Banalisation de la misère et de la pauvreté

mis en ligne le 9 janvier 2014
1727MiserePolitique(s) antisociale(s) et épiceries sociales
Voilà plusieurs décennies que les différents gouvernements de gauche comme de droite qui se sont succédé à la gestion des affaires du pays, ont pratiqué et pratiquent toujours une politique de classe antisociale. Ces politiques ont étranglé et affamé le peuple à tel point que l’on recense près de 15 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, avec moins de 964 euros par mois. Dont plus de la moitié doivent survivre avec moins de 790 euros par mois. Comme les personnes qui touchent le RSA (revenu de solidarité active), soit 492,70 euros par mois ; les retraités qui touchent le minimum vieillesse, soit 787,26 euros par mois ou encore les handicapés qui doivent se contenter de 790,18 euros par mois. Ces chiffres sont accablants, accusateurs car maintenir des êtres humains dans un tel dénuement et les réduire à mendier est criminel. Dans cette France inégalitaire où l’injustice règne en maîtresse, pendant qu’une minorité se goberge à s’en faire péter la sous-ventrière et vit dans le luxe, l’immense majorité est contrainte de se contenter des miettes que leurs chiens de compagnie n’auront pas dévorées.
C’est ainsi qu’en France au XXIe siècle :
– près de 5 millions de personnes sont mal logées ;
– un ménage sur 5 souffre du froid ;
– une personne sur 5 renonce à se soigner ;
– plus de 7 millions d’individus touchent les minima sociaux ;
– plus de 300 millions de repas sont distribués dans les Restaurants du cœur et autres structures caritatives ;
– près de 1 million de ménages est surendetté ;
– un enfant sur quatre est pauvre.
Le bilan du capitalisme et de ses duègnes est mortifère. Et l’on est en droit de penser que ces chiffres sont minorés. D’autant que chaque année c’est : 5,3 milliards d’euros de revenu de solidarité active (RSA), 700 millions d’euros de couverture maladie universelle complémentaire (CMUC) et 378 millions d’euros d’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS) qui ne sont pas versés à leurs ayants droit.
C’est ainsi que l’on voit fleurir un peu partout sur le territoire des épiceries sociales et leurs épiciers très spéciaux accompagnés de leurs dames patronnesses qui se répandent dans les bureaux de bienfaisance ! Dans ce contexte de paupérisation quasi absolue du peuple, les politicards locaux, « les frères de la côte » de ceux qui dirigent le pays et font les lois jouent les « dames patronnesses » comme au XIXe siècle. La répartition des rôles et des tâches fonctionne à merveille chez les rois de la manipulation, de la tromperie et du mensonge que sont les hommes et les femmes politiques. Au gouvernement les mauvais coups contre les travailleurs et le peuple et aux élus de base le soin de panser les plaies. Dans bon nombre de communes, les maires (petits soldats politiques), aux ordres des capitaines d’industrie, transforment les CCAS (centres communaux d’action sociale) en « épicerie sociale ». Dans ce but, les petites communes rurales se regroupent toutes couleurs politiques confondues autour d’une commune leader. C’est ce qui vient de se passer auprès de la commune de Malaunay en Seine-Maritime, dont le maire (PS) a pris l’initiative de créer une épicerie sociale et de regrouper dans une sorte de société de bienfaisance les communes de : Roumare, (divers droite), Eslettes (PCF) Montville (ex-UMP puis UDI), Notre-Dame-de-Bondeville (PS), Le Houlme (PCF), Anceaumeville (divers droite), Maromme (PS), Pissy-Pôville (divers droite) et Houppeville (divers droite). Mais, attention l’initiative de créer ce type de structure comme le dit la savoureuse Anne-Marie Grelier représentante de l’association Solepi (épicerie et solidarité), qui chapeaute les épiceries sociales dans le département, si les épiceries sociales ont pour objectif « le soutien alimentaire et l’insertion sociale et professionnelle » (sic). « Elles doivent amener à une réflexion sur la responsabilisation des personnes aidées… » Autrement dit, il s’agit de culpabiliser, d’humilier et de faire pression sur les personnes qui bénéficieront de cette aide alimentaire mise en place par les politicards complices, avec le soutien du patronat local (ERDF, Nutriset et Logéal).
