Fukushima, mon amour

mis en ligne le 15 mars 2012
1664NucleaireLa désinformation et la non-information persistent
Cela ne peut étonner les anarchistes qui savent bien que société nucléaire rime avec société totalitaire. Bien qu’il s’agisse de l’un des plus importants accidents de l’ère industrielle, nous avons bien peu d’informations sur ce qui s’est passé et se passe sur le site de la centrale de Fukushima au Japon. Quelques nouvelles cependant. Lors de l’accident, il semblerait que la société Tepco, propriétaire de la centrale, ait voulu abandonner le site à son sort. Avec quelle monnaie d’échange le gouvernement japonais a-t-il pu inverser la tendance ? À ce jour, il semblerait qu’en fait, le réacteur 4 ne soit pas entièrement vide comme annoncé au début de l’accident ; deux tiers du combustible serait encore en place… Tepco a annoncé mi-décembre, comme prévu dans son planning, l’arrêt à froid des trois réacteurs accidentés de la centrale mais, courant février, la température a augmenté de nouveau dans le réacteur 2 ; raison officielle : les thermomètres ne fonctionneraient plus… À qui se fier ? Et si Tepco disait vrai, que penser de toutes les mesures précédentes ? Quid de la fiabilité de la technologie du nucléaire ?
Une désinformation tout aussi désastreuse est celle concernant les doses radioactives. Un mois après l’accident, les normes japonaises de seuil acceptable, notamment dans l’eau, ont été multipliées par vingt ! Est-ce à dire que les normes précédentes aient été fixées par un tirage au sort ? Cela permet de minimiser l’impact médiatique des doses élevées mesurées bien en dehors du périmètre de sécurité limité à seulement vint kilomètres. Comme chacun devrait le savoir, il n’y a pas de dose radioactive inoffensive… La population, tout comme les pays qui importaient de la nourriture du Japon, n’ont plus guère confiance dans les mesures faites par les instances gouvernementales ; de plus en plus de personnes vont faire analyser leurs aliments auprès des quelques associations qui ont réussi à s’équiper d’appareils de mesure. Certes, il n’y a eu aucune victime directe déclarée lors de l’accident de Fukushima, même si les disparitions de certains ouvriers ayant travaillé sur le site de la centrale sont passées sous silence. Et, comme pour Tchernobyl, les victimes indirectes sont à venir et ne seront sans doute jamais comptabilisées.

La population captive sert de sujet d’expérimentation
Le Japon est devenu un gigantesque terrain d’expérimentation post-nucléaire. Cobayes pour des études sur la santé via les doses auxquelles est soumise une bonne partie de la population de l’archipel. Expériences sur la soumission de toute une population qui, malgré le danger auquel elle est exposée, obtempère aux ordres gouvernementaux, de toute façon a-t-elle les moyens matériels et financiers de partir ? N’oublions pas que le Japon a subi aussi une catastrophe naturelle qui a dévasté une bonne partie du pays. Malgré tout, la population commence à s’organiser et devrait obtenir l’arrêt des centrales nucléaires dans le pays en avril. Expérience aussi pour le capitalisme mondial et sa guerre permanente puisqu’il semblerait que Tepco et l’état japonais considèrent que le responsable de la pollution radioactive est Areva, propriétaire du combustible donc des particules radioactives qui s’en échappent. On ne pleurera pas sur le sort de ce fleuron de l’industrie française, mais qu’est ce que cela change pour la population du Japon et du monde ? Rien, dans cette guerre entre capitalistes, au final ce seront les travailleurs qui de toute façon paieront les pots cassés. Le seul espoir que nous puissions avoir est que vu l’état de désorganisation dans lequel se trouve le Japon, cela favorise une nouvelle construction de la société, si possible autogérée. Mais le capitalisme renaît déjà de ses cendres radioactives, les grandes sociétés japonaises sont en train de transférer leur siège au sud de l’archipel bien moins touché et par le tsunami et par la pollution radioactive.

En France, pas de changement de cap
Alors que seuls restent en activité deux réacteurs nucléaires au Japon et que tous ceux arrêtés pour maintenance ne devraient pas redémarrer, malgré des coupures électriques régulières, cahin-caha, le Japon continue de vivre, comme quoi l’atome n’est pas une nécessité. Mais en France, le discours a à peine changé. Suivant le modèle allemand, la gauche envisage l’arrêt d’ici quelques dizaines d’années ; la droite s’obstine à croire que le nucléaire nous assure une indépendance même si le minerai d’uranium vient quasi intégralement de l’étranger… Certes, le sujet nucléaire va revenir un peu sur le devant de la scène avec cet anniversaire, nous aurons le droit à quelques promesses de campagne, rapidement oubliée. Comme bien souvent, malgré les nombreux lanceurs d’alerte, seul un accident français modifiera les positions des uns et des autres. Mais alors il sera trop tard. Et sans doute l’État, quelle que soit sa couleur, dans les heures qui suivront, montrera son véritable visage, forcément totalitaire, car qui ira se sacrifier sur l’autel d’une centrale nucléaire ? Aussi avant qu’un nouvel accident n’arrive, où que ce soit, il est temps de stopper cette machine de mort et de désespoir.

