Quand Jésus-Christ créa la Coloniale…

mis en ligne le 23 janvier 2013
1694ManoloProloIl y a trente ans, ils auraient été nationalistes, et l’extrême gauche unanime les aurait applaudis. Leurs leaders, inévitablement charismatiques, auraient laissé planer le doute : le nouvel État serait-il socialiste, autogestionnaire, démocratique ? Combien de temps durerait la transition autoritaire, le pouvoir des militaires libérateurs ? N’en parlons pas, l’important c’est l’unité du glorieux front de libération nationale. Et le pouvoir. Et que l’argent coule.
Les temps changent, ma bonne dame, et les voilà djihadistes, terroristes et islamistes. Bouh ! Qu’ils sont laids ! Et méchants avec ça. Et avec de ces trognes pas laïques pour un sou…
Or, si l’on se renseigne un tant soit peu, on s’aperçoit bien vite qu’il s’agit d’un recyclage. La plus grosse troupe (en fait, la grande majorité des combattants), regroupée par Ansar Dine, n’est autre que l’historique rébellion touarègue, qui date peu ou prou de l’indépendance du Mali avec son découpage de frontières volontairement absurde, entravant l’essor de la région pour mieux la soumettre aux intérêts de l’ancien pays colonisateur. Ils se battent pour une nébuleuse indépendance nationale, et viennent de rejouer la scène FLN-MNA en liquidant leurs concurrents du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad). Leur islamisme est récent, vraisemblablement contingent, leurs activités probablement plus liées aux trafics variés et lucratifs d’armes et de drogue qu’à la gestion d’un futur État religieux.
Le groupe le plus spectaculairement hideux et diabolique (Aqmi, ex-GSPC salafiste) ne revendique qu’un tout petit millier de combattants, essentiellement algériens, et ses objectifs stratégiques concernent l’Algérie en général, et son gaz en particulier. Ils cherchent au Mali une base arrière et un sanctuaire. D’autres formations minoritaires hantent les lieux, plus ou moins folkloriques et très peu implantées dans la population 1.
Tout ce beau peuple a pu prospérer dans le nord du Mali pour une double raison. D’abord, il n’y a pas là de ressources minières exploitées, ni même de gisement important connu ou sérieusement supposé, donc pas de présence militaire imposante. Deuxième raison, des richesses, il y en a tout autour : gaz algérien, pétrole libyen, uranium nigérien, et même l’or malien au sud.
Ajoutons dans ce chaudron de sorcière la grosse tension sur le marché des matières
premières et de l’énergie, alimentée par le développement rapide de la Chine et globalement de tout le continent asiatique. Notons que l’influence française en Afrique est érodée pied à pied depuis des décennies par une politique volontariste des États-Unis (parfois via leurs alliés du golfe Persique et leurs réseaux religieux), et plus récemment par une arrivée massive et agressive de la Chine. Entendons la rumeur qui veut que, dans ce contexte passablement embrouillé, les Russes aient lâché la bride à leurs négociants en armes pour vendre n’importe quoi dans la région. Finissons par le coup d’État, en mars 2012, qui renverse opportunément un président jugé un peu trop pro-américain par le Quai d’Orsay, mais désorganise complètement l’armée malienne, qui abandonne carrément le nord du pays à son sort.
Tout est prêt, y compris le prétexte de la guerre juste. La puissance coloniale n’a plus qu’à « prendre ses responsabilités », et intervenir militairement. Pour faire la guerre au terrorisme islamiste aveugle et fanatique ? Non. Pour défendre ses intérêts impérialistes bruts et simples, contre d’autres requins du même bain. La France sous ses propres couleurs, d’autres au travers de factions plus ou moins manipulées.
Au milieu, la population civile, les viols, les morts, les mutilés, les réfugiés. Dans le monde entier, le énième développement nauséeux du mythe du « choc des civilisations », pour creuser les fossés entre les peuples, pour aviver toutes les tensions, pour préparer les guerres de demain.

Moïse Cailloux













1. Pour la composition des troupes du « djihad » au Mali, lire « Qui sont les combattants islamistes ? », de Sarah Halifa-Legrand et Farid Aïchoune, sur le site internet du Nouvel Observateur.



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


yvesmocq

le 29 janvier 2013
Bonjour,
D'accord pour l'analyse, mais bon pour les habitants de Tombouctou ou de Gao, être débarrassé des Islamistes, c'est quand même un mieux.
Il faut aussi savoir qu'un bonne parti des islamistes on été formé par les américains ... pour lutter contre l'islamisme.
Donc ce qui se passe au Mali c'est les occidentaux qui viennent nettoyer leur cochonnerie.
Yves