Trois partenaires historiques au sein de l’État : droites parlementaires et extrêmes, patronat et Église

mis en ligne le 26 mai 2011
Il y a des raisons très logiques à ces alliances, qui datent en particulier de la Révolution inachevée, détournée, de 1789. D’une part, la bourgeoisie pré-industrielle, forte du maintien de son droit à la propriété, a pu se développer tout au long des XVIIIe et XIXe siècles, se fortifier malgré les sursauts et les révoltes du mouvement ouvrier arrachant de temps en temps quelques acquis économiques et sociaux. D’autre part, l’Église, dépossédée dès 1789 de nombre de ses prérogatives, en particulier sur l’éducation, s’est vu, en décembre 1905 (loi de séparation des Églises et de l’État), reléguée à la sphère privée, même si cette loi relève d’un compromis historique censé maintenir la paix civile.
L’une et l’autre n’auront de cesse de grignoter les conquêtes sociales, laïques, soit ouvertement grâce à l’appui des droites ou gauches, de l’extrême droite parlementaire, c’est-à-dire l’État, soit de manière plus souterraine, secrète, par de nombreux clubs, cercles patronaux, organisations sectaires contrôlées par le Vatican, comme l’Opus Dei.
Au final, il s’agit pour le patronat et l’Église d’asseoir deux soumissions nécessaires à leur existence : la soumission temporelle, avec un capitalisme n’en finissant pas de se relever de ses crises en détruisant les avancées sociales, pour son seul profit financier ; et la soumission spirituelle censée légitimer la soumission temporelle, économique, au nom de la propriété privée (de droit divin !) des moyens de production, la charité et l’espérance permettant un mieux-être au Paradis !
Sans un État consentant, jamais ces deux oppresseurs n’auraient pu réussir leur « sainte alliance » ! Le sabre patronal est inséparable du goupillon clérical.
Il est intéressant de revenir en arrière, aux années 1920, pour suivre étape par étape le long cheminement menant à la reconquête.

La période d’avant-guerre : des années 1920 à la Libération
Le patronat, débarrassé grâce à la boucherie de la guerre de 1914-1918 d’une partie importante du mouvement ouvrier, entreprend la construction européenne à partir de l’axe franco-allemand. Il s’agit là d’une Europe censée s’opposer au danger de l’influence du marxisme issue de la Révolution de 1917.
Le mouvement patronal Synarchie date de cette époque. Ses partisans rêvent de remplacer les élus de la République, ce au nom de la compétence technique, transcendant tout clivage politique (des experts à la place d’un modèle démocratique). Financé par le haut patronat, ce mouvement donne naissance à l’Osarn [Organisation secrète d’action révolutionnaire nationale, Ndlr], la fameuse Cagoule, branche armée du patronat, liée à l’Église, qui tentera un coup d’État à l’automne 1937, en plein Front populaire. La proximité patronat/extrême droite apparaît clairement, les cagoulards étant tous issus des groupes extrémistes tels que les Croix de feu, l’Action française, etc. Parmi les personnages importants impliqués : Eugène Deloncle et Eugène Schueller, les fondateurs de l’Oréal, Pierre Michelin, Louis Renault, et la plupart des chefs des « 200 familles » !
L’Église entreprend, quant à elle, l’infiltration de l’instruction publique avec les Davidées [groupuscule ultracatholique, Ndlr], elles aussi liées à l’extrême droite catholique. Cette organisation, sous l’appellation du Comité d’union des catholiques de l’enseignement public, pénètre le système. De l’instituteur de base aux universitaires, un seul objectif : contourner les programmes scolaires en réintroduisant l’étude religieuse, en boycottant les programmes en sciences, en détournant les cours d’histoire afin de montrer les bienfaits de l’Ancien Régime, etc.
Pour bien comprendre cette volonté revancharde de l’Église, il suffit de constater que les responsables de l’Église, dans ces années précédant la Deuxième Guerre mondiale, sont les ex-séminaristes des années 1900 qui n’ont pu stopper alors leur mise à l’écart et s’estiment persécutés par la loi de séparation du 6 décembre 1905.
