Les 8 mars se suivent…

mis en ligne le 5 mars 2015
1768GreveFemmesRetrouver les origines de la Journée internationale des femmes n’est pas chose facile et plusieurs féministes s’y sont attelées.

Des faits incontestés
En 1910, à Copenhague, Clara Zetkin propose aux participantes de la Deuxième Conférence internationale des femmes socialistes que « les femmes socialistes de tous les pays organisent tous les ans une journée des femmes qui servira en premier lieu la lutte pour le droit de vote des femmes ».
En 1911, des manifestations impressionnantes ont lieu dans un grand nombre de pays d’Europe et aux États-Unis. Dans la seule ville de Berlin, 45 meetings rassemblent plus de 40 000 participants et plus de 30 000 femmes défilèrent dans les rues de Vienne en Autriche.
En 1915, Alexandra Kollontaï organise à Christiana, près d’Oslo, une manifestation des femmes contre la guerre et Clara Zetkin une conférence internationale des femmes, prélude à la conférence de Zimmerwald.
Le 8 mars 1917, des femmes manifestent en Russie. « Sans tenir compte de nos instructions, les ouvrières de plusieurs tissages se sont mises en grève et ont envoyé des délégations aux métallurgistes pour leur demander de les soutenir… Il n’est pas venu à l’idée d’un seul travailleur que ce pourrait être le premier jour de la Révolution » (Trotsky, Histoire de la Révolution russe).
Les articles qui seront consacrés à partir de 1920 à la Journée internationale des femmes, ne feront pas souvent référence à cette grève des femmes en Russie mais donneront des versions variables à l’origine de cette journée et à sa signification, selon les besoins du moment et de l’organisation qui en parle.
Après la guerre, à partir de 1946, c’est de plus en plus aux mères que l’on s’adresse. Le 8 mars 1949, on lit dans L’Humanité cet appel « aux mères de famille, travailleuses, défendre la paix, c’est réclamer qui tout soit mis en œuvre pour l’amélioration du sort des familles et des travailleurs ».

1857 : le mythe des origines ?
C’est dans L’Humanité du 5 mars 1955 que la légende du 8 mars 1857 fait son apparition : « La journée internationale des femmes continue la tradition de lutte des ouvrières de l’habillement de New York, qui, en 1857, le 8 mars, manifestèrent pour la suppression des mauvaises conditions de travail, la journée de 10 heures, la reconnaissance de l’égalité du travail des femmes. Cette manifestation produisit une grande impression et fut recommencée en 1909, toujours par les femmes de New York. En 1910 […], C. Zetkin proposa de faire définitivement du 8 mars, la journée internationale des femmes. »
Faut-il croire Antoinette (mensuel des femmes de la CGT), qui écrit dans son n° 1 de mars 1964 : « Ce sont les Américaines qui ont commencé, c’était le 8 mars 1857,… pour réclamer la journée de 10 heures, elles ont envahi les rues de New York. » Ce journal ajoute en mars 1968 : il s’agit du 8 mars 1857 et les ouvrières en grève « réclamaient déjà la réduction du temps de travail, l’augmentation des salaires et leur égalité pour un travail égal, des crèches et le respect de leur dignité » ?
La version des Pétroleuses, en mars 1975, qui fixe aussi l’origine du 8 mars au 8 mars 1857, est-elle plus vraisemblable : « Une des premières grèves de femmes, opposant les ouvrières du textile à la police de New York, qui charge, tire et tue ? »
Des recherches entreprises, rien ne prouve l’existence d’une grève de femmes ce jour-là, ni d’une répression policière… Le 8 mars 1857 n’est-il pas une reconstruction qui associe la date de 1857, choisie comme un hommage à Clara Zetkin, née cette année-là, et les ouvrières des tissages russes en grève en mars 1917 ?

Plus récemment
Le 8 mars 1977, dans le prolongement de l’Année internationale de la femme en 1975, l’assemblée générale des Nations unies demande à tous les pays de la planète de « s’efforcer de créer des conditions favorables à l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et à leur pleine participation, sur un pied d’égalité, au développement social » et officialise la journée.
Le 8 mars 1982, à l’initiative du tout nouveau ministère des Droits des femmes, va « se dérouler en France un nombre considérable de cérémonies, toutes destinées à glorifier, revaloriser (ou simplement rappeler) l’importance du rôle des femmes dans la société française ».
Depuis, manifestations se succèdent, en solidarité avec les femmes qui lutent dans tous les pays, des mères de la place de Mai argentines qui s’opposent à la répression, aux femmes algériennes qui luttent contre l’intégrisme religieux et l’État qui tentent, chacun à leur façon, de les opprimer. De nombreuses collectivités territoriales, associations et syndicats organisent des événements au cours du mois de mars : débats, colloques, concerts, expositions… apportent une meilleure visibilité aux luttes et aux expressions des femmes.
À Paris, depuis deux ans, deux manifestations ont lieu : l’une à l’appel du Collectif national des droits des femmes (en 2014) ou de la Coordination française pour la Marche mondiale des femmes (en 2015) et l’autre par le collectif 8 mars pour toutes ; les désaccords concernent deux questions qui ont divisé toutes les associations, partis et syndicats : le voile et la pénalisation des clients de la prostitution.
Aujourd’hui, il est de toute façon important de se réapproprier une histoire de cette Journée internationale de luttes des femmes pour leurs droits. En effet, pour de nombreuses personnes, il y a confusion avec la fête des mères (journée instituée par Pétain en 1941 pour repeupler la France), ou encore négation par les médias de l’aspect de lutte et de solidarité internationale en claironnant « journée de la Femme ». On peut noter la manipulation idéologique similaire à celle du 1er mai : ce dernier n’est-il pas inscrit sur nombre de calendriers comme la fête du travail alors qu’il s’agit de la journée de solidarité internationale des travailleurs ?
Cette recherche sur l’histoire du 8 mars – ici bien succincte – montre l’opacité permanente de l’histoire des femmes : si les femmes, leurs actions et leurs initiatives, étaient mieux prises en compte et reconnues n’éviterait-on pas ce doute sur l’histoire du 8 mars ? Malgré les doutes sur l’origine de cette journée et les sujets en débat, l’important n’est-il pas d’en profiter pour affirmer notre droit à l’égalité et à la dignité et nos revendications et manifester notre solidarité à toutes les femmes en lutte dans le monde ?
Pour que vive le 8 mars, Journée internationale de lutte de toutes les femmes pour leurs droits !

Élisabeth Claude
Groupe Pierre-Besnard de la FA