Libres nourritures


Le 26 avril, c’est la fête des librairies indépendantes. Il est offert aux clients une rose. Magnifique ! Mais les roses et autres fleurs coupées proviennent d’une culture très contestable, autant que lointaine. Culture industrielle de la rose par ailleurs en contradiction avec la valeur atemporelle et universelle qu’elle représente (esthétique, mythologique, poétique, etc.).

Depuis deux ans en Bretagne, la coopérative Graines de liberté avec des librairies indépendantes développe une approche alternative. Cette année, il sera offert un sachet de graines d’agastaches mentholées produites localement accompagné d’un livret pour défendre la diversité ; Diversité des semences au premier chef, mais aussi diversité des mots et des langues, diversités des peuples et des êtres, en un temps où cette diversité est niée, que ce soit par la privatisation et l’artificialisation des semences ou par la concentration du secteur de l’édition.

Il en est des livres comme des graines
A la coopérative culturelle autogérée La Ferme Intention, bien que n’étant pas une librairie indépendante (puisque nous n’avons pas de salariés), nous avons décidé de participer à cette initiative.
Les semences sont soumises à un registre obligatoire qui garantit leur homogénéité et leur pureté (caractéristiques d’un monde sclérosé). Les techniques génétiques sont incorporées dans le vivant, avant tout pour garantir l’origine (et donc la propriété) des semences. C’est à dire empêcher les échanges de graines sans que l’« inventeur » touche sa thune. Cette mainmise sur les semences a pour conséquence l’asservissement des paysans (autrefois hommes libres), et par effet de domino de la population dans son ensemble, à de puissants conglomérats opaques (pour ne pas dire mafieux).

Aujourd’hui, en France, Bolloré fait office de diable en rachetant Hachette qu’il va utiliser pour diffuser ses idées. Depuis longtemps, très longtemps voire depuis toujours, les décideurs de l’ordre établi tentent de tenir sous leurs bottes poètes, musiciens, comédiens, artistes et intellectuels, parce que justement le livre et plus largement la culture sert à diffuser les idées. La réelle crainte devrait plutôt venir de la concentration étouffante du monde du livre entre quelques mains, et bien que certaines semblent bienveillantes, aucune n’est prêtes à envisager un autre monde que capitaliste assurant leurs privilèges, leur puissance et leur position de domination.

Espadrilles vertes à clous
Certains libraires décident de boycotter Hachette sous prétexte de bruits de bottes mais pourquoi, un exemple parmi tant d’autres, se passer des livres d’Inès Léraud (Algues vertes et Champs de bataille) distribués par Hachette…
Si les libraires veulent sortir de la servitude que leur impose les trusts du livre, il faut avant tout qu’ils réfléchissent à leur liberté et à comment se battre pour la construire et la garder, comment ne pas subir les bottes tout comme les futures espadrilles vertes coquées et à clous.

Comme pour les paysans, il s’agit de défaire le nœud coulant de la distribution des semences-pensées. Il s’agit de penser de nouvelles façons de transmettre les cultures.

A la Ferme Intention, nous sommes anarchistes. Nous mettons en pratique nos idées. Autogestion libertaire : pas d’actionnaire, pas de salarié, pas de spécialiste, pas de profit, tout livre, disque, film ou graine présente dans le lieu en achat ferme (donc sans possibilité de retour au producteur). Localement, nous sommes un service public pour le public par le public. Nous sommes anti capitalistes, nous nous devons d’imaginer et réaliser un autre monde où toute personne aura le soleil à sa table tous les jours.


Les cultures sont les ferments des mondes de demain. Qu’ils soient à l’image de nos idéaux : émancipateurs, de liberté.

La Ferme Intention