En soutien à l’emprise de l’Église, dans le champ économique et social, celle-ci pourra compter sur la CFTC, créée en 1919, calquant ses statuts sur la doctrine sociale de l’Église déclinée dans les encycliques sociales papales, dont la première, Rerum Novarum (Des choses nouvelles), publiée en 1891.
À ce titre la CFTC, qui allait devenir en 1964 la CFDT, ne se reconnaîtra jamais partie prenante dans la lutte des classes.
Dans un tel contexte, on comprend mieux pourquoi patronat et Église préférèrent Hitler au Front populaire, et à la Révolution espagnole !
Cette époque est aussi pour l’extrême droite un changement important, elle passe du rêve de retour au royal Ancien Régime à l’adhésion au fascisme européen !
On comprend mieux la facilité avec laquelle le nazisme put s’installer en France : le patronat dressait la table et l’Église proposait l’hostie vert-de-gris en apéritif. D’ailleurs, le général allemand von Reichenau pouvait dire en 1945 : « Nous n’avons pas vaincu la France, elle nous fut donnée. »
Effectivement, inutile ici de démontrer la collaboration du patronat et de l’Église avec le gouvernement vichyste au service de l’occupant. Le primat des Gaules, le cardinal Gerlier, dira en 1941 : « Travail, famille, patrie, ces trois mots sont les nôtres. » La suite est connue !
Le patronat, avec l’école d’Uriage dépendant directement du maréchal Pétain, peut remettre en selle l’idéologie synarchique, chargée de former les cadres de la Révolution nationale, du national-socialisme à la française.
Apparaissent des personnages qui, malgré une collaboration avérée, ne seront jamais inquiétés à la Libération. On les retrouvera aux commandes sous les IVe et Ve Républiques, et y compris sous le mitterrandisme : Georges Albertini, collaborateur de Marcel Déat, futur un pilier de l’anticommunisme durant la Guerre froide ; André Boutemy, directeur des Renseignements généraux de Vichy, qui deviendra le porteur de valises du patronat ; Michelin, Renault, qui ont fourni du matériel de guerre à l’Allemagne et assuré le service après-vente. La plupart des grands patrons n’auront comme « punition » que la nationalisation de leurs entreprises… à grand renfort de compensation financière ! On sait aussi que des usines françaises ont fourni du Zyklon B, gaz ayant servi dans les camps d’extermination.
Mais « on ne fait pas d’idéologie quand on a une usine à faire tourner », comme le dira plus tard un certain François Ceyrac !
Quant à Schueller et Deloncle, relaxés grâce aux appuis d’André Bettencourt et d’un certain François Mitterrand, ils pourront développer l’empire l’Oréal !
Il faut dire qu’en remerciement, Mitterrand sera engagé un temps dans l’entreprise, pour s’occuper du magazine Votre beauté.
Bien évidemment, le patronat fera tout pour réécrire l’histoire à sa façon, tentant de faire oublier son rôle, en particulier dans l’envoi de jeunes au STO et au sujet des immenses profits tirés des accords avec des entreprises allemandes durant la guerre !
Est-ce l’influence de l’extrême droite ? Les héritiers de Louis Renault viennent de gagner un procès fait à l’association gérant le musée d’Oradour-sur-Glane. La photo montrant Louis Renault, en compagnie de Hitler, au Salon de l’automobile de Berlin en 1938, objet du litige, a été retirée du musée !
Manipulation de l’histoire, vous avez dit ?

La période de 1945
L’Église n’attend pas longtemps pour se refaire une virginité, et la Fondation des prêtres ouvriers en 1947 participe de l’éternelle volonté d’investir le champ temporel.
