Le c... des autres !

mis en ligne le 1 juillet 1971
Le F.H.A.R. (Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire) qui tient ses assises tous les jeudis soir à la cité universitaire du boulevard Jourdan, est une drôle de petite chose qui a suffisamment pour nous surprendre. Les homosexuels unis, cela n'a rien d'étonnant. Ce qui est plus singulier, c'est que pour la première fois des homosexuels se regroupent en France et se donnent comme but pour la réalisation de leurs besoins et de leur nature, la subversion de cette société mâle, « virile » et autoritaire.
Le F.H.A.R. trouve sans aucun doute ses origines dans le Comité d'Action Pédérastique Révolutionnaire qui siégeait à la Sorbonne en mai 1968, au milieu du grand barnum supermarché, ayant une activité très réduite force étant alors à la loi léniniste. En 1969 est créé aux États-Unis le « Gay Liberation Front » (Front Homosexuel de libération) qui participe à de nombreuses manifestations. En France, en mars 1971 des militants du F.L.J. (Front de libération des Jeunes) envahissent les studios de RTL et empêchent Ménie Grégoire de déblatérer ses calomnies sur le mouvement des jeunes et le mouvement révolutionnaire dans son ensemble. Mais c'est le numéro 12 du journal Tout qui va faire percer sur la scène publique le mouvement des homosexuels, leur consacrant un numéro entier, numéro d’ailleurs poursuivi pour outrage aux bonnes mœurs (qu'on se souvienne de l'affaire Celma, de l'affaire Polac à la télé concernant l'inceste et la sexualité en général, la guerre lancée par le maire de Tours, et la guerre lancée par la police et certains adultes contre les jeunes « efféminés » aux cheveux longs...). Et le F.H.A.R. se trouva pour la première fois interpellé en tant que tel dans la « grande » presse lors des manifestations du Premier Mai, aux côtés de leurs « compagnes » du Mouvement de Libération de la Femme (M.L.F.).
La sexualité dite normale, c'est-à-dire l'hétérosexualité (les rapport sexuels entre un homme et une femme ou – et – entre un homme et plusieurs femmes) semblant devenir un des problèmes les plus immédiats de la jeunesse révolutionnaire hors des groupuscules militaires gauchistes, l'homosexualité, elle, se retrouve unanimement condamnée par ces mêmes groupuscules, la considérant comme une « déviation sexuelle » au même titre que n'importe quelle perversion louche, comme produit petit bourgeois de la société dite de classes. On se souvient de sociétés, non plus «  barbares » que la nôtre – au contraire semble-t-il – où l'homosexualité était une pratique courante qui n'a d’ailleurs jamais mis en péril le rôle du chef. Les ethnologues, de leur côté, et dans un domaine aussi réservé et aussi clos que le leur, citent nombre de tribus où les pratiques entre personnes du même sexe sont codées et légalement établies. Il faut, si on en croit ces mêmes ethnologues que des conditions économiques d'échange et de profit apparaissent pour que cette forme de sexualité soit condamnée, c'est-à-dire, il faut pour la société qu'elle soit peuplée, à la fois pour la guerre, pour la chasse, et pour la préservation du pouvoir par l'intermédiaire de la famille sûre garantie de la poursuite des traditions, des lois, et de la procréation. Ainsi, une sexualité née du code judéo-chrétien fait depuis plusieurs millénaires son petit bonhomme de chemin, inventant tabous, refoulement, transferts et autres trucs savants pour maintenir les peuples et les individus dans une dépendance morale vis-à-vis du pouvoir, ce qui facilite, on s'en doute, leur soumission sociale.
Mais au fur et à mesure que cette société éclate, réapparaissent au grand galop (le naturel ?) toutes les formes libérées de la sexualité, dont une peut-être, l'homosexualité, en tant qu'elle détruit le culte du phallus de la société mâle, et qu'elle revendique une forme de pratique sexuelle en contradiction avec une morale héritée de Ponce Pilate et même d'avant. On peut bien se demander où est la fonction antinaturelle de l'homosexualité, pour qui y trouve son plaisir, puisqu'il est universellement admis que tous les individus humains sont bisexués ce dès la naissance (puisque déjà ils sont le produit de deux sexes), et que les rapports entre homosexuel(le)s ont l'indiscutable avantage d'en aucun cas créer de chair à canon et de main-d'œuvre à capital.
Ce qui ne veut pas dire qu'il n'existe pas une homosexualité où les rapports sont faussés. Cette homosexualité qu'on pourrait appeler « de classe » est celle qu'on rencontre au Bois de Boulogne ou aux pissotières de Barbès où les tarifs varient suivant le temps et les risques du métier.
On se souvient d'autre part que les régimes les plus autoritaires ont toujours mené une chasse sans pitié contre les homosexuels. C'est à Moscou, Leningrad, Odessa en 1934 (l'homosexualité comme signe de dégénérescence de la bourgeoisie fasciste). C'est en Allemagne le 30 juin de la même année que Hitler s'en prit aux homosexuels (signe de dégénérescence du communisme – sic !). Il serait bon de temps à autre de lire ou de relire Reich qui nous donne pas mal d'idées claires sur ce problème tabou. À moins que ces lectures effraient ceux qui n'auraient pas d'idée et qui passent leur temps en autodafés individuels.

Arthur Mira-Milos