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par Ilios Chailly le 18 mars 2018

Les sales draps de Louis Ferdinand Céline

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Article extrait du « Monde libertaire » n° 1791 de janvier 2018

Le vendredi 20 octobre 2017 a eu lieu à la librairie Publico une rencontre-débat autour du livre Voyage au bout de l’abject (1), en présence de l’auteur, Patrick Lepetit, et du préfacier, Jehan Van Langhenhoven. Ilios Chailly a assisté au débat qui a suivi la présentation de l’ouvrage.
Voici sa réaction :


Toute personne qui se distingue par l’expression d’une prétendue supériorité de race, de croyance, d’esprit, de point de vue ou encore de sexe, pour moi, est un con. Et un con est con, quel que soient sa nationalité, sa couleur de peau, son éducation, son rang social, son charisme, son talent littéraire, ses opinions ou encore le contexte historique dans lequel il justifie et bâtit sa connerie… Si je recommande chaudement Voyage au bout de l’abject de Patrick Lepetit, c’est que cet ouvrage ne laisse aucune zone d’ombre sur les obsessions racistes qui tracassaient le romancier Louis Ferdinand Céline. Et crachons-en du Céline, afin que ceux qui ignorent où minimisent ses propos le sachent : « La femme est une traîtresse – chienne née… autant que le Juif est l’escroc né. » (Bagatelles, 89.) « Les Juifs, racialement, sont des monstres, des hybrides loupés, tiraillés, qui doivent disparaître (…) Le Juif n’a jamais été persécuté par les Aryens. Il s’est persécuté lui-même. Il est damné de sa propre substance, des tiraillements de sa viande d’hybride. » (École, 108.) « Le Juif est un nègre, la race sémite n’existe pas, c’est une invention de franc-maçon, le Juif n’est que le croisement de nègres et de barbares asiates. » (Bagatelles, 192), etc.

Libre à chacun de se faire sa propre opinion, mais comme Patrick Lepetit, je ne perçois pas dans ce discours haineux un registre « extraordinairement comique » ou encore, « une diarrhée verbale provocatrice contre toute forme de bien-pensance ». Les propos vipérins de Céline sont trop obsessionnels, trop ciblés, trop répétitifs pour les inscrire dans une lignée d’un homme à style et non d’un homme à idée. L’insistance avec laquelle Céline (fils de raciste avéré) s’exprime, ne révèle pas un esprit d’homme libre et sensible qui progresse en remettant constamment en cause ces certitudes. « La présence des Allemand les vexe ? Et la présence des Juifs alors ? (...) Plus de Juifs que jamais en Sorbonne, plus de Juifs que jamais en Médecine, plus de Juifs que jamais au Théâtre, à l’Opéra, au Français, dans l’industrie, dans les Banques. » (Beaux Draps, 45.)

Louis Ferdinand Céline n’est pas une personnalité « hors du système » ! Le travail bien documenté de Patrick Lepetit l’illustre. Ce ne sont pas que des mots que nous reprochons aujourd’hui à Céline, mais aussi des actes. Agent actif de l’Allemagne nazie, proche de certains milieux collaborationnistes pendant l’Occupation, Céline était tout autre chose qu’un novateur littéraire. « Moi je voudrais bien faire une alliance avec Hitler. Pourquoi pas ? Il a rien dit contre les Bretons, contre les Flamands… Rien du tout… Il a dit seulement sur les Juifs… il les aime pas les Juifs… Moi non plus… Je n’aime pas les nègres hors de chez eux… C’est tout. » (Bagatelles, 317).

Faut-il interdire les pamphlets ségrégationnistes de Céline ? Laissons aux esprits « petits soldats », l’ignoble étroitesse de se battre uniquement par interdiction, oppression ou encore par prise de pouvoir. Défendons jusqu’au bout nos principes de liberté et de tolérance ! Ne tombons pas dans leur piège. Ne devenons pas comme eux : moroses d’esprit, intransigeants et sans nuances. Pourquoi interdire ? Pour les faire passer pour des victimes, des incompris et des persécutés ? Pour redonner vie à des écrits qui auraient naturellement moisis dans de vieilles bibliothèques oubliées ? Démasquons-le, ce Céline ! Publions-là sa « bagatelle » ! Nous verrons après s’il pourra toujours se réfugier derrière un flou qui sert sa réputation littéraire et gommer le raciste qu’il est. Exposons-le, non pour minimiser ses écrits, mais pour en finir enfin, avec ce crétinisme des « génies littéraires ». Si la notoriété de Céline conforte, encourage ou sert les cons à s’en servir comme étendard dans leur combat raciste, ce n’est pas à cause d’une « bagatelle », mais de ces absurdes et illusoires reconnaissances dont certains se servent pour assoir leurs idées et ambitions personnelles. Bien sûr qu’il y a des écritures qui touchent, marquent, interpellent, révoltent, bouleversent où révulsent. Mais, qu’on en finisse enfin avec ces hommages. La question n’est pas de savoir s’il faut apposer ou non le nom de Céline sur de stupides plaquettes de reconnaissances nationales, mais pourquoi de telles plaquettes existent.





Séparons la forme du fond ! Si Aragon appréciait le « style célinien », c’était son droit. Des goûts et des couleurs, on ne discute pas ! Que les admirateurs de Wagner se rassurent, ici nous ne les traiterons pas de fachos. Aragon se reconnaît dans l’idéologie de Voyage au bout de la nuit, mais l’avait-il comprise ? « En effet, il y a un malentendu Céline, dès le départ, dès que la gauche et l’extrême gauche commencent à le porter aux nues…» Patrick Lepetit qui connaît intimement l’œuvre de Céline décèle dès ses premiers écrits « des idées certainement subversives dans leur lucidité et leur humanisme ». Mais, revenons à nos moutons. Toute idéologie qui vise à déshumaniser l’humain, ne s’interdit pas mais se combat ! Toute insuffisance intellectuelle, sentimentale et vitale de rendre les choses plus belles ne s’interdit pas mais se renverse ! Ne nous laissons pas contaminer par la grise vision des choses de pauvres types comme Céline. Punissons-les par plus de générosité, plus de tolérance et plus de goût pour la vie. La meilleure arme dont nous disposons dans cette guerre aux cons, c’est notre ouverture d’esprit. Restons fidèles à nos principes d’humanité et de liberté absolue. Ignorons-la, la connerie des cons. Et quand un jour nous serons des millions à être un peu moins cons, j’espère que, sans aucun effort, cette immense tour en carton appelée « système », s’effondrera.

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PAR : Ilios Chailly
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