Mort de la Panthère noire : Pierre-Just Marny, un demi-siècle en cage

mis en ligne le 16 février 2012
1660MarnyFélix Vert-Pré, ami et président du comité de soutien à Pierre-Just Marny, témoigne : « Il n’était pas suicidaire. Il me disait : “Mwen pa ka mô. Mwen immortel. Yo konprann sé mwen yo ké tué, mé non.” Et puis dernièrement, il m’a dit : “Félix, ils font tout pour que je meure en prison…” »
Transféré le 28 mai 2008 à la prison de Ducos (Martinique) 1 sous les acclamations des autres prisonniers, Pierre-Just Marny espérait obtenir sa libération conditionnelle en regagnant son île natale. En vain. Il n’aura goûté à « l’air du dehors », selon ses propres termes, qu’une fois en quarante-huit ans d’emprisonnement. Une unique permission de sortie de six heures, le 14 juin 2010, durant laquelle il a pu se rendre à la grotte de Lourdes à Saint-Joseph et visiter sa famille au Vauclin sous escorte de la gendarmerie.
Héros populaire en Martinique, Pierre-Just Marny était devenu le symbole des discriminations envers les Noirs et les pauvres. Visage rond, cheveux brossés en arrière, il avait été surnommé « la Panthère noire » pour son agilité légendaire.
Natif de Fort-de-France, issu d’une famille pauvre, l’adolescent turbulent est placé dans un centre éducatif dès l’âge de 15 ans. Très vite, il s’échappe et se spécialise dans le vol de voitures en bande. D’où sa première condamnation en 1963 : deux ans ferme, plus deux ans avec sursis. À peine sorti, le 2 septembre 1965, il sillonne l’île armé d’un fusil pour régler ses comptes avec ses anciens complices. Il tue trois personnes dont un enfant de 2 ans, touché par accident. Les gendarmes finissent par l’interpeller le 8 septembre 1965.
Quelques semaines plus tard, rebelote : Marny se fait la belle par le toit de la prison de Fort-de-France. Cette fois-ci, il sème la terreur en Martinique pendant neuf jours de cavale en défiant la police. Radios et journaux retracent la traque avec un incroyable suspens. Reconnu dans le quartier pauvre de Sainte-Thérèse, le fugitif – encerclé par les gendarmes – refuse de se coucher, par défi. Il reçoit trois balles au poumon et à l’abdomen. Un geste héroïque qui lui vaut la sympathie de l’opinion publique.
Son arrestation a déclenché trois jours d’émeutes populaires à Fort-de-France, faisant un mort et quarante blessés. Le commerce de l’épicière qui avait dénoncé Marny est saccagé et brûlé. Par crainte de nouvelles tensions, le prisonnier est discrètement transféré à Paris par avion militaire pour être jugé loin de la Martinique. En prison, il tente à nouveau de s’échapper après s’être battu avec un maton qui perd un œil dans la rixe. L’incident jouera contre lui lors de son procès.
Interdit de présence à son procès par le président de la cour d’assises, « la Panthère noire » est condamnée à perpétuité. Dès lors, le prisonnier passe d’un établissement à un autre en métropole sans faire parler de lui. En 1975, il est interné en unité psychiatrique spéciale (UMD) à Montfavet où il va effectuer son plus long enfermement : trente-deux ans. Les conditions sont très dures et les innombrables injections médicamenteuses lui laissent de graves séquelles. Ces mauvais traitements, ajoutés aux années de mitard, le diminuent au fil des années ; en 2011, son bras droit est paralysé, son bras gauche menace de l’être, il est presque aveugle et se déplace très difficilement. Mais Pierre-Just Marny est resté combatif tout au long de son incarcération, puisant dans son moral et son mental pour ne pas sombrer dans la folie. Il est finalement transféré dans son île natale après un passage au CNO (Centre national d’orientation) de Fresnes peu de temps avant sa mort.








1. Établissement pénitentiaire épinglé, en octobre dernier, par le contrôleur général des lieux de privation de liberté qui, dans son rapport, pointait un « taux d’occupation des parties réservées aux hommes, de 208 % lors de la visite, entraîn[ant] une promiscuité inacceptable et des conditions de vie unanimement dénoncées ».