Prisons : lettre de Lille-Annœullin

mis en ligne le 18 octobre 2012
« En juin 2007, certaines lettres de prisonniers filtraient de la prison de Sequedin, prison construite en 2005 près de Lille. Elles dénonçaient les humiliations, le racisme et la violence dont la population pénale était victime.
En juin 2011, le centre pénitentiaire d’Annœullin ouvrait ses portes. Cet établissement, inscrit dans un plan national de construction, se veut être une prison moderne, confortable, plus humaine, prenant le relais du centre de détention de Loos, dont la vétusté et la surpopulation étaient les critères dominants. Or, force est d’admettre que, loin d’avoir résolu quelque problème que ce soit, ce centre d’expérimentation pénitentiaire, à l’instar de ce que fut Sequedin en son temps, fait subir à ceux qu’il enferme les souffrances de la déshumanisation carcérale.
À ce jour, il nous appartient derechef de briser le mur du silence en dénonçant conjointement la violence de l’institution et son insolent pouvoir axé sur le musellement des enfermés. Par ces divers courriers, notre dessein est d’alerter l’extérieur sur les conditions de détention intrinsèques à la prison d’Annœullin. Ces témoignages divulguent le comportement de certains surveillants et autres gradés, faisant état d’une intimidation régulière, d’abaissements constants et de brimades usuelles. Ils sont aussi ce que vous voudrez bien en retenir. Certains prétendront qu’il ne s’agit là que d’excès et d’abus de pouvoir d’une minorité. Ce à quoi nous rétorquerons qu’il en est de la marque de fabrique des lieux, représentant son fonctionnement en lui-même.
Pour imaginer pouvoir résister, il faut commencer par pouvoir parler. Pour s’organiser, il faut pouvoir échanger des idées et c’est cela que tente d’empêcher l’administration gardienne.
Nous n’avons alors d’autre option que de braver cet interdit en dévoilant ce qui doit l’être.
Construire de nouveaux établissements n’a jamais servi à humaniser le système carcéral sachant que prétendre humaniser les prisons, c’est tenter d’humaniser les cimetières.
Construire de nouvelles prisons ne répond qu’à une logique de surenchère, à savoir enfermer toujours plus et toujours plus longtemps et n’obéit qu’à une optique de rentabilité assimilant le stock humain à une matière première économiquement exploitable.
La torture ne s’aménage pas, elle se supprime. »

Xavier Vanlancker
Lettre de septembre 2012