Dans les griffes de la contre-insurrection : la communauté de San Patricio harcelée

mis en ligne le 13 octobre 2011
1645ChiapasDepuis le début du mois de septembre, la communauté de San Patricio, rattachée à la commune autonome rebelle zapatiste La Dignité, au Chiapas, est victime de harcèlements et d’agressions de la part du groupe paramilitaire Paix et Justice 1, organisation à la botte des gouvernements fédéral, étatique et municipal qui veulent enrayer le développement de l’autonomie, spolier des terres et reprendre le pouvoir politique dans les zones contrôlées par les zapatistes.
Tout commence le 7 septembre lorsque trois gaillards issus du groupe Paix et Justice se rendent dans la communauté de San Patricio pour menacer ses habitants d’expulsion violente s’ils ne cèdent pas leurs terres rapidement. Trois jours plus tard, la menace prend forme : une centaine de paramilitaires s’installent à 200 mètres de la communauté et tirent des coups de feu pour terroriser ses résidents.
Dans la matinée du 11 septembre, de nouveaux coups de feu sont tirés et les paramilitaires entreprennent d’abattre les bouquets d’arbres des alentours, habituellement utilisés par les habitants de la communauté de San Patricio. Dans l’après-midi, ils arrachent et récupèrent également tout le maïs qu’ils trouvent dans les champs avoisinants leur campement, détruisent plusieurs mètres de clôtures et brûlent 18 hectares de pâturage collectif. Enfin, et pour clore cette sordide journée, un compagnon est blessé d’un coup de machette dans le bras.
Le lendemain, le 12, d’autres coups de feu sont tirés et les paramilitaires quadrillent les environs pour surveiller, arrêter, interroger, voire violenter les habitants de la communauté de San Patricio. À ce sujet, dans un communiqué daté du 18 septembre, le Conseil de bon gouvernement « Nouvelle semence qui va produire » du caracol Roberto-Barrios déclarait : « Ils [les paramilitaires] harcèlent et menacent la communauté, quand les compagnons essayent d’aller dans leurs champs, ils commencent à tirer des coups de feu pour les maintenir encerclés et isolés ; ainsi, la population subit l’intimidation et la peur ; les femmes et les enfants sont terrorisés, traumatisés par les tirs constants, et le manque de nourriture et d’autres besoins de la famille devient insupportable. »
Le 13 septembre, le nombre de paramilitaires augmente considérablement et passe à 160. Leur campement, quant à lui, ne cesse de se développer. Le 14 septembre, on comptait déjà seize maisons avec toit en tôle, deux avec toit en chaume et trente-deux en construction. À l’heure qu’il est, et selon le Conseil de bon gouvernement « Nouvelle semence qui va produire », les dégâts causés par ces paramilitaires (destruction de clôtures, incendie de pâturages, coupes de bois, vols d’animaux, etc.) s’élèveraient à 75 760 pesos, soit 4 154 euros (ce qui est énorme pour le Mexique).
Les liens entre ces paramilitaires et les autorités mexicaines sont flagrants et à peine cachés. Parmi les dirigeants de ce groupe d’agresseurs, on trouve, entre autres, le commandant actuel et l’ex-commandant de la police municipale de Tila, l’ex-régisseur municipal de Sabanilla, du quartier Guadalupe Sabanilla, un ex-secrétaire de protection civile et plusieurs ex-policiers (preuve, s’il en fallait encore, que, partout dans le monde, la flicaille se trouve toujours du côté du manche quand il s’agit de cogner contre la liberté, la justice et la dignité). La stratégie de contre-insurrection du gouvernement mexicain – aux niveaux fédéral, étatique et municipal – poursuit donc son travail de sape de l’autonomie indigène par le harcèlement et l’agression – souvent violente – de ceux qui aspirent à une autre société, plus libre et plus juste.
Mais, pour les compagnons et compagnes zapatistes de San Patricio, l’heure est encore à la résistance et il n’est pas question de capituler devant les fusils de ces brutes qui voudraient les expulser de ces terres qu’ils cultivent et occupent collectivement depuis plus de quinze ans. « Nous ne nous fatiguerons pas et nous ne cesserons pas de défendre ce qui est à nous », déclare le communiqué du Conseil de bon gouvernement du caracol Roberto-Barrios. Alors, la lutte continue !




1. Ce groupe paramilitaire particulièrement violent s’est notamment fait connaître pour ses nombreuses exactions commises dans la région à l’encontre des zapatistes et de leurs sympathisants après le soulèvement de janvier 1994.