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Chroniques du temps réel

par Julien Caldironi • le 26 avril 2025
Que vive le 1er mai !
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Chaque année, c’est la même rengaine, le patronat déploie ses zélotes zélés dans les colonnes des journaux et sur les plateaux télé pour chouiner à propos du 1er mai férié et chômé. Une journée de travail en moins des larbins, pour les actionnaires, c’est difficile à avaler…
L’histoire de cette journée particulière qu’est le 1er mai, est riche et complexe. Tentons de la résumer à traits très grossiers. Celles et ceux qui veulent en savoir plus pourront prospecter sur les Internets, les sites militants abondent et l’historiographie de ce jour spécifique est plus que conséquente.
S’il existe des fêtes du Travail dès la fin du XVIIIe siècle, c’est principalement aux États-Unis, sous l’influence des anarchistes, que les premiers 1er mai comme jours de grève sont organisés au début des années 1880, afin, notamment de lutter dans un but révolutionnaire, pour les révolutionnaires, et pour imposer la journée de huit heures pour les plus réformistes, même si, au sein des syndicats, les tendances cohabitent et se mêlent. Un avant-goût de la double besogne chère à Émile Pouget. En 1886, après que trois manifestants aient été assassinés par la police le 1er mai lors d’une mobilisation, des anarchistes et syndicalistes états-uniens orchestrent une marche de protestation. Un agitateur à la solde des keufs balance une bombe dans les rangs des pandores, un affrontement s’en suit, meurtrier. Les martyrs de Haymarket Square, ces cinq syndicalistes libertaires accusés à tort d’avoir lancé l’explosif sont condamnés à mort pour l’exemple et exécutés pour quatre d’entre eux, le cinquième s’étant suicidé. Leur assassinat légal forme dramatiquement une caisse de résonance pour cette journée qu’est le 1er mai, qui s’internationalise dès lors chaque année un peu plus. En France, les mouvements anarchistes se saisissent de la date pour en faire une journée de lutte et de grève. Mais ils se voient peu à peu dépossédés de ce jour quand les mots d’ordre des autres formations progressistes, notamment les socialistes de Jules Guesde éloignent cette journée des projets de grève générale expropriatrice. L’idée étant pour eux d’en faire une journée de revendications (pour les 8 h de travail par jour). Par conséquent, un certain nombre de libertaires considérant ce rendez-vous calendaire perdu pour la lutte alors qu’elle s’officialise la boudent, mais l’internationalisation bat son plein et continue sans eux. D’ailleurs, nombre d’anarchistes à l’époque hésitent à participer ou pas à ce jour de grève et en débattent dans leurs journaux.
N’empêche, chaque année, à cette date, l’armée campe sur les places pour empêcher les travailleurs de s’y rassembler et les tensions sont vives. Des tracts fleurissent sur les murs, les publicistes fourbissent leurs plumes et livrent des articles enflammés... Des cortèges se forment et font face à l’armée un peu partout... En 1891, c’est le drame de Fourmies, les soldats tirent sur les manifestants, assassinant dix personnes (le dixième, souvent oublié, décède par la suite) et 35 blessés, en moins d’une minute. Parmi les morts, deux enfants de 11 et 14 ans. Le plus vieux a trente ans... Et ce seront des ouvriers qui seront condamnés par la justice bourgeoise. En 1920, la Russie bolchévique déclare ce jour chômé et le 1er mai devient la fête légale des travailleurs. En France, cette année-là, le jour est chômé sans être une fête officielle.
Après avoir été récupéré par les socialos, le 1er mai subit un nouvel affront, et de taille, quand Pétain en fait le jour de "la fête du travail et de la concorde sociale" en 1941. Une appellation de "fête du Travail" encore usitée aujourd’hui, notamment par Macron et Meloni (coïncidence ? Je ne crois pas), et bon nombre de journaleux laquais du pouvoir. Ce jour est désormais chômé et payé. Le 1er mai n’est plus une journée de lutte, on lui a limé les dents. D’ailleurs, après-guerre, l’État interdit les défilés pendant les guerres d’Indochine et d’Algérie et il faut attendre 1968 pour revoir les promenades syndicales dans les rues.
