Flicage et répression à Poitiers

mis en ligne le 2 juillet 2010
C’est une habitude bien établie dorénavant à Poitiers. À chaque manifestation, y compris festive, la police et la Brigade anti-criminalité provoquent, photographient, filment, harcèlent les jeunes militants pour réussir à en arrêter quelques-uns à la fin. Pour faire du chiffre mais aussi et surtout pour isoler les militants et casser le mouvement social. C’est ce qui c’est encore passé lundi, à Poitiers. Ce fut une fête de la musique complètement morte parce qu’institutionnalisée, avec ses rues vides, ses rares concerts choisis, une présence policière massive : cocktail détonnant qui fait de Poitiers une ville tétanisée où règnent l’ennui et l’intimidation. Les policiers, sous la direction omniprésente de M. Papineau, directeur départemental de la sécurité publique (devenu célèbre pour attirer vers lui des petits objets aussi divers qu’une pile, un briquet, un caillou…, sans jamais être en rien blessé), n’ont pas lâché la quinzaine de têtes connues de certains jeunes militants. Jusqu’à ce qu’ils entendent, diront-ils, une menace et que, selon leurs déclarations, le même scénario se reproduise : une bouteille atterrisse aux pieds de M. Papineau. Résultat : cinq policiers « blessés » et six arrestations. Nous mettons « blessés » entre guillemets car les syndicats de police se sont plaints que les policiers n’ont pas pu obtenir des ITT de la part du CHU, ce qui voudrait dire que ce n’était pas si grave qu’ils le prétendaient… Et comment se fait-il que sur douze policiers sur-entraînés et dont c’est le métier, cinq se fassent « blesser » par six jeunes plutôt fluets dont deux filles (des militants dont on a vu l’état physique bien amoché au tribunal) ? Manque d’entraînement ? Maladresse ? Désir de passer pour « victimes » ? Les policiers de la Bac, fragiles ? Qui veut croire à cette fable sinon le préfet qui s’est empressé de porter plainte au nom de l’État et quelques personnes à l’affût du moindre fait divers.
Selon le Comité anti-répression, il ne s’agirait que de méthodes de répression policières des mouvements sociaux, méthodes déjà expérimentées dans les quartiers puis un peu partout : harcèlements, suivis de tabassages, d’arrestations, de gardes à vue prolongées et de procès. Que faisaient donc la police et la Bac à la fête de la musique, des heures durant ? N’étaient-ils pas là pour provoquer et en découdre ? Et le maire n’était-il pas au courant de leur omni-présence et de leurs projets ?
Comment donc les juges pourraient-ils encore faire confiance à M. Papineau, un homme qui fut, le 10 octobre, tout à la fois la victime, le témoin, celui qui arrête, celui qui interroge, celui qui enquête… l’homme orchestre de la répression quoi ! Et tout cela sans l’ombre d’une seule preuve… Un talent rare qui devait être réutilisé ? Comment les juges ne s’apercevraient-ils pas que c’est cousu de fil blanc : plus de 30 policiers au procès mercredi 23 juin, 12 se portant partie civile, et le chef des RG présent. Et encore : un policier avec une attèle qui peine à faire semblant de boiter ? Sans oublier un commissaire Papineau sur son 31, faisant une entrée et une sortie spectaculaires ! Bref il ne manquait plus, comme le dira d’ailleurs une avocate, que la venue du ministre de l’Intérieur et la pièce du 10 octobre était rejouée. Farce sinistre.
Pourtant, les juges ne croient pas toujours aux fables de la Bac. Même si le parquet s’est pourvu en cassation, Nina a été relaxée, au début de l’année, sur demande de l’avocat général lui-même. Tous les policiers ne semblent pas y croire non plus. Qui pouvait envoyer, il y a quelques mois, la note de M. Papineau – lettre étonnante et fort instructive dans laquelle il mettait en cause le Comité anti répression et la presse – à cette même presse locale sinon l’un des policiers destinataire ?
Outrage, rébellion et violence sont cités en chefs d’inculpation contre les 6 jeunes militants qui, heureusement, décident de ne pas accepter la comparution immédiate, ce sinistre outil de la justice pour annihiler toute possible défense. Le procès a donc été renvoyé au 8 juillet, mais, en attendant, cinq jeunes militants sont en détention provisoire à la prison de Vivonne et la dernière est placée sous contrôle judiciaire.
Que les forces de l’« ordre » se sentent aussi libres dans leurs façons d’agir n’est que la traduction d’un rapport de force en leur faveur. Grévistes, jeunes militants, sans-papiers, « radicaux » en font les frais depuis trop longtemps. Plus que jamais nous appelons à ce que la peur change de camp.

Comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux