L’école, une priorité ?

mis en ligne le 6 février 2014
Il faudra donc s’y faire, le discours politique dominant marche à coups d’annonces non suivies d’effets, un peu comme une pensée magique qui ferait que le réel soit modifié par la force de la parole : « Le chômage va baisser en 2013. » Sarkozy nous avait déjà habitués à ce genre de procédé.
En matière d’éducation, c’est encore plus flagrant. Vincent Peillon a de nouveau annoncé son plan de « refondation de l’éducation prioritaire ».

C’est quoi l’éducation prioritaire ?
L’éducation prioritaire a plusieurs fois changé de nom et de statut. À chaque fois, les zones se sont réduites ou ont été redessinées afin de faire des économies de moyens.
L’éducation prioritaire, ce sont, normalement, des moyens supplémentaires attribués en termes de postes, des aménagements en termes d’effectifs de classe, des personnels supplémentaires. Je dis bien normalement car, dans les faits, on se rend compte que les zones d’éducation prioritaire sont moins dotées en postes que les zones privilégiées. Par exemple, sur Paris, il y a plus de profs et/ou de remplaçants qu’en Seine-Saint-Denis. Les quartiers bourgeois bénéficient en plus d’infrastructures et de propositions culturelles de qualité.
L’éducation prioritaire est sans cesse critiquée pour ses faibles résultats. Elle ne réglerait pas les inégalités sociales et territoriales, comme si un système scolaire foncièrement inégalitaire pouvait apporter des réponses égalitaires (les budgets alloués aux écoles par les mairies varient du tout ou tout) et comme si l’école pouvait/devait régler les problèmes sociaux, qui ne font que s’aggraver en raison des effets de la « crise économique ».
En fait de critique, il s’agit surtout de baisser les taux d’encadrement et de faire des économies de personnels.

1731ecoleLa base du fondement de la refondation
Vincent Peillon a annoncé ses mesures : requalification des zones d’éducation prioritaire en zones super-prioritaires (REP +), qui se traduit dans les faits par une diminution des ZEP à une centaine. Celles-ci bénéficieraient de moyens supplémentaires à la rentrée prochaine. Les autres zones attendront la rentrée suivante (2015). Ce genre de discours n’est pas sans nous rappeler les propos de Sarkozy : moins de fonctionnaires mais mieux payés. On attend toujours les hausses de salaires alors que les postes ont bel et bien disparu. On peut donc craindre la même chose pour les zones d’éducation prioritaire.
Dans les moyens supplémentaires attribués par le plan Peillon, il y aura le recrutement d’agents de prévention et de sécurité. Bref, on ajoute des « flics ».
En termes de « refondation », le ministre annonce un accompagnement jusqu’à 16 h 30 pour les élèves de 6e – comme si cela n’existait pas –, la scolarisation des enfants de moins de 3 ans dans les zones difficiles – comme cela existait avant le travail de casse sarkozien – et la mesure « plus de maîtres que de classes » qui existe déjà en termes d’enseignants sur des postes d’animation soutien, qui seront redéployés dans ce nouveau dispositif. Un effort sera aussi fait pour accueillir les parents le matin, comme si les enseignants et enseignantes ne le faisaient pas. Bref, on refait la même chose mais on change de nom.
Notons cependant quelques points positifs qui visent à stabiliser les équipes éducatives en apportant quelques bonifications supplémentaires. On regrettera que ces mesures ne soient pas appliquées à l’ensemble des enseignants et enseignantes qui ont souffert et souffrent encore des restrictions budgétaires et du blocage des salaires.
Le problème de l’éducation prioritaire, c’est d’avoir à gérer des situations sociales de plus en plus fragilisées. Et, au lieu de promouvoir « l’excellence pour tous », le ministre reste sur une logique de méritocratie. Les enfants des quartiers populaires défavorisés doivent faire la preuve de leur volonté de s’en sortir. Ils et elles pourront alors peut-être rejoindre les dispositifs en trompe-l’œil qui servent à cacher les inégalités criantes dont sont victimes ces secteurs et leurs populations.
Il faudra donc s’y faire, le discours politique dominant marche à coups d’annonces qui sont autant de contre-vérités, des mensonges, où il faut entendre le strict contraire de ce qui est dit : « L’éducation est notre priorité. »
À celles et ceux pour qui les mots et les actes ont encore une valeur, il s’agit de reprendre l’offensive dans les espaces éducatifs où nous sommes d’ores et déjà investis, voire d’en inventer de nouveaux.


Fred
Groupe Pierre-Joseph-Proudhon de la Fédération anarchiste