La dégradation continue de nos jours…
Depuis les années 90, les fachos du FN ont tenté de récupérer le mouvement avec leur fête de Jeanne d’Arc, Sarkozy a essayé sa fête du "vrai travail" en 2012 et en 2019, Macron y est allé de ses vœux de bonne fête du 1er mai à "ceux qui aiment le travail". La droite réactionnaire lave plus blanc que blanc le muguet, qui a (définitivement ?) remplacé l’églantine, bien trop rouge pour notre belle république libérale... On nous bassine avec le droit de vote pour lequel des gens sont morts par dizaines, mais quand on en vient à parler du premier mai, du droit de grève, du droit de se syndiquer ; les morts pour ces causes, très nombreux, sont, eux, oubliés. Étrange, mais si logique amnésie d’un pouvoir bourgeois qui s’accommode aisément des élections, mais moins des luttes sociales.
On le voit, les tentatives de récupération de cette journée de lutte ont été multiples et ce dès le début - ou presque - des premiers mai mobilisateurs. Et de fait, ce qui était une journée de combat, qui faisait frissonner les classes dominantes dans l’expectative d’avoir à rendre des comptes, est devenue un pâle rituel de marche en rang autour de badauds indifférents, rythmée par de tristes sonos, avec quelques sursauts politiques quand l’actualité vient pimenter le défilé dans les contextes successifs de contre-réformes que nous connaissons. Les flics aussi pimentent alors les pauvres manifestants à l’aide d’armes de guerre condamnées par l’ONU...
Un jour capital qui déplaît aux capitalistes
Néanmoins, même récupérée, même anesthésiée, cette journée a son importance, elle mobilise les travailleurs, médiatise des luttes sociales, permet aux militants de se croiser, d’échanger, de se rassembler... Et ce, un jour par an, qui en compte 364 autres pour engraisser les patrons.
Cependant, désormais, comme un peu partout dans le monde, les politiques en tous genres ne s’embarrassent même plus de symbolique qu’il conviendrait de pervertir à des fins récupératoires... Ils interrogent tout de go, toujours avec le soutien de médias complaisants et visiblement amnésiques, l’existence même de ce jour de mobilisation, dans une stratégie marronnière qui revient chaque année, véritable travail de sape. Cette fois, c’est avec les boulangeries que le "débat" est posé. Nos libéraux attachés à la sacro-sainte liberté [du travail, évidemment, pas des travailleurs] se demandent, inquiets, comment les Français pourraient se priver de baguette un jour par an... La famine ne guetterait-elle pas nos compatriotes ? Auraient-ils oublié, ces bons bourgeois que leur Jésus lui-même répondait à Satan (peut-être déjà préoccupé par le jour chômé des boulangers ?) : "ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra".
Chaque année, c’est l’occasion pour la bourgeoisie capitaliste, d’ébrécher ce seul et unique jour dédié à autre chose qu’à Jésus, sa mère, sa naissance, sa mort, sa renaissance et ses saintes turpitudes ou aux souvenances guerrières et autres défilés de l’école du crime. Les ouvertures commerciales se multiplient, les infractions à la législation tout autant... Présentées médiatiquement comme des actes de résistance à une oppression insoutenable au droit au travail (et non au droit DU travail). Pensez-vous, ils sont volontaires, ces « collaborateurs » ! Pourquoi les empêcher d’avoir un peu plus d’argent ? Qu’ils sont cruels et rétrogrades, ces syndicalistes qui cherchent à couler la France ! Ils certes sont volontaires, ces travailleurs, pour certains, quand leur volontariat ne leur est pas imposé. Ils le sont oui, comme le sont tous les gens dont les salaires sont pourris et qui galèrent à finir le mois dès le 12. Ce n’est pas pour autant une raison pour effacer ce jour-là du calendrier. Au lieu de lâcher les miettes d’un jour férié travaillé, il faudrait déjà augmenter les salaires !
Alors oui, on peut se passer de pain une journée, si ça permet aux travailleurs salariés de ne pas aller bosser ce jour-là pour se consacrer à militer ou même à passer une grasse matinée en famille. Évidemment, certaines professions relatives à l’urgence (sauvetage, soins, social) ne peuvent pas s’arrêter ce jour-là. Les pourvoyeurs de croissants et de baguette, si.
Merde aux chantres du travail des autres !
Julien Caldironi, individuel FA 49
PAR : Julien Caldironi
individuel FA 49
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