Procès-comédie pour une récup’
mis en ligne le 2 février 2012

On aura rarement vu spectacle aussi grotesque au tribunal – et pourtant, fichtre, on a l’habitude. Pas moins d’une heure et quart à discuter autour du fait que deux personnes se soient servi dans une poubelle pour récupérer des produits alimentaires périmés ! Le tout transformé en « vol en réunion avec effraction et ruse » – prière de ne pas rire (ça ne plaît pas trop au juge).
On comprend mieux le pourquoi d’un tel acharnement à l’écoute du réquisitoire de la procureure : n’ayant aucune preuve sous la main – puisqu’il n’y a rien dans ce dossier – les trois quarts de ses propos ont tourné autour du fait que ces deux personnes soient des militants. Elle a ainsi parlé un bon moment du tract pour l’occasion. À aucun moment la preuve d’un vol n’est établie, on fait donc avec ce qu’on peut : la proc parle du casier militant des deux personnes, leur reproche de n’avoir rien dit en garde à vue, etc.
On culmine dans le cocasse à l’écoute de la peine finalement requise : huit mois de prison, dont deux fermes, pour chaque prévenu ! Prière de ne pas s’esclaffer ni d’applaudir cette prestation : le juge rouspète à ce qu’il nomme une manifestation d’un « fan-club » et menace d’interrompre la séance si ça se reproduit encore.
L’avocate des deux inculpées prend la parole. Elle trouve « extraordinaire » le fait qu’on leur reproche d’exercer leur droit au silence en garde à vue, qu’on parle de militantisme pour cet acte si cruellement banal, pour ces deux personnes qui survivent avec peu de ressources, comme pour tant d’autres. Elle démontre ensuite que le « vol » n’est constitué ni matériellement ni moralement, et encore moins « l’effraction » dont on ne trouve aucune trace. Que même s’il y avait eu entrée dans le local, cela ne pourrait pas constituer une infraction puisque la jurisprudence considère que la nourriture périmée abandonnée dans une poubelle n’est ni une « propriété » ni une « marchandise », et cite à l’appui une décision de justice de 2002 où quelqu’un avait été relaxé pour les mêmes faits (commis, qui plus est, à l’intérieur d’un magasin). Qu’il n’y a d’ailleurs même pas d’effraction du local, mais que la nourriture récupérée l’a été dans les poubelles… sorties du local pour l’occasion et déposées sur le parking public, à destination des éboueurs. L’avocate raille ensuite l’accusation de vol « avec ruse », vocable juridique complètement inadéquat puisqu’aucun « subterfuge » n’a été utilisé.
Après un quart d’heure de délibération, le tribunal rend un verdict d’évidence : relaxe.
Néanmoins, chaque inculpé devra tout de même s’acquitter d’une amende de 100 euros pour refus de prélèvement ADN ; alors même que le délit n’a pas été constitué. Mais de ça aussi, hélas, on a l’habitude.
Juanito, groupe Pavillon noir de la Fédération anarchiste
COMMENTAIRES ARCHIVÉS
julien bézy
le 3 février 2012
Il faut faire revivre le droit de glanage même urbain. Il est inadmissible que l'on empêche les gens de récupérer dans les poubelles alors que la marchandise n'appartient à plus personne.
habibmouhaha
le 9 février 2012
Ce qui est inadmissible c'est qu'au XXI ème siècle en france des hommes aient besoin d'aller fouiller les poubelles pour se nourir. voila monsieur ce qui est inadmissible.