Roms d’Ivry expulsés

mis en ligne le 7 avril 2011
Chronologie
Ivry-sur-Seine, 6 février 2011, vers 6 heures du matin : un campement, occupé par 120 Roms et Roumains, a été l’objet d’un violent incendie faisant un mort. Son origine est inconnue et nous ne savons même pas si une enquête est en cours.
Les familles ont été relogées par la mairie (PCF) au cours de la journée dans le gymnase Joliot-Curie ; elles y sont restées huit jours. Signalons qu’avant l’intervention de bénévoles, la mairie les mettait dehors au petit matin et fermait le gymnase.
Le 15 février, ils se sont installés sur un terrain en friche, rue Truillot – appartenant à l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) et sous la juridiction de la préfecture – en « accord » avec la mairie qui leur a promis de fermer les yeux pour l’occupation du lieu tout en leur refusant ses nombreux terrains vides. C’est donc un cadeau empoisonné, puisqu’ils sont aisément expulsables. Une procédure d’expulsion a d’ores et déjà été demandée par l’AP-HP, un huissier est passé constater l’occupation du terrain, mais le tribunal n’a pas encore fixé de date de procès.

Un voisinage hostile
Rapidement, des voisins de la cité Truillot ont lancé une pétition en faveur de l’expulsion des habitants du campement. Cette pétition nous montre une fois de plus que certains sont prêts à invoquer n’importe quel prétexte, ou même à inventer n’importe quoi, afin de satisfaire leur haine. Soi-disant, les habitants du camp profèreraient des menaces, investiraient la copropriété ; sont aussi invoquées les habituelles notions de « sûreté » et de « salubrité », etc. Ces affirmations vomitives se sont rapidement répandues dans le voisinage, et les situations de haine dont sont victimes les Roms et les Roumains se sont vite multipliées. L’exemple qui suit montre (une fois de plus) que le mépris n’est pas le monopole de la droite.

Positions des organisations de « soutien »
Une lettre a été envoyée aux habitants de la cité voisine par les organisations prenant le camp en charge afin de clarifier la situation. Alors que nous éprouvons une certaine méfiance envers toute action se limitant à la charité, et que nous refusons le monopole de la solidarité par les associations humanitaires ou les gouvernements, ce courrier démontre clairement les positions des organisations de pseudo-soutien.
Les extraits suivants proviennent de la première version qui a été approuvée par (presque) toutes les organisations, et qui a été légèrement modifiée grâce à l’insistance de quelques bénévoles.
Voyons d’abord comment ces organisations parlent d’elles-mêmes : « [Un certain nombre d’organisations] ont décidé de leur porter secours. […] On peut remarquer au passage qu’ils sont à peu près les mêmes qui se mobilisent chaque fois qu’une catastrophe se produit (tremblement de terre en Haïti, tsunami en Asie). […] Une attitude humaine de solidarité qui est celle choisie par les organisations signataires de la lettre. C’est bien sûr une question de philosophie de la vie et l’on ne peut pas exiger de tous d’adhérer à la Déclaration des droits de l’homme. » Cette lettre n’est donc qu’une occasion de se faire de la pub et de vanter les mérites de leur merveilleux travail néocolonialiste. Voyons maintenant comment le texte traite les réticences des habitants, dans les règles de l’art de l’acceptabilité sociale : « Quels problèmes de voisinage cela risque-t-il de poser ? Le premier est esthétique […] Il faut reconnaître que c’est laid […] Cela peut même s’avérer déprimant et pénible […] Ils sont plus souvent dehors que dedans. » Pauvres de vous qui souffrez de désagréments esthétiques quand ceux, à la source de cette terrible offense, vivent dans une extrême précarité ! « Le rejet en bloc de ce groupe d’humains […] risque d’entraîner de la part des Roms un phénomène analogue. C’est alors que vous aurez à craindre pour vos biens. » Le courrier tend à créer un sentiment de menace et de pression sur les habitants que l’on invite à se solidariser avec les habitants du camp, non parce qu’ils sont des laissés-pour-compte du système capitaliste, méprisés et stigmatisés par le gouvernement français, mais bien par peur de voir ses biens abîmés. Les événements en cours rappellent que nous ne devons surtout pas nous limiter aux « droits de l’homme » comme le font les organisations de charité, mais continuer à lutter pour la justice sociale, l’abolition de la propriété privée, le droit à l’autodétermination, la sortie de la société sécuritaire, la lutte contre la xénophobie, le droit à un travail pour tous (tout en repensant bien sûr radicalement la notion de travail), etc.
Nous voulons, enfin, faire part de notre admiration quant à la dignité que les habitants du camp préservent dans des conditions matérielles extrêmement difficiles et face au racisme ou au mépris dus à leur pauvreté, qui s’expriment autant chez bon nombre de leurs voisins que chez leurs soi-disant « soutiens ».

Richard Damellon

Info de dernière minute : ça y est, l’avis d’expulsion est passé, le procès a eu lieu le 4 avril.