Le travailleur indépendant, c’est l’avenir...

mis en ligne le 12 avril 2012
1668AccidentsTravailOn le lit dans les journaux, on se dit que ça n’arrive qu’aux autres. Puis ça vous arrive à vous. La sous-traitance.
Non, il ne s’agit ni du Sida ni d’un entraînement au sadomasochisme (section masochistes) dans un commissariat. Non. La sous-traitance est une ruse du patronat, que décrit G. Filoche dans Carnets d’un inspecteur de travail (Ramsay). Prenons mon exemple. Je suis guide pour les touristes, « vacataire » ; mes six dizaines d’employeurs m’engagent avec des CDD très courts, une demi-journée, deux jours, cinq jours. Je reçois une fiche de paie et je jouis des protections dues aux salariés. Enfin, le peu qu’il en reste.
Ces employeurs exigent désormais que je leur présente une facture avec numéro de Siret : en d’autres termes, que les guides se transforment en entrepreneurs, ou fondent des associations-écrans qui facturent l’employeur et octroient une fiche de paie au guide. Du point de vue de l’employeur, le salarié n’a plus de protection puisqu’il devient un fournisseur qu’on peut utiliser (employer) ou ne plus utiliser (licencier). Et, gros bénéfice financier, la taxe professionnelle est calculée sur la masse salariale : moins on a de salariés, moins on paye de taxes.
Du point de vue du salarié, on perd toute protection. Plainte de privilégié petit-bourgeois ? Lisez la suite : Filoche décrit la sous-traitance dans le bâtiment. Les gros – Bouygues, Spie-Batignolles – forcent leurs sous-ordres à créer des entreprises bidon, qui ne survivent qu’avec les commandes de leur ex-employeur, Bouygues ou Spie-Batignolles. Mais le « patron » de 300 ouvriers retourne vite la manœuvre contre ses propres employés, qu’il contraint à créer leurs propres entreprises, offrant de leur prêter de l’argent pour l’achat du matériel et son comptable pour tenir leur comptabilité. « C’est ça ou je fais faillite et alors tu te retrouves sans travail », dit-il à chacun. Filoche décrit le cas réel d’un chantier remporté par un gros, pour 110 000 FF. Sous-traité à une bidon pour 80 000 (30 000 FF de profit. Seul coût : un peu de comptabilité et le temps du commercial). La bidon sous-traite à une bidon une bidon minuscule, un « patron » et son fils, pour 30 000 FF. La bidon minuscule est prévenue la veille, pour le lendemain !
Il faut deux personnes pour exécuter les travaux, le patron n’est pas libre, alors on recrute en vitesse Mohammed. Du point de vue légal, Mohammed est « en période d’essai ». Ben voyons, à 60 ans. Toujours est-il que le fiston et Mohammed arrivent sur le chantier.
« Les travaux doivent durer une “petite journée”. Il est déjà neuf heures. En montant, vite, l’échafaudage, personne n’a le temps de s’assurer de la résistance des murs sur lesquels il devra prendre appui. Personne ne s’interroge sur le croquis de l’entreprise G… où les triangulations sont montées à l’envers et vont tirer l’ensemble vers le bas. Personne ne s’inquiète de ce qu’il n’y a qu’un seul point d’ancrage, les murs en plâtre ne peuvent qu’exploser sous la pression. Tout concourt inexorablement à la catastophe. L’échafaudage s’écroule. Bilan : deux morts : Mohammed, non déclaré, tué sur le coup, et le fils du petit artisan au bord de la faillite. Trois orphelins. »
En pareil cas, fréquent (250 ouvriers du bâtiment meurent sur le champ du profit par an, sur les 750 accidents de travail mortels par an en France), le gros, preneur du premier marché, affirme que ce n’est pas de sa faute, que le marché passé avec bidon n° 1 comportait l’exigence du respect des règles de l’art. Bidon n° 1 agit de même avec bidon minuscule. « Il faudrait que la notion de coresponsabilité, qui existe en droit dans ces cas-là, soit remplacée par une responsabilité automatique et complète des donneurs d’ordres. Quand des marchés sont passés à des sous-traitants, c’est au donneur d’ordres de s’assurer de ce qui se passe sous ses ordres, y compris les conditions d’hygiène et de sécurité, les déclarations préalables à l’embauche. C’est trop facile de prendre un marché, d’encaisser une grosse marge et de refiler le respect de la sécurité et des droits sociaux à celui qui n’a pas d’autre choix que de vendre à bas prix. »
Ce sont les patrons qui ont le plus pris au sérieux le slogan « l’imagination au pouvoir ».



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


berru

le 16 avril 2012
ce système de sous-traitance fonctionne exactement pareil pour les "chantiers" informatiques, lorsqu'ils ne sont pas sous-traités en Indes!
jusqu'au début des années 2000 j'etais libre, vraiment. Après petit à petit je me suis fait "enfermer" dans la sous-traitance, pour rapidement faire faillite en 2004 et finir en faisant des petits boulots dont du gardiennage!
Alors quand je vois des jeunes développeurs ou chef de projet se lancer dans cette galère !!!!!!!!!!!!

draco

le 18 avril 2012
sachez quand même que les tribunaux prud'homme traitent de plus en plus de demande de requalification en CDI temps plein sans période d'essai, les sous entreprises créées de force notamment en auto entreprise.
Il y a quelques donneurs d'ordres qui s'en sont bien mordus les godasses (et accessoirement bien plombé le portefeuille...).

c'est pas bizance, mais c'est déjà une "légère" protection