C’est sous le contrôle de l’administration, des CCAS et de l’Udaf (Union départementale des associations familiales) que cette usine à gaz fonctionnera. Car, pour bénéficier de nourriture, les personnes devront montrer patte blanche et remplir un dossier, et subir un interrogatoire toujours très humiliant, qui se transformera rapidement en casier administratif (judiciaire). Il faudra fournir les justificatifs de ressources (Caisse d’allocations familiales, minimum vieillesse, RSA, l’avis d’imposition et une pièce d’identité !) Ces politiciens de bas étage se prennent à faire la « charité », ils vont jusqu’à ouvrir une épicerie sociale spécialement pour « leurs pauvres » ! Il faut bien se donner bonne conscience et bien sûr taire les causes de cette responsabilité. Ce dossier ou casier sera étudié par les représentants de cette usine à gaz et si ces « gens biens » et « propres sur eux » décident que la personne mérite de bénéficier de leurs « largesses » elle devra acquitter un droit d’entrée de 1,50 euro ! En fait, cette épicerie dite sociale est destinée à avilir les personnes en leur inculquant l’idée qu’elles sont seules responsables de leur situation et que, si elles ne s’en sortent pas, c’est qu’elles ne s’en donnent pas les moyens. Donc concrètement, contre une aide alimentaire, la personne qui en fait la demande sera dans l’impossibilité de refuser un emploi tout ce qu’il a de plus précaire (20 heures par semaine) ou dans l’obligation de signer avec les organismes « dits sociaux » un document par lequel l’individu s’engagera à régulariser ses dettes de loyers, d’eau ou d’électricité et encore la cantine scolaire des enfants et de s’engager à soigner ses addictions si besoin en était ! Si la personne refuse, l’ouverture de l’épicerie sociale lui sera fermée.

Ne vous y trompez pas, vos pseudo-bienfaiteurs ne sont pas des philanthropes
Tout d’abord, si les communes prennent en charge dans leur fonctionnement les épiceries sociales via les CCAS, c’est bien pour en assurer le contrôle et le suivi des publics considérés par elles, comme insaisissables, volatils et versatiles. Choses que ne pouvaient pas ou ne voulaient pas faire les bénévoles de la Banque alimentaire ou des Restaurants du cœur. Les élus ne sont pas sans ignorer que le fort taux d’abstention aux élections vient des quartiers les plus pauvres. Par le biais des fiches de renseignements, les édiles locaux pourront vérifier si les personnes qui sollicitent l’aide alimentaire votent. Concrètement, si elles ne votent pas, pas d’aide alimentaire. Bien sûr, cela ne sera pas exprimé en ces termes mais ils culpabiliseront les personnes parce qu’elles ne font aucun effort pour chercher du travail et se réinsérer dans la société. Et la réinsertion « citoyenne » passe par l’inscription sur les listes électorales mais aussi et surtout par le vote. C’est le discours que l’on entend dans les couloirs des mairies lorsqu’on laisse traîner les oreilles. Faites un effort pour vous resocialiser, ayez une attitude citoyenne et participez à la vie locale y compris en votant et nous reconsidérerons votre inscription à l’épicerie sociale. Quant à ERDF (Électricité réseau distribution France), on peut se poser la question : pourquoi cette société apporte son soutien à l’épicerie sociale ? Ce n’est certainement pas son souci premier que de venir en aide aux personnes en difficulté, car les tarifs d’électricité grimpent régulièrement, ce qui aggrave la situation de ces dernières. Sa promptitude à faire couper le courant aux personnes qui ont des impayés ne fait pas des dirigeants de cette entreprise des individus sensibles à la misère. Par contre, Nutriset, entreprise malaunaysienne qui a fait fortune dans les pays où la famine et la malnutrition sévissent en vendant des produits (Plumpy’nut ; Plumpy’doz), sorte de pâte nutritive, et bien d’autres… destinés au traitement des différentes formes de malnutrition, chronique, aiguë modérée ou aiguë sévère. Comme c’est bien dit et politiquement correct quand on sait que ces produits sont destinés à traiter la faim comme à Haïti ou dans les pays africains. Le chiffre d’affaires déclaré de cette entreprise en 2012 est de 99 635 710 euros. En soutenant l’initiative du maire (PS) de Malaunay, cette société espère fourguer sa daube et développer son activité en