Mondialisons la lutte des Goodyear

mis en ligne le 6 mars 2013
1698KalemMaurice M. Taylor Jr, PDG de Titan 1, n’en est pas à sa première opération de com sur fond de provoc mais, dans la lettre qu’il a adressée à Arnaud Montebourg (ministre du Redressement productif), il s’illustre particulièrement dans la manipulation des préjugés : « Les ouvriers français seraient très bien payés et ne travailleraient que trois heures par jour, passant le reste du temps devant la machine à café. » Mickaël Wamen, représentant de la CGT chez Goodyear, ne dément pas, il explique que lorsque le PDG de Titan est venu visiter l’usine celle-ci tournait au ralenti, et pour cause, elle est en voie d’abandon par ses actionnaires actuels – une évidence qui échappe visiblement au tonitruant Yankee, pourtant habitué à reprendre des entreprises en faillites ! La réalité, aux époques plus radieuses de l’usine Goodyear d’Amiens Nord, c’était une demi-heure pour déjeuner et le droit à deux pauses de sept minutes chronométrées pour le travail en équipe. Bien plus productif que les cadres dirigeants de la plupart des entreprises qui passent le plus clair de leur temps en réunion ou dans des discussions interminables pour finir par trancher sur le sort de milliers de travailleurs.
Ajoutons à cela que la plupart des études (Insee, EuroStat) montrent que, si le prix du travail des salariés français est élevé, leur productivité est plutôt dans le haut du tableau des statistiques et ramène ainsi son coût dans la moyenne ; et dans certains secteurs (comme l’automobile), bien en deçà de celui du modèle européen de référence qu’est l’Allemagne.
Ce patron « conservateur » n’est pourtant pas avare de contradictions en dénonçant, d’une part, « les barjots du syndicat communiste » qui détruisent les emplois les mieux payés et, d’autre part, en menaçant d’installer ses usines en Inde, ou en Chine – « État communiste » s’il en est – où les ouvriers sont « payés » moins d’un euro de l’heure, sans parler des conditions de travail, de temps, de salubrité, de sécurité, puis de réexporter les pneus vers la France. Le cynisme capitaliste se dévoile sans vergogne quand il n’y a pas de communicants pour filtrer ses interventions.
Quant au ministre du Redressement productif, hier classé à la gauche du PS, il a répondu sur un ton de patriotisme bien « crasse » en menaçant l’industriel de contrôles douaniers « zélés » sur les pneus de sa marque. Un protectionnisme économique qui cache le désir opportuniste de nos dirigeants d’exercer un pouvoir autocratique, feignant ainsi de tenter de juguler la crise avec courage et détermination ! Oubliant les travailleurs qui voient leurs fins de mois de plus en plus difficiles et leurs conditions de vie se dégrader sans cesse, quand ils ne sont pas purement et simplement jetés à la porte des entreprises qui ne garantissent pas plus de 15 % de rentabilité aux actionnaires.
Quand le milliardaire américain Warren Buffett déclarait en novembre 2006 dans le New York Times : « Il y a une lutte des classes aux États-Unis, bien sûr, mais c’est ma classe, la classe des riches qui mène la lutte. Et nous gagnons », il ne se trompait pas. Face à la mondialisation financière, aux spéculateurs et autres autocrates de l’économie, les salariés de tous pays doivent s’unir comme ils avaient su le faire en 1864 avec la Première Internationale.
Taylor Jr, Buffett et consorts, avec leurs amis du monde de la finance, ont su soumettre les gouvernements même les plus démocratiques et prendre l’avantage sur les classes laborieuses qui les servent désespérément, sans autre but que de ne pas sombrer trop profondément dans la misère. Mais seule la lutte paie ! Il est donc urgent de réunir les forces prolétariennes pour que, enfin, tous les travailleurs du monde s’opposent à leur propre exploitation et ne se laissent plus dominer par ceux qui n’hésitent pas à sacrifier l’existence des salariés, au mieux de leurs intérêts très particuliers.

Sébastien Pillias






1. Le site du groupe Titan (www.titan-intl.com) s’ouvre sur un ours beuglant, symbolisant « The Grizz » (diminutif de Grizzly en anglais), surnom dont se qualifie lui-même le fumeux patron de l’entreprise de pneus !