Quand le Che s'acoquinait avec Franco

mis en ligne le 17 octobre 2013
1719Che1En 1959, le Che visita Madrid en pleine dictature franquiste. Ernesto Guevara, le Che, qui fut assassiné en Bolivie il y a quarante ans, s’est déplacé en Espagne à trois reprises après le triomphe de la révolution cubaine, et le régime de Franco, même s’il était encore très fermé, permit et cacha ces visites, mais avec une seule condition, que le Che ne communique pas avec l’opposition.
César Lucas est l’auteur des photos, il avait 18 ans à cette époque, il voulait être photographe de presse et il venait d’être embauché par l’agence Europa Press. C’est avec le journaliste de Pueblo Antonio Olano, qui avait rencontré le Che dans la Sierra Maestra de Cuba, en juin 1959, qu’il reçut le voyageur cubain à l’aéroport de Barajas à Madrid. Sept ans plus tard, le Che est retourné en Espagne, cette fois-ci sous une fausse identité et avec un passeport uruguayen.
En 1959, le régime de Franco ne s’orientait pas vers l’ouverture que l’on a connue dans les années soixante-dix, mais il autorisa le plus célèbre révolutionnaire de la planète, l’icône moderne du monde de la lutte contre le pouvoir, le mythe de la gauche du XXe siècle, le Che, à se promener dans Madrid, sans qu’aucune police, les « grises » 1, ne puisse le toucher. Cette année-là, le guérillero argentin foula le sol espagnol deux fois. Et de ces visites, il reste des preuves photographiques.
La première visite eut lieu le 13 juin, lors d’une brève escale sur le chemin de l’Égypte, six mois seulement après avoir vaincu le dictateur Fulgencio Batista à La Havane avec Fidel Castro.
Bien sûr, il n’y eut aucune cérémonie officielle de bienvenue pour celui qui sera seulement un an après le ministre de l’Industrie de Cuba, bien que les services secrets du gouvernement espagnol ne l’aient jamais perdu de vue pendant les heures qu’il passa à Madrid.
Le régime franquiste, qui cette même année reçut le général Dwight Eisenhower – dont l’administration a collaboré pendant un certain temps avec la dictature de Batista pour empêcher la victoire de l’armée rebelle dirigée par Castro et le Che –, avait autorisé son escale à Madrid à condition qu’il n’ait aucun contact avec l’opposition. Revêtu de l’uniforme classique de l’armée cubaine, recouvert du typique béret noir et avec un énorme cigare apparaissant dans sa barbe, le révolutionnaire se promenait dans les rues de Madrid le 13 juin 1959, mais probablement très peu de gens le reconnurent. Il profita de cette visite pour découvrir également les arènes de Vistalegre, pour se promener à la cité universitaire, sur la place d’Oriente et au palais royal, et pour découvrir certains quartiers de la capitale.
En septembre, au retour de ce voyage, avec le but de participer au Sommet des pays non-alignés, le Che refit une escale en Espagne et il passa la nuit à l’hôtel Suède. Cette deuxième visite laissa l’image inhabituelle d’un chef de la guérilla appuyé sur la barrière des arènes de las Ventas, portant son inséparable béret et entouré de son escorte militaire tout en jouissant d’une corrida.
Lors du troisième voyage, ce fut Ramón Benítez et non Ernesto Guevara, qui atterrit à l’aéroport de Barajas à Madrid – en octobre 1966 le révolutionnaire se cachait déjà sous une fausse identité, et ce qui le caractérisait c’est qu’il portait des lunettes et qu’il avait le crâne rasé, d’après la photocopie du faux passeport uruguayen qui fut retrouvé après sa mort. Sur celui-ci, on distingue clairement les cachets d’entrée et de sortie de l’aéroport de Barajas et le nom qu’il continua à utiliser plus tard dans ses activités de guérilla en Bolivie pour son grand projet insurrectionnel dans toute l’Amérique latine.












1. « Grises » en raison de la couleur de l’uniforme de la police. Voir le reportage de TVE sur cette visite :
www.youtube.com/watch?v=EfcIzDxRWIY