Quelles actions aujourd’hui ?
Ce n’est pas avec une chaine humaine que nous changerons grand-chose, cela ne peut être suffisant et il est déplorable que cette belle machine de lutte antinucléaire que fut le réseau Sortir du nucléaire se soit transformée en misérable ONG donnant les bons points via un label. Comme nous l’a montré la population japonaise, certes, dans un contexte particulier, seule la pression de la population peut faire céder les docteurs Folamour du gouvernement. Cela passe bien évidemment par le soutien et la participation au mouvement antinucléaire demandant un arrêt immédiat du nucléaire, civil et militaire. Cela passe aussi par une réorganisation de la production d’électricité et puisque nous avons la chance (pour le moment) de ne pas être dans la même situation que les Japonais, anticipons ! C’est-à-dire privilégier les autres sources d’électricité mais attention, le capitalisme vert est déjà en train d’investir tous ces espaces alternatifs, car ses tenants savent que le nucléaire est condamné à plus ou moins long terme, tout simplement parce que c’est un gouffre économique.
Même en société anarchiste, il sera impossible de faire abstraction du nucléaire. Et il est important que le mouvement anarchiste réfléchisse à comment il sera possible de gérer, en accord avec nos principes, ces foutus déchets ; tâche qui va durer quelques milliers, pour ne pas dire millions d’années… Nos enfants ne sont pas prêts d’oublier le capitalisme !

Guillaume, groupe La Lune noire de la Fédération anarchiste



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


Cédric

le 8 avril 2012
>Comme chacun devrait le savoir, il n’y a pas de dose
>radioactive inoffensive…

Est ce qu'il serait possible d'arrêter d'écrire des anneries dans le monde libertaire, quand la désinformation viens des arnarchistes, ca me gongle profondément!

Bien sur que si il y'a des doses de radioactivité inoffensive, tout sur terre est radioactif, l'auteur de cet article, mon journal du monde libertaire, ... Certain ferait mieux de retourner à l'école plutot que de l'ouvrir!

Bref, merci de ne pas faire passer la lutte anti nucléaire pour une lutte de charlatants!

Fred

le 17 mai 2012
« Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors seulement vous vous apercevrez que l'argent ne se mange pas. »
(Prophétie d'un Amérindien Cree)


Les faits qui se sont créés ne sont pas donc tout à fait dus à la malchance. Poussé par la fièvre d’une compétition économique à partir des années 60, l'Etat Japonais a cherché à assurer coûte que coûte son indépendance énergétique. Le choc pétrolier de 1973 aidant, la course au nucléaire civil à fait devenir le pays 3ème producteur nucléaire au monde, après les Etats-Unis et la France. Les " Ingénieurs " japonais ont donc fait délibérément le choix de bâtir 54 réacteurs nucléaires, malgré le refus et les avertissements de diverses personnalités sur ce choix énergétique dangereux dans l'une des zones les plus sismiques et risquées de la planète.
Allons-nous continuer dans l'aveuglement, la cupidité et la vanité que génèrent les compétitions économiques et qui nous amènent à la situation que nous connaissons aujourd'hui ; ou alors allons-nous plutôt placer l'être humain et la protection de la planète au centre d’actions humanistes et écologiques. Le Japon doit étudier rapidement des politiques énergétiques qui ne dépendent pas de l'énergie nucléaire.
Nous devons assembler toutes les volontés allant dans le sens de la sauvegarde de l'humanité et de la planète, c’est un défi majeur, une question de survie pour nous tous dans cette époque de trouble et de conflits.

Justin Takeo

le 5 décembre 2012
Attention, le programme nucléaire japonais n'a pas démarré après le choc pétrolier de 1973 (qui l'a certes accéléré), mais bien avant. En 1951, le jeune député conservateur Naksone (futur Premier ministre des années 1980) négocie avec le gouvernement américain pour que le Traité de San Francisco (qui rétablit la souveraineté de l'État japonais) ,ne touche pas à la question du nucléaire civil (et…militaire !). Avec l'ex-criminel de guerre Shôriki (futur ministre du nucléaire en 1955, premier directeur du CEA japonais et de l'Agence de la Science et de la Technologie en 1956), et d'autres comme Ishikawa Ichirô, premier patron des patrons, il fait passer la loi sur l'énergie nucléaire en décembre 1955, votée par le parti libéral-démocrate et le parti socialiste (y compris son aile très à gauche). Les travaux nucléaires ont débuté immédiatement après. En fait, d'autres logiques sont à l'œuvre. Pour plus de détails, cf. le numéro 146-147 (2012) de la revue Hérodote.