Durant douze ans (suppression de la fondation en 1959), les curés en bleu de travail partagent la gamelle sur le chantier… afin d’éviter aux ouvriers de trop réfléchir à leurs conditions de travail ! Plus tard, dans les années 1960, Vatican II voudra faire croire à un changement profond de l’Église mais on sait que la fameuse théologie de la libération, en Amérique latine, peu encouragée par le Vatican, a côtoyé le soutien, grâce à son armée blanche (l’Opus Dei), de la papauté aux dictatures les plus dures, du Pérou au Chili et de la Bolivie !
L’Église ne s’offusquera jamais, et pour cause, de « la main tendue aux chrétiens » par le PCF… Depuis 1936, déjà, celui-ci a renié ses fondamentaux. La courroie de transmission, la CGT, a toujours remis les travailleurs au boulot !
Le patronat, pardonné pour ses fautes passées, va faire semblant d’accepter le programme social du Conseil national de la Résistance. à sa tête, un certain Georges Villiers, le monsieur propre du CNPF créé en juin 1946 (monsieur propre, parce que non impliqué dans la collaboration avec les nazis), s’entoure d’hommes peu reluisants tels que Pierre de la Lande de Calan nommé au poste de vice-président de ce premier CNPF, et par ailleurs financier de l’Opus Dei.
Mais c’est surtout l’ex-collabo André Boutemy que que l’on retrouve dans la mise au point des fameuses caisses noires de l’IUMM alimentant les campagnes anticommunistes et les campagnes électorales de la droite !
Cet homme, qui n’a pas oublié le grand rêve d’une Europe capitaliste et chrétienne, sera au côté d’un certain Edgar Pinay, opusien, un pion essentiel dans la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (Ceca) et de la construction européenne.
Avec d’autres, ces hommes du patronat vont gérer l’argent du Plan Marshall et s’arranger pour enlever tous les marchés de l’État, donneur d’ordre majeur dans cette période de reconstruction.
Avec Boutemy, qui participera avec Chirac à la création du RPR, après avoir été conseiller de Pompidou, on va retrouver dans les années 1950 un autre ex-facho, Georges Albertini, très lié aux intérêts américains en Europe, tout comme un certain René Pleven, entrepreneur et ministre sous de Gaulle et Pompidou, ou encore le défenseur de l’apartheid en Afrique du Sud et de l’Occident chrétien, l’opusien Antoine Pinay, qui aidera à mettre en place de Gaulle et la Ve République en 1958.
Sans oublier Guy Lemonnier, ex-collaborateur, père spirituel d’Alain Madelin, le cofondateur du groupe d’extrême droite Occident.
Voilà encore, dans la continuité d’avant-guerre, une autre preuve de collusion entre droite parlementaire et extrême droite, en appui et au sein d’un patronat lié à l’Église.
C’est durant cette période (années 1960) que l’Opus Dei et l’extrême droite infiltrent le patronat ainsi que les institutions et administrations. Le néolibéralisme des Pompidou et ensuite Giscard d’Estaing leur ouvrira les portes de l’Élysée.
Le patronat, quant à lui, affûte ses armes avec la création et le développement de nombreux cercles et réseaux, comme Le Siècle, crée en 1945, au sein duquel le groupe l’Oréal a toute sa place, ou la Fondation Saint-Simon, le groupe Bilderberg , cofondé par Antoine Pinay en 1954. Notons qu’un certain Guy Mollet, patron de la SFIO, et fervent atlantiste, apparaît comme un allié objectif de ces organisations !
La Guerre froide étant terminée, l’objectif de ces groupes reste la mise en place d’un gouvernement mondial, dirigé par eux bien sûr.
L’interpénétration extrême droite, droite parlementaire et Église apparaît clairement au sein du patronat avec un certain François Gondrand, directeur de la communication au CNPF, dans les années 1970. Outre sa fonction, il sera jusque dans les années 1980, le porte-parole de l’Opus Dei en France. On sait que l’on retrouvera dans l’œuvre divine des hauts responsables du patronat comme Claude Bébéar, patron d’Axa et conseiller officieux de Balladur, Pineau- Valenciennes, etc.
