Les Ibères déclarent la guerre à l’austérité

mis en ligne le 26 septembre 2012
1682JhanoSamedi 15 septembre, environ 85 000 personnes, venues de toutes les régions du pays, ont défilé dans Madrid pour dénoncer les politiques d’austérité du gouvernement, au cri de « Ils veulent ruiner le pays, il faut les empêcher ! ». Il s’agit de la deuxième grande mobilisation nationale après celle, déjà monstre, du 19 juillet dernier. Idem au Portugal où, à l’appel de la Confédération générale du travail portugaise (CGTP), plus de 100 000 personnes ont battu le pavé des rues de Lisbonne en scandant « Que la troïka aille au diable ! » et « Stop au terrorisme social ! ». Des dizaines de tomates ont également été balancées sur les bureaux du Fonds monétaire international (FMI), l’un des responsables de la situation dramatique dans laquelle se trouvent les deux pays.
Car la situation est bel et bien dramatique. En Espagne, le gouvernement conservateur du Premier ministre, Mariano Rajoy, a annoncé une série de mesures visant à économiser 102 milliards d’euros d’ici à 2014 pour ramener le déficit public à 2,8 % du PIB (il est actuellement à 8,9 %) et, ainsi, éviter un plan de sauvetage global. Or, à nouveau, ces économies drastiques touchent essentiellement les travailleurs et les plus démunis : baisse des salaires des fonctionnaires et suppression de certaines primes (notamment celle de Noël), augmentation des impôts, coupes sévères dans les budgets du service public (et principalement la santé et l’éducation), baisse des allocations chômage et hausse de la TVA. Autrement dit, on attaque les salaires, la consommation et les biens communs (et pas n’importe lesquels). Mais, en revanche, on laisse les banques tranquilles, voire on les renfloue avec les deniers publics, histoire d’éviter la dégringolade d’un système incohérent, absurde et cynique.
Au Portugal, c’est la même merde. Suite au plan de sauvetage de 78 milliards d’euros piloté par le FMI, l’Union européenne et la Banque centrale européenne, le Premier ministre, Pedro Passos Coelho, entend, lui aussi, faire peser le poids de la crise sur les épaules des pauvres et des précaires. Récemment, il a annoncé une hausse de 11 à 18 % des cotisations salariales (ce qui, d’après un expert consulté par Le Monde, équivaudrait à la perte d’un mois de salaire), une augmentation significative des impôts et de la TVA et a commencé à baisser les salaires des fonctionnaires. Ajoutées à un taux de chômage qui vient de franchir la barre des 15 %, ces mesures profondément antisociales témoignent à nouveau d’une seule chose : ce sont les travailleurs, les chômeurs et les retraités qui paient la restructuration du capitalisme en crise.
Les manifestations espagnole et portugaise du 15 septembre annoncent, du moins espérons-le, des mouvements sociaux d’ampleur dans la péninsule Ibérique. Si tel est le cas, tâchons de faire de même en France où la situation, si elle semble moins tendue au premier abord, est loin d’être idyllique pour autant. Car, à terme, c’est aux mêmes politiques de rigueur que nous devrons faire face ; le président « socialiste » fraîchement élu l’a d’ailleurs confirmé quand, le 9 septembre, il déclarait que les Français « devront faire l’effort le plus important depuis trente ans ». Pourtant, malgré ces promesses de sombres lendemains, le mouvement social français semble complètement atone. Au niveau confédéral, la CGT, empêtrée dans ses querelles bureaucratiques, semble se soucier davantage du choix de son nouveau secrétaire que de la situation sociale. Quant à la CFDT, elle est trop occupée à flirter avec le gouvernement dans l’espoir d’en être le principal interlocuteur pour tout ce qui touche au monde du travail. Elle a même tout récemment osé juger « nécessaire » le traité budgétaire européen, porteur des politiques d’austérité qu’il entend imposer et inscrire dans le marbre.
Une fois de plus, donc, le changement semble ne pouvoir venir que de la base. Mais celle-ci, dont nous faisons partie, ne doit pas pour autant être mythifiée. Elle n’est que ce que nous saurons en faire, et les derniers mouvements sociaux (celui des retraites en tête) ont largement montré que, dans sa majorité, la base syndicale ne chérit pas tant que ça la radicalité. Alors cessons les discours simplistes sur les trahisons syndicales : à nous, anarcho-syndicalistes et syndicalistes révolutionnaires, de nous retrousser les manches et d’agir dans nos lieux de travail, dans nos syndicats et dans nos unions locales et départementales pour construire un véritable front de classe, un mouvement social solide et radical, à défaut d’être immédiatement révolutionnaire. Car, en attendant le Grand Soir, on a un traité à anéantir. Pas dans les urnes d’un éventuel référendum (bien que cela puisse aussi se discuter), mais dans la rue et dans nos boîtes.

Johnny Caramelo, groupe Salvador-Segui de la Fédération anarchiste