Arrestation de Roger Noël : quelques réflexions…

mis en ligne le 18 novembre 1982
Roger Noël est un militant que nous connaissons en France et nous l’avions rencontré à plusieurs reprises à Paris. Nous savons quel travail il a abattu, lui et le groupe libertaire du « 22 mars » dans plusieurs luttes sectorielles (antinucléaire, écologie, radios libres, etc.). Aussi, nous n’avons pas été surpris d’apprendre de quelle façon Roger Noël a décidé de soutenir Solidarnosc. Son geste courageux serait resté dans l’ombre (comme beaucoup d’autres) s’il n’avait été arrêté à Varsovie.
Immédiatement, la presse s’est emparée de l’affaire. Un millier de coupures de presse a été publiée en Belgique. C’est dire le retentissement de son arrestation. Dans le monde, brusquement, on apprenait l’action de ce militant libertaire belge.
Face à cette situation, le « 22 mars », complètement débordé, a cherché à s’assurer le soutien le plus large possible. Aussi, le comité de soutien à Roger Noël, créé à cette occasion, regroupe-t-il des militants venant d’horizons très divers, trop divers, dirons-nous… Il fallait sans doute trouver des actions communes qui puissent contenter tout le monde. Dans ces conditions, il était difficile pour le comité de soutien de conserver longtemps l’image du militant libertaire… Au fil des jours, Roger Noël n’est plus « l’anar-sympathisant de Solidarnosc », mais le démocrate se battant pour la liberté d’expression. Nuance…
Le comité de soutien a donc œuvré dans un sens légaliste, très légaliste. Après les pétitions respectueuses et les démarches qui ne le sont pas moins, voici Roger Noël parachuté président du Conseil consultatif des radios libres. Voilà qui a dû lui remonter le moral du fond de sa cellule ! Après s’être fait mener en bateau par M. Tindemans et par l’ambassadeur de Belgique, le comité de soutien aujourd’hui semble regretter amèrement d’avoir placé sa confiance dans ces calculs diplomatiques. Le frère de Roger, Serge, militant communiste et poète, dans son allocution avant le concert de Léo Ferré, semblait découvrir ce que les anarchistes soutiennent depuis toujours, à savoir que nous ne pouvons pas compter sur ces calculs diplomatiques véreux. Comment croire à ces « initiatives secrètes » promises par le gouvernement belge à l’encontre de l’État polonais ? Nous pourrions en rire si Roger Noël ne risquait pas d’en subir les conséquences.
Il nous faut donc considérer les deux volets différents de cette affaire. IL y a d’un côté l’action de Roger Noël, solidarité concrète qui ne s’embarrasse guère de paroles pour se manifester, ce que nous soutenons et que nous soutiendrons toujours. En face, nous trouvons le comité de soutien dénaturant le contenu de cette action et gêné aux entournures de recevoir un soutien libertaire international (citons le Canada, l’Australie, l’Espagne, la France, l’Allemagne…). S’il est en effet primordial de faire sortir Roger Noël de taule, était-il nécessaire de le repeindre aux couleurs de la démocratie bon teint ? Évidemment, lorsque la télévision belge se déplace pour faire un direct dans la salle du concert, un « démocrate », c’est bien plus présentable.
Cette course à la respectabilité à tout prix, nous n’en voulons pas. Nous avons soutenu Roger Noël sur des principes anarchistes, dénonçant le totalitarisme d’un État qui condamne à trois ans de prison un libertaire coupable de renforcer sa résistance interne. Conscients d’avoir créé, pour une part, cette mobilisation de l’opinion publique internationale que les juges ont prise en compte en prononçant leur verdict, nous maintiendrons cette pression, que cela fasse plaisir ou non aux démocrates de Bruxelles et d’ailleurs.