Avec le néolibéralisme florissant des années Pompidou et Giscard d’Estaing, le concept de nouvelle société apparaît, concept prônant la libre entreprise, et par voix de conséquence la suppression de tous les acquis sociaux et conquêtes sociales. C’est ainsi que déjà, en 1969, lors de l’élection de Pompidou, le toujours présent et ex-collabo (mais toujours facho) Georges Albertini conseille le nouveau président : « Il faut considérer le chômeur comme un travailleur momentanément disponible, qui rend un service en ce sens qu’il constitue une réserve de main-d’œuvre, sans laquelle l’expansion économique est difficile… Il faut détacher l’enseignement technique de l’Éducation nationale… Libéraliser la Sécurité sociale. »
Les dés sont jetés et les clubs patronaux vont repartir de plus belle à l’offensive, avec un nouveau venu, le Club de l’horloge, crée en 1974, ayant pour mission d’armer idéologiquement patrons et hommes politiques, dont une partie de la gauche socialiste sensible aux sirènes de la modernité. L’offensive se fait en direction de l’enseignement et de la culture avec le soutien obscur de l’Opus Dei et de l’extrême droite qui crée le concept de « capitalisme populaire ».
C’est la grande époque des groupuscules d’extrême droite, du Gud à Ordre nouveau en passant par Occident, qui, en référence à 1968, et par crainte d’une extrême gauche moins encadrée que le PCF (donc plus dangereuse), vont tabasser sans retenue dans les manifs et les grèves. Ces groupuscules vont coller les affiches des partis de la droite parlementaire et, armés de barres de fer, rejoindre et infiltrer ces partis, à l’appel de Patrick Devedjian (membre du groupe Bilderberg, futur porte-parole du RPR), d’Alain Robert ex du Gud, fondateur du CNIP, l’extrême droite paysanne, de Gérard Longuet également issu du groupe Occident et futur ministre de Balladur, et autres Madelin, futur recyclé chez les RI de Giscard d’Estaing.

Période 1981 et le ménage à trois : patronat, Église et socialisme
À l’arrivée de la gauche au pouvoir en mai 1981, la conversion idéologique à la dérégulation des marchés a déjà fait son œuvre, les leaders socialistes se sont pour la majorité ralliés aux bienfaits du libéralisme économique, et les affaires peuvent continuer, les privatisations commencer.
Ce que la droite giscardienne n’a pas réussi à faire, la gauche au pouvoir va le faire !
Le terrain a été préparé depuis 1972 où, parallèlement à l’écriture du Programme commun, un autre programme a été mis au point dans un organisme né en 1972, l’Iris (Institut de recherche et d’informations socio-économiques), chargé de la conversion idéologique des socialistes. Parmi ses membres, têtes de pont de réseaux d’influences, on va trouver Jacques Attali, Laurent Fabius, Michel Rocard, l’opusien Jacques Delors, tous bien entourés par des patrons déjà convertis, Gilbert Trigano, Antoine Riboud, etc.
Se négocient alors les futures nationalisations bientôt suivies de privatisations pour le plus grand bonheur du patronat, qu’il ne s’agit pas de spolier bien sûr !
Il s’agit aussi de voir comment la création d’un capitalisme moderne « humanisé » pourra remettre en cause les différentes conquêtes sociales.
La Fondation Saint-Simon va également jouer un grand rôle dans cette conversion idéologique en développant le discours de la troisième voie : ni gauche, ni droite. Ainsi petit à petit, ce club transmet l’idéologie dominante dans le milieu intellectuel avec des personnages tels qu’Alain Minc, Jacques Delors, décidément partout, Michel Rocard, Pierre Rosanvallon, permanent de la CFDT et ex-dirigeant des Jeunesses ouvrières chrétiennes (Joc), et Edmond Maire, le tout étant financé par l’Oréal, Lagardère ou Usinor.
