Procès des No Tav

mis en ligne le 12 juin 2014
1744notavLa salle bunker des Vallette est un appendice, réel et symbolique, de la prison. Ici, se sont déroulés les grands procès de la mafia et de « lotta armata ». Elle est restée fermée pendant de longues années jusqu’à ce qu’elle soit rouverte uniquement pour les No Tav. Dorénavant, le procès aux résistants de la Maddalena pendant les jours de l’évacuation de la libre République et du premier siège à la zone occupée, se déroule à marche forcée.
Jeudi 22 mai c’était le théâtre parfait pour l’audience inaugurale du procès aux quatre activistes No Tav accusés d’avoir accompli un sabotage au chantier de Chiomonte 1 le 14 mai de l’année dernière. C’est à cette occasion, qu’est endommagé un compresseur, rapidement réparé et revendu. Cet endommagement, pour le Ministère public de Turin, vaut accusation d’attentat dans un but terroriste. Une accusation qui a soustrait à leur vie, à leurs êtres chers, à la lutte, Claudio, Mattia et Niccolò, enfermés depuis cinq mois en régime de haute sécurité.
C’est seulement depuis une semaine que les mesures particulièrement douloureuses, comme l’interdiction de communiquer entre eux et le blocage de toutes visites – exceptées celles de leurs familles très proches –, ont été annulées. Avant le 15 juin il restera à venir les attendus motivés du jugement de la Cour de Cassation qui a annulé celui de la Cour de réexamen (tribunal des libertés) cette dernière avait confirmé l’accusation abracadabrantesque du Ministère public (procureur) de Turin. Une première faille dans la thèse du couple vedette Padalino/Rinaudo 2, qui pourrait, mais la condition reste obligatoire, conduire à une allègement de la pression disciplinaire sur les quatre No Tav. À l’audience du 22 mai, en Cour d’assises, le juge a accepté que les prisonniers soient assis ensemble sur le même banc, dans une zone plus proche de leurs avocats. Pour la première fois, depuis plusieurs mois, ils ont pu se rencontrer, parler, retrouver un fragment d’une véritable communauté humaine et politique. Dehors de la salle bunker, se tenaient des centaines d’activistes No Tav du Val (di Suza), de Turin, de de partout. Musique, interventions, le compresseur brûlé en effigie, ont accompagné une matinée pluvieuse dans ce quartier perdu de la ville aux limites du rien urbain.
Chacun à son tour, dans une longue file et après des contrôles exténuants, les No Tav sont entrés dans la salle. L’espace réservé au public est distant d’une centaine de mètres de la tribune où sont assis les juges. Le banc avec les prisonniers est loin. Au milieu, une vitre vire au vert. On dirait un aquarium lugubre. Mais peu importe. Escaladant à pied les chaises l’on se risque à faire un salut, auquel les prisonniers répondent en crapahutant sur le banc. Eux, dont dépend la partie plus difficile, semblent plus forts que celui qui est à l’extérieur. Dans la salle le rite se déroule conformément à ses propres règles, avec la présentation des parties civiles. Pendant des mois les média, faisant écho aux communications du Ministère public, avaient annoncé des centaines de constitutions (de partie civile).
La Commission européenne, les ministres, les ouvriers du chantier, les flics de garde ne se sont pas présentés. À la fin, seuls restent le gouvernement, LTF – l’entrepreneur général pour le Turin-Lyon –, et le syndicat de police SAP, celui des applaudissements aux assassins de Federico Aldrovandi 3.
Les avocats de la de la défense ont présenté de nombreuses questions procédurales, y compris l’exception de constitutionnalité de l’article 270 sexties 4, duquel le Ministère public de Turin tire la définition de terrorisme. Et, de même, a été avancée la demande de transfert à Turin des quatre compagnons.
Le tribunal a réservé sa réponse. La prochaine audience se tenait le 6 juin.
Anarres s’est entretenu avec Eugenio Losco, un des avocats qui défendent les No Tav.


Anarres
25 mai 2014

1. Tunnel exploratoire
2. Les deux procureurs (Ministère public) de Turin en charge du dossier.
3. L’étudiant de 18 ans Federico Aldrovandi est mort après une arrestation le 25 septembre 2009. Le 6 juillet 2009, quatre policiers ont été condamnés en première instance à 3 ans et 6 mois de prison, pour « homicide involontaire coupable excès de l’usage légitime des armes ». Le 21 juin 2012, la Cour suprême a confirmé la condamnation.
4. L’article 270 sexties du code pénal, introduit par la Loi n° 155/2005, définit les actes commis dans un but de terrorisme comme « des actes qui, de par leur nature ou en raison de leur contexte, peuvent être la cause de dommages graves pour un pays ou une organisation internationale et sont commis dans un but d’intimidation ou afin de contraindre les autorités publiques ou une organisation internationale à effectuer, ou s’abstenir d’effectuer, un acte quelconque, ou de déstabiliser ou de détruire les structures politiques, constitutionnelles, économiques et sociales essentielles d’un pays ou d’une organisation internationale, ainsi que d’autres types de conduite terroriste ou effectuée dans un but de terrorisme envisagés par les conventions et les autres traités internationaux dont l’Italie est signataire ».