Algérie ! point de regroupement

mis en ligne le 26 septembre 2003

par Monique Berthault

Après l'échec des pourparlers de Melun qui avaient fait renaitre quelques espoirs, septembre n'a pas vu s'annoncer l'astuce habituelle destinée à faire passer à la France, sans trop de dommages et en rassurant l'opinion publique, l'examen de l'ONU. La proximité du débat semble nous assurer qu'aucune initiative ne sera prise, d'ici là, par le gouvernement, le serait-elle que nous ne pourrions guère lui accorder que le même mérite qu'aux précédentes. D'autre part, il n'est jour qui n'apporte motions, ou appels en faveur, pour le moins, d'une paix négociée en Algérie. Procès du réseau Jeanson, Manifeste des 121, Appel à l'opinion pour une paix négociée en Algérie lancé par des syndicalistes et des universitaires, autant de témoignages quotidiens du désarroi d'un pays acculé à une situation absurde, désespérante.

Ce malaise général, qu'on pourrait presque appeler une mauvaise conscience générale, s'est traduit, dès septembre, dans les partis, fractions de partis et syndicats, par des prises de position plus ou moins platoniques. Même l'« inconditionnelle » UNR fut touchée, dans sa minorité musulmane, par les remous du procès Jeanson. Mais organisations de jeunes et syndicats envisagèrent les possibilités d'agir et ceci parce que les syndicats, plus que les partis, sont en contact avec la base et que celle-ci réagit plus aux aspects économiques et sociaux des problèmes moraux ou politiques et que, d'autre part, le gouvernement vient de démontrer qu'il n'hésite pas à s'attaquer au droit le plus fondamental : le droit au travail. Les préoccupations plus particulières aux jeunes (conditions de la lutte en Algérie, service militaire prévu à 18 ans) font que l'UNEF, qui en plus doit faire face aux problèmes spécifiquement étudiants (sursis, taxe d'intellectuallisme) joua un rôle important. Aussi est-ce l'UNEF qui prit, également pour des raisons d'ordre interne, l'initiative de lancer un appel, début octobre, pour une action précise. Il fallut deux semaines pour que toutes les centrales, hésitantes pour des motifs « politiques », accordent leur soutien. Successivement la FEN, la CFTC et FO et la CGT sur le plan régional acceptèrent de manifester en commun le 27 octobre. Ce fut ni sans heurts ni sans difficultés. La CGT et le PC, par l'intermédiaire de Thorez et de Waldeck-Rochet, prirent des airs de douairières outragées de n'avoir point été consultées au préalable. La CGT et le PC préférèrent les actions localisées où, avec le Mouvement de la Paix, ils peuvent jouer un rôle prépondérant, manifestations de quelques centaines de personnes vite terminées, la moitié des participants se retrouvant au commissariat. La confédération FO fut très réticente, seules les UD s'engagèrent, l'état-major estimant que le moment d'une action massive n'était pas venu, et se refusant à une action commune avec la CGT. La CFTC fut la moins hésitante, puisque l'union ne se faisait pas directement avec la CGT et, en outre, les sections les plus actives (metallurgie, chimie) ont, pour leur part, préconisé l'unité la plus large avec toutes les formations pour imposer une solution négociée en Algérie. Sur le plan local, l'union se réalisa, avec quelques résultats, à Grenoble, lors de la visite présidentielle, et se traduisit par le boycotttage des cérémonies publiques et un meeting commun.

De même à Toulouse, après l'agression commise par des militaires, qui ne se sont pas trompés, contre la Bourse du Travail et le siège de l'Association des étudiants, un rapprochement s'est effectué entre les forces de gauche.

Que sera la manifestation interdite par le gouvernement qui a permis le 3 octobre le rassemblement de l'Étoile qui s'est terminé en marche sur l'Élysée ? Le journal tombera avant que nous le sachions. Les organisations syndicales ont maintenu leur mot d'ordre. La police sera au rendez-vous. Que par-delà les querelles de clocher, qui confinent presque à la discussion sur le sexe des anges et rebuttent la masse organisée, l'unité se r[évi]se, nul doute que l'écho ne soit profond et que la masse ne sorte de son apathie, due en partie au sentiment de son impuissance parce qu'il lui semble que tous ces courants qui ont un même but, la sollicitent en des voies différentes. Il est des moments où l'essentiel est l'action.

Monique Berthault