La pensée unique s’installe sur la vie intellectuelle médiatique françaises !
Inventrice d’un nouveau concept, la « laïcité ouverte », l’Église ne pourra que se satisfaire de cette gauche. Elle ne peut qu’applaudir aux discours d’amitié d’un Jacques Delors, le social-chrétien de service qui participe à l’ERT (table ronde des 40 plus gros industriels européens) dont la moitié des membres émarge à l’Opus Dei, et qui va influencer la création du traité de Maastricht.
Elle ne pourra que se satisfaire également des positions de la CFDT dans tous les grands conflits des années à venir. Visiblement, sa déconfessionalisation (par rapport à l’ex-CFTC) n’abuse personne ! En dix ans de congrès, dans les débats et résolutions, le vocable « travailleur » (on sait que l’expression luttes de classes n’a jamais figuré dans ses statuts) va disparaître au profit de celui de « négociation ». Le comble, la CFDT finira par se pacser avec la CGT !
1982 est aussi l’année où le Vatican accorde la prélature personnelle à l’Opus Dei, ce qui fait de cette organisation un puissant soutien ne dépendant d’aucune hiérarchie au sein de l’Église, car étant directement rattaché au pape.
Avec le Groupe Ampère, édition cofondée par l’opusien Claude Bébéar, patron d’Axa, l’Église va pouvoir s’attaquer aux médias en direction de la jeunesse, afin de les confessionnaliser, et monopoliser très vite, à l’échelle européenne, le monde de la bande dessinée ainsi que les émissions télé pour enfants. En sous-main et en conseiller, l’Opus Dei, toujours là, avec Marcel Jullian, la famille Bouygues, Rémy Montagne, surnuméraire de l’Opus Dei, etc.
Cette deuxième gauche n’est pas nouvelle et trouve ses racines dans Le Sillon de Marc Sangnier, dans les années 1930. Elle s’inspire directement de l’encyclique Rerum Novarum (1891) du pape Léon XIII, première encyclique sociale qui verra naître la revue Esprit des catholiques de gauche.
Les années de crise s’expliqueront par les émissions « Vive la crise » inaugurées par un certain Yves Montand en février 1984. Le discours de la Fondation Saint-Simon y est servi, relayé par le journal Libération : vous êtes pauvres, c’est de votre faute ! Les Trente glorieuses sont derrière nous, va falloir se serrer la ceinture ! On connaît la suite : moins de fonctionnaires, casse du modèle social français, etc.
Après l’OPA sur les médias, ce sera l’OPA sur l’école avec l’Institut Montaigne, dans les années 1990, afin de mettre celle-ci sous la coupe de l’entreprise et du patronat. Il s’agit à terme de libérer l’école, en faire une entreprise autonome et en concurrence comme les autres, promouvoir l’enseignement à la carte. La véritable OPA sur l’école, avec la volonté de mettre l’instruction sous l’emprise de l’entreprise, trouve sa source dans cette période des années 1990 (même si des attaques ont eut lieu bien avant déjà). En fevrier 1993, l’association Créateurs d’écoles est fondée par Guy Bourgeois, l’ami de Gérard Longuet, ex-facho d’Occident, et Philippe Nemo, avec l’appui de plusieurs hauts fonctionnaires de l’Éducation nationale. Son objectif : s’affranchir de la bureaucratie et des carcans étatiques, pour aller vers l’autonomie financière des établissements scolaires, la rémunération au mérite, le recrutement d’enseignants en CDD. Guy Bourgeois sera même le cheval de Troie en étant nommé directeur de cabinet du ministre de l’éducation nationale, le très chrétien François Bayrou (cohabitation Édouard Balladur 1993-1995).
