos à fond, car ces gens-là ne se refusent rien. La puissance des églises en général et des évangélistes en particulier, au Brésil, est effarante. Elle bloque tout. Notamment le développement des services publics. Corruptions et culs bénis = un niveau scolaire plus bas qu’au Pérou ou en Bolivie !
On dit que l’illettrisme recule.Dans la famille de ma femme, la grand-mère (67 ans) ne lit que la bible et elle n’y comprend rien. Sa fille cadette est mariée à un pasteur totalement névrosé…
Et je suis tout à fait d’accord : les journalistes français écrivent bien souvent n’importe quoi sur le Brésil. Cependant, je reconnais à Lula d’avoir tout de même lutté efficacement contre l’extrême pauvreté mais il n’a pas réussi à remettre (ou mettre) en route les services publics dont ceux de l’éducation et de la santé. D’ailleurs, les évangélistes recrutent souvent, comme partout, dans les couches populaires les moins éduquées.
Autre chose : dans les écoles primaires, l’enseignement religieux fait partie des matières obligatoirement enseignées.

DiogènedArc

le 22 mars 2011
Le site des athées et agnos au Brésil:
http://www.atea.org.br/index.php?option=com_content&view=article&id=46&Itemid=1