Au second tour, je vote « Finance »

mis en ligne le 1 mars 2012
Lundi 13 février, le candidat Hollande a déclaré aux journalistes du Guardian's : « Aujourd'hui il n'y a pas de communistes en France… La gauche a gouverné pendant quinze ans, pendant lesquels elle a libéralisé l'économie et ouvert les marchés à la finance et à la privatisation. Il n'y a pas de crainte à avoir. » Et, c'est vrai, la finance n'a aucune crainte à avoir. Hollande a deux discours : celui pour ses meetings, avec « posture de gauche, le changement est en marche », bref le folklore habituel. Et celui destiné à rassurer les Bourses. Même Sarkozy s'en est emparé pour dénoncer le double langage du candidat gauche.
Évidemment, aux communistes, ça n'a pas fait très plaisir… Front de Gauche et PCF, Mélenchon en tête, sont montés au créneau de l'indignation, se revendiquant représentants d'un « communisme » encore vivant.
On hésite : qui est le plus ridicule dans cette histoire ? Hollande se réclamant du « socialisme » ? Ou Mélenchon se réclamant du « communisme » ?
Non, la libéralisation, la privatisation et la financiarisation, dont Hollande rappelle lui-même qu'elles furent le bilan de la gauche au pouvoir, ne sont pas du socialisme. Mais l'étatisation de quelques entreprises, la taxation du capital prônée par Mélenchon, ne sont pas non plus du communisme. De Gaulle, homme de droite, avait nationalisé, plus qu'aucun autre, à la sortie de la guerre en 1945, cela n'a pas fait de lui un communiste.
Nous avons les moyens, aujourd'hui, de mettre en place une société dans laquelle la production de richesses matérielles et intellectuelles profite à tous. Que tous aient un logement décent, un accès aux soins de santé, le droit à une éducation qui offre un avenir. Les moyens existent : les connaissances techniques, scientifiques et culturelles sont là. Les machines, la productivité aussi. Nous pourrions décider collectivement, dans l'intérêt commun. Pourtant, les pauvres s'appauvrissent, les conditions de vie se dégradent, et c'est la peur du lendemain qui domine les esprits. Pourquoi ?
Parce que la société est gérée pour le profit d'une minorité. Et cette minorité est prête à tout : exploiter l'humain et la nature sans souci du bien-être ou de la sauvegarde des espèces, vendre des poisons de toutes sortes, aliments, médicaments, pesticides, produire des moyens de destruction massive, faire la guerre pour assurer profits et dividendes aux actionnaires, à la finance. Et conduire des peuples entiers à la misère, et ce au nom de la soi-disant lutte contre la crise. L'austérité, la rigueur, les baisses de salaires, bientôt en France aussi. Des millions de gens l'ont compris., qui aspirent à une société meilleure, plus juste. Dans laquelle les richesses produites seront mises en commun. Mais si vous prononcez le mot « communisme », l'idéal s'obscurcit de miradors et de barbelés, de prisons et de goulags, de procès truqués et de tortures, de millions de victimes. Et c'est bien ce rejet, cette peur, ce dégoût d'un idéal piétiné dans les dictatures dites « communistes » qui empêchent tant de gens d'oser le changement, d'oser passer à autre chose. Si c'est pour en arriver là… Et c'est vrai : la totalité du XXe siècle est une longue suite de trahisons, de mensonges, d'étouffement des luttes, de massacres aussi, par des socialistes et par des communistes. Les socialistes ont voté la guerre de 14-18, ont fait assassiner les révolutionnaires de 1917 ; les communistes ont massacré au nom de la dictature du prolétariat, puis ont trahi toutes les révolutions sur ordre de Staline.
Et, pourtant, nous avons les moyens, aujourd'hui, plus que jamais, de mettre en place une société dans laquelle la production de richesses matérielles et intellectuelles profite à tous, que tous aient un logement décent, etc. Appelez-la comme vous voulez, inventez un ou dix noms pour parler d'elle, peu importe, construisons-la ! Seulement, ce ne sont certainement pas les deux apparatchiks, les deux qui ont fait toute leur carrière au Parti socialiste, Hollande et Mélenchon, qui nous aideront à quoi que ce soit. Ils se partagent le travail, comme chez les flics, le méchant puis le gentil qui arrive à faire parler… Là, faut vous faire voter : l'un rassure à droite, l'autre attire la gauche. Et il l'a d'autant plus facile que les Laguiller et Besancenot ne sont plus en course. La personnalisation présidentielle a contaminé même les révolutionnaires, voilà son revers. Mélenchon récupérera une bonne partie de leurs électeurs, grâce à son discours percutant. Ce qui fera remonter le Parti communiste, après ses scores précédents, pitoyables. Mais que les banquiers ne s'effraient pas, que la Bourse ne se lamente pas ! Au second tour, quel que soit leur candidat, de gauche, de droite, les Français voteront : finance et austérité.