Allumettes suédoises

mis en ligne le 6 juin 2013
Le modèle suédois brûle-t-il ? En tous les cas, les voitures qui crament là-bas font mauvais genre dans le paysage idéologique européen. Les faiseurs d’opinions, idéologues assermentés, ceux qui peaufinent les arguments qui nous sont servis à longueur de journées par les politiciens et les journalistes, oublieront peut-être de nous citer désormais leur référence. Car, depuis des années, c’est la Suède qui nous est présentée comme la voie à suivre, dans le domaine des retraites. Au final, c’est pourtant notre système de retraites qui risque de ressembler à une carcasse calcinée…
La Commission européenne vient de « recommander à la France » , « d’adapter les règles d’indexation, les âges minimum et de taux plein, la période de contribution et les régimes spéciaux, mais en évitant d’augmenter les contributions des employeurs aux régimes de retraite ».
1°) Pourtant, depuis la fin des années soixante-dix, les taux de cotisation sont gelés.
2°) Jusqu’en 1986, les pensions étaient indexées sur les salaires. De 1970 à 1985, l’évolution annuelle moyenne des pensions était supérieure de 3 % à l’inflation. Grand changement à partir de 1987 : les coefficients de revalorisation des pensions sont fixés par référence à l’évolution des prix à la consommation. Dans un premier temps, de 1987 à 2003, les courbes seront quasi identiques (environ 1,5 %), mais déjà les retraités y ont perdu. Sur 20 ans, les retraités auront des pensions réduites de plus de 20 % !
3°) En mars 2013, les « syndicats représentatifs » ont signé avec le Medef un accord : Grande victoire ! Le Medef a accepté une hausse des cotisations… qui financent les régimes complémentaires de 0,1 point. Mais (cherchez l’erreur !) il a obtenu que pour les retraités du privé les pensions soient revalorisé de1 point de moins que l’inflation ! On serre d’un cran supplémentaire. Comme en Suède, l’indexation (à la baisse) permet d’ajuster « l’équilibre financier ». Pilliard (un i de trop, représentant du Medef, l’avait dit en mars 2013 : « La désindexation des pensions est indispensable. »
4°) Que veut le patronat ? « Un transfert massif des cotisations patronales vers une assiette fiscale ». Quand on compare les budgets de la Sécu de 1991 et 2010, on constate que les cotisations sociales sont passées de 86,8 % à 66 %. Le financement par l’impôt et les taxes est passé lui de 54,9 % à 29 %. Pensons à la contribution sociale généralisée (merci Rocard !). C’est la traduction du « Détaxons le travail » ou « Les charges nous accablent ».Mais ce que les patrons ne payent plus, ce sont les contribuables qui le payent. Pour rappel, la TVA en constitue l’essentiel. Les petits ruisseaux font les grandes rivières.
5°) Et si, à force de réduire les pensions par tous les moyen possibles, jouant sur la peur de l’avenir et le calcul individuel, ils pouvaient récupérer une part d’épargne ? L’Union européenne promeut le modèle des 3 piliers : le premier, c’est le régime de base public, alimenté par les cotisations sociales… ou les impôts (comme vu précédemment). Le deuxième pilier, un régime professionnel en capitalisation. Le troisième, une épargne retraite individuelle. En France, le premier pilier, c’est 97 % des pensions. Mais on mesure ce que le schéma des 3 piliers annonce : si, à force de diminuer les pensions (on est passé de 84 % du salaire en moyenne pour la génération qui a pris sa retraite juste avant la réforme Balladur de 1993 à moins de 66 % !), on pouvait inciter les gens à placer leur argent par « prévoyance », l’État se chargeant d’une simple pension de base et le travailleur étant dépendant de sa branche, de son secteur, avec toutes les différences, divisions que cela peut entraîner : « T’as pas les mêmes avantages que moi, donc chacun pour sa pomme. » Mais aussi plus de dépendance vis-à-vis de son patron, et plus de risques. On se souvient d’entreprises américaines qui avaient perdu les retraites de leurs ouvriers en Bourse ! Quant aux assureurs, aux mutuelles, aux complémentaires, tous sont prêts à nous offrir leurs services…
Toutefois, résumer cette politique de réforme des retraites à un : « ils nous diminuent nos retraites pour se faire plus de fric » serait un bon moyen de passer à côté de l’essentiel. (à suivre).