Indignations, indignités

mis en ligne le 13 janvier 2011
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Paraît qu’en ce début d’année la seule vraie bonne nouvelle viendrait du milieu de l’édition, de la vente, par plusieurs centaines de mille, du livret de Stéphane Hessel, intitulé Indignez-vous ! Mouais. Bonne nouvelle, vraiment ? Non seulement, à la lecture, la mollassonne brochurette vous glisse des mains pire qu’une motte, mais aussi il s’avère assez désagréable de comme ça recevoir une leçon d’indignation de la part d’un garçon dont l’activité principale consista, durant quarante ans, à traîner ses guêtres en peau de bouc sur les parquets cirés des ambassades de haut vol, non sans complimenter Madame pour la qualité du service et ses parures de choix. Figure de l’indignation, ça ? « Cherchez et vous trouverez », commande l’auteur, par trop biblique. Il lui aurait pourtant suffi de lever les bouts de peau flasque qui lui servent de paupières – j’allais écrire : d’œillères – pour apercevoir, partout, l’insanité d’un monde au sein duquel les motifs d’une indignation véritable ne sont plus à chercher puisque, justement, tout trouvés. Au final, chaque époque ayant les apôtres qu’elle mérite, Hessel le dispute à Nicolas Hulot ou à Bernard-Henri Bidule dans le registre de la révolte de salon, de la colère posée là, telle une ultime décoration, acte de bravoure à deux francs soixante-douze centimes.
S’indigner ? Sous prétexte de fraude, les parlementaires durcissent l’accès des sans-papiers à l’aide médicale d’État (AME). Selon le rapport de l’Inspection des affaires sociales, ces mesures seront à coup sûr contre-productives, « financièrement inadaptées, administrativement complexes et porteuses de risques sanitaires ». Mais l’idéologie lepénosarkozyste commande, une nouvelle fois, de pointer d’un doigt brun de bouse les étrangers venus manger le Doliprane des Français. Contre toute logique, fût-elle essentiellement comptable, est privilégiée la lutte contre « un certain tourisme médical », lequel n’existe pas, ou reste extrêmement marginal. L’essentiel, ici comme ailleurs, ne saurait être le réel. L’essentiel est de ramener en le sarkozyste giron les voix des xénoparanos, lesquels, à ce qu’il semblerait, s’apprêteraient à voter pour la très nationale Marine. S’indigner, quoi encore ? On ne remerciera jamais assez Manuel Valls, amuseur public, d’avoir à sa manière ramené sur le tapis et comme de derrière les fagots l’antédiluvienne question des héroïques 35 heures, qui d’ailleurs sont enterrées, mortes, tombées au champ d’honneur de la guerre des classes, il y a des années déjà. Merci Valls, vraiment, d’empêtrer comme ça le PS, lequel prouve si besoin était qu’il est, plus que jamais et définitivement et jusqu’à la caricature, un putain de parti de droite. Merci également de contraindre l’UMP et le patronat à pousser plus loin le bouchon, à avancer à découvert, en entonnant l’antienne de la suppression, pure et simple, de la durée légale du temps de travail. « Au profit d’accords négociés, branche par branche », précise Novelli, qui nous prend vraiment pour des cons. Soit des poules. Soit un renard : enfermez-les ensemble, ensuite laissez-les négocier. Indignés ? L’êtes-vous davantage que le brave Thibault qui, au nom de la CGT et vu l’année qu’on vient de passer, décida, carrément ! de boycotter les vœux de notre sublissime président – lequel, n’en doutons pas, en pleure encore de tristesse et de honte, toute bue ? Cependant, Bernard Thibault, en hurlant sur les toits son refus de se rendre à l’Élysée, avouait du même coup y avoir été invité. Indignation peut-être, indignité assurément ? Me revient en mémoire la sortie d’Erik Satie à propos de la légion d’honneur : « La refuser, c’est bien. Mais le mieux eût été de ne pas la mériter. »



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


alex

le 21 janvier 2011
Plutôt que d'extrapoler sur la cgt le ps et l'ump, je pense qu'il aurait été plus pertinent d'y voir là une lueur d'espoir quand on sait que (200 000?) exemplaires d'indignez vous ont été vendu.
D'autre part, même si ce n'est pas un appel à la révolution, ce livre mérite d'être lu. Il est facile d'accès donc ouvert au grand public et explique facilement que si les raisons de s'indigner étaient évidentes en 40, elles le sont toutes autant aujourd'hui; bien que les motifs soient différents.
Enfin, critiquer le physique d'un vieil homme ayant participé à la résistance et qui aujourd'hui propose à sa manière de motiver la jeunesse à s'indigner n'est pas de très bon goût.
alex

Rimbet

le 26 janvier 2011
Bonjour,

L'attaque gratuite sur le physique de ce personnage est tout simplement minable. De plus, la lecture de cet article révèle une incompréhension totale de la part du "journaliste" des sujets abordés.
Cet article est un véritable torchon, où tout se mélange et se noie...

Cordialement,