Pour terminer cette litanie de reconquêtes patronales et cléricales, il faut citer l’Association pour la liberté économique et le progrès social (Aleps), proche du Groupe Ampère, cofondée par François Michelin, Guy Lemonnier. Georges Albertini. L’association va animer des « Semaines de la pensée libérale » avec pour thème principal, l’école. L’ex-fasciste Alain Madelin, membre de l’Aleps, a déjà travaillé le sujet en publiant en 1984 un livre blanc pour « libérer l’école, promouvoir l’enseignement à la carte, faire de l’école une entreprise, comme les autres, autonome et en concurrence ». Il faut dire que pour Madelin, l’école publique est « l’émule des kmers rouges et du totalitarisme ! ». Et dire que nos enfants ne sont pas au courant !
Nota : le projet Devaquet, en 1986 était censé mettre ces projets en action… les mobilisations de l’époque en avaient permis le retrait.
L’Eldorado libéral porté depuis des décennies par les clubs patronaux, du « Siècle », au groupe Bilderberg, en passant par la Fondation Saint Simon est là, pourvu qu’on lui donne les moyens de s’exprimer ! C’est bien ce qui va se passer avec la suite du mandat de François Mitterrand, qui prépare le terrain pour les futurs Présidents Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ! Désormais, chacun est individuellement responsable de sa situation de précarité et il n’y aura rien à attendre de l’État qui a mieux à faire en renflouant les banques, en privatisant, en détruisant tout ce qui portait les principes de solidarité et d’égalité. L’entreprise économique, dès lors ne devient plus qu’un simple objet, le capitalisme financier remplace le capitalisme industriel traditionnel ; seul compte la valeur potentielle à court terme par rapport aux volontés des actionnaires. Le marché est maître : c’est le credo des années 1990, la rentabilité à court terme évaluée à 15 %, étant impossible compte tenu du faible taux de croissance mondiale, les restructurations, délocalisations entraînant des licenciements massifs vont se multiplier. La page des nationalisations est définitivement tournée et pratiquement tous les grands groupes partent à la conquête des nouveaux marchés à l’Est, ainsi qu’aux USA. Les nouveaux gourous des banques d’affaires sont au plus haut, avec entre autres, Jean Marie Messier membre du groupe le Siècle, Vincent Bolloré ou François Pinault sans oublier le personnage important du groupe Ampère, le très catholique, ami d’André Bettencourt, et le parrain des années 1990, l’Opusien Claude Bébéar, qui rachète un grand nombre de mutuelles afin de les privatiser.
Organisée sous Chirac et aujourd’hui Sarkozy la poursuite de la « casse » sociale continue de plus belle. Les mêmes droites parlementaires, aujourd’hui comme hier, exhalent de plus en plus fort l’odeur de leurs extrêmes. Comme dans l’histoire passée on retrouve côte à côte patronat et Église dans la reconquête temporelle et spirituelle.
Et tout ce petit monde ne peut que s’accorder pour abattre toute contestation.
Des cagoulards, synarchistes et Davidées 1 des années 1920 au Front national, dont l’électorat se trouve également ponctuellement à l’UMP, et les catholiques d’aujourd’hui, ce sont les mêmes qui n’en finissent d’appeler au retour à une société corporatiste à la mode vichyste, obscurantiste, dans une Europe capitaliste et cléricale à souhait. Celle-ci ne pour eux, qu’être communautariste d’où l’acharnement à briser toutes les solidarités construites depuis des décennies, voire des siècles !
L’ennemi n’est pas toujours identifiable au premier abord, et comme l’exprime Maurice Rajsfus, gardons-nous de croire que les fascistes ne sont qu’au FN, que les curés avec ou sans soutanes ne sont que dans leurs églises ! Non, on les trouve aussi bien dans le patronat, qu’au Parlement ou à l’Élysée.
C’est d’ailleurs logique, l’État n’est-il pas la meilleure base de combat pour manipuler et diriger nos vies tant temporelles et spirituelles ?

Pierre Noir, liaison Cantal de la Fédération anarchiste



1. Lire Marceau Pivert, Socialiste de gauche, de Jacques Kergoat, édition de l’Atelier (1994), collection La Part des hommes.