People & Baby

mis en ligne le 16 juin 2010
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Petit rappel des faits

En 2006, la halte-garderie associative Giono du 13e arrondissement de Paris, dont les locaux appartiennent à la mairie, est confiée en délégation de service public à une jeune société spécialisée dans le business juteux de la petite enfance : People & Baby. Le patron, Christophe Durieux, n’en est pas à son coup d’essai. L’individu, la quarantaine opulente, vient du monde de l’événementiel, il a déjà monté puis coulé plusieurs sociétés (Movie-Com, Équation), s’est vendu à Altedia, le groupe spécialisé dans le management qu’on a vu à l’œuvre à la Poste ou chez les Conti, avant de remonter stratégiquement plusieurs nouvelles boîtes avec sa compagne Odile Broglin, infirmière puéricultrice virée des hôpitaux de Paris : People & Business (événementiel), Hélicommu-nication (chargé de la gestion de leur hélicoptère personnel), People & Baby (les crèches). Pour l’équipe de Giono, dès 2006, le calvaire s’engage : les conditions de travail se dégradent, leur projet pédagogique ambitieux est mis à mal, les horaires sont modifiés, les directrices autoritaires se succèdent… En novembre 2009, l’équipe décide de se syndiquer et crée une section CNT. Le choix est courageux, elles entrent dans la ligne de mire du patron.
Pour l’ancien serviteur d’Altedia, il n’est pas question de tolérer la moindre protestation, encore moins une présence anarcho-syndicaliste. Dans sa structure de 1 000 salariés à la croissance exponentielle, jusqu’en décembre 2009, il n’y avait d’ailleurs aucun syndicat, pas de registre du personnel, et encore moins de Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), pourtant obligatoire.
Le 1er mars, dans le cadre de la mobilisation contre le décret Morano et du collectif « Pas de bébés à la consigne », les cinq filles de la section se mettent en grève. Le retour de bâton de la direction est immédiat : elles sont toutes mises à pied le lendemain, sommées de ranger leurs affaires en cinq minutes, puis trois d’entre elles sont licenciées le 29 mars sous des prétextes fallacieux : « insubordination, non-respect de l’hygiène et de la sécurité ». Sophie, la représentante de la section syndicale (RSS), salariée protégée en droit, est réintégrée. Virginie, mutée à la Défense, est réintégrée à Giono au terme de quelques manifestations.

Une lutte exemplaire
Depuis le 2 mars, la bataille se joue sur plusieurs fronts : juridique (procédure de référé le 29 juin, jugement de fond le 2 décembre prochain), syndical (grève reconductible depuis le 29 mars pour les deux salariées réintégrées, occupations, manifestations, collages, distributions de tracts, solidarité intersyndicale, participation au congrès du STC le 12 juin), politique (soutien des organisations proches et moins proches), médiatique (une vingtaine d’articles dans la presse généraliste et militante à ce jour) et financier (le syndicat verse une indemnité de 1 500 euros à chaque salariée depuis le mois de mars).
Dès le tout début de la mobilisation, comprenant que la lutte serait longue, nous avons cherché à innover, à réinventer des modes d’action. Tout ou presque est relaté sur le blog de la section (peopleandbaby-enlutte.over-blog.com). De très nombreuses distributions de tracts en direction des parents et des salariés ont eu lieu dans les quelque 70 crèches People & Baby de France ; le siège de Lyon a été occupé par des camarades ; la halte-garderie Giono a été réquisitionnée trois jours par les salariées licenciées et le comité de lutte ; le siège social parisien a été occupé une journée au début du mois d’avril ; la Mairie a dû modifier le cahier des charges lié à la délégation des crèches suite à une manifestation et à un vote lors du Conseil de Paris du 11 mai, etc.
Parmi ce large panel, si nous devions retenir deux moments, il y aurait d’abord la belle manifestation du 1er Mai, qui s’est terminée en meeting rue Médéric, au pied du domicile du taulier, quelques centaines de camarades scandant « Patron voyou, on te retrouvera partout » devant des riverains médusés. Il y aurait aussi les cinq journées d’occupation du siège social par une soixantaine de militants de la CNT, du 27 mai au 1er juin. Ce 27 mai au matin, Durieux n’avait même pas daigné se déplacer à la conciliation prud’homale. Quelques minutes plus tard, il abandonnait piteusement, la tête baissée, son siège social de l’avenue Hoche. Le recours aux vigiles n’a pas empêché les camarades d’escalader la façade avec une échelle de corde ni d’être ravitaillés de l’extérieur. Dans les beaux quartiers de Paris, un petit air de Barcelone 1936 flottait ces jours-là.

Un sacré panier de pourris
Depuis la sortie du siège, des négociations en présence d’un médiateur ont été tentées durant une semaine, mais elles n’ont pas abouti. Christophe Durieux, le patron voyou, refuse de céder et de réintégrer les salariées licenciées abusivement. Il faut dire que le bonhomme joue sa crédibilité. Naguère associé du fils Fabius, il a finalement abandonné tous ses contacts au PS (qui lui ont pourtant permis de récupérer bien des marchés en région parisienne et à Lyon) pour jouer la carte de la droite dure. Parmi les nouveaux actionnaires de People & Baby, on retrouve un certain Didier Calmels, PDG de Développement et Partenariat PME, ami de Vincent Bolloré, Gérard Longuet et Alain Madelin… On ne s’étonnera donc pas du développement outrancier de People & Baby dans les municipalités de droite (Issy-les-Moulineaux, Levallois-Perret, Cannes) ni de la stratégie d’implantation dans les très grandes sociétés (Orange, Veolia, SNCF, GDF-Suez…). En revanche, on s’interrogera sur les motivations qui ont pu conduire le Conseil de Paris et la DFPE à attribuer une subvention de 163 155 euros à Enfance pour tous, l’association « cheval de Troie » d’Odile Broglin, le 1er décembre 2009. On s’interrogera aussi sur les subventions publiques d’environ un million d’euros que la Caisse d’allocations familiales (CAF) distribue gracieusement à M. Durieux à chaque ouverture d’une nouvelle crèche People and Baby.
Pour notre part, le combat continue, nous ne lâcherons rien jusqu’à la réintégration.
Aidez-nous en participant au financement des indemnités (chèques à l’ordre de CNT-Santé social, mention au dos « section People and Baby »).
Signez la pétition sur le blog.
Venez au rassemblement du mardi 29 juin, dès 9 heures du matin, face au Conseil de Prud’hommes, 27 rue Louis-Blanc, à Paris.
Un coup contre l’un de nous est un coup contre tous !

Nicolas Norrito, CNT-Éducation 93