France. Le marché est en devenir. Que dire de Logéal, société immobilière (Logement social et immobilier de Haute-Normandie) qui préfère mettre à disposition du maire des locaux et les réhabiliter à ses frais pour y installer l’épicerie sociale. Plutôt que de réhabiliter ses logements sociaux et pratiquer des loyers qui n’étrangleront plus les locataires. Une politique sociale du logement permettrait à un bon nombre de personnes qui habitent dans ces clapiers/mouroirs de ne pas fréquenter l’épicerie sociale. Il s’agit pour cette société de maintenir son hégémonie sur la commune en matière de logements. D’autant qu’elle construit actuellement des logements grand standing qui seront vendus à des cadres et cadres moyens. Il s’agit pour le maire socialiste d’attirer dans la commune une autre population que celle de travailleurs précaires et de chômeurs. Sur le plan électoral les classes moyennes votent en général socialiste contrairement aux laissés-pour-compte de la société. Comme on peut le constater, ces misanthropes, après avoir asphyxié financièrement les personnes qui ont la malchance de dépendre d’eux, se donnent bonne conscience et tentent de se façonner des visages sociaux et de gens honnêtes, en s’investissant dans cette épicerie sociale qui permettra de secourir les personnes qu’ils contribuent à faire mourir à petit feu.

La misère sociale s’amplifie et n’épargne plus grand monde, à part les nantis
« Dieu a dit : Je partage en deux, les riches auront la nourriture, les pauvres de l’appétit », d’après Coluche.
La misère n’est pas que dans les grandes villes. Elle est moins voyante à la campagne mais plus sordide. Elle existe également dans le milieu étudiant et là encore elle ne crève pas les yeux mais elle rode en permanence. Il suffit de savoir regarder. À la campagne, à la ville et sur les campus son odeur s’étend et devient prégnante.

Marginalisation et stigmatisation des pauvres
C’est ainsi que de plus en plus d’épiceries dites « sociales » voient le jour. Et pour qu’on les reconnaisse, elles arborent un logo « Solépi », afin de montrer au grand public que ces épiceries sont réservées aux démunis. On ne mélange pas les torchons et les serviettes. Et pour éviter toute possibilité d’erreur si vous n’êtes pas badgé, vous ne pourrez pas bénéficier de la générosité des nantis et récupérer les denrées alimentaires dont la date de péremption arrive à expiration. Ces marchandises, qui ne peuvent plus être commercialisées, ne sont donc pas consommables pour les nantis, mais par contre les pauvres et les nécessiteux pourront les consommer. Quand on souffre de la faim on n’est pas regardant ! Les différents pouvoirs politiques qui se sont succédé ont, par leurs politiques de discrimination sociale, marginalisé en maintenant séparée du monde « dit civilisé » une population, toujours plus nombreuse que le système capitaliste laisse dans le dénuement le plus total. Le discours, que l’on entend dans les couloirs des mairies de la part des élus et des fonctionnaires aux ordres, fustige les pauvres. Ce ne sont que des profiteurs, des tricheurs, des fainéants. Ils devraient nous remercier pour ce que l’on fait pour eux. Mais ils ne sont jamais contents, ils passent leur temps à nous critiquer et la plupart ne votent pas ! La multiplication des « épiceries dites sociales » permet au pouvoir politique de cacher la misère et de canaliser les mendiants en faisant en sorte qu’ils ne soient pas en permanence dans la rue à tendre la main ou la sébile. Ils sont déjà si nombreux que beaucoup de maires des communes touristiques prennent des arrêtés anti-mendicité. Il s’agit de cacher ces mendiants que l’on ne saurait voir ! Dans le pays des droits de l’homme et dans le cinquième pays le plus riche du monde, il ne peut y avoir des gens qui ont faim et dans le dénuement le plus complet !
Mais la réalité est tenace et éclate à la figure des politiciens à la solde du capitalisme, puisque les responsables de la Banque alimentaire de Rouen envisagent la création d’une épicerie sociale itinérante pour aller au-devant des plus démunis en dehors des zones urbaines et de créer une épicerie sociale pour les étudiants. L’idée serait, pour l’épicerie sociale itinérante comme pour l’épicerie sociale étudiante, de proposer « un panier » d’aliments (d’une valeur de 20 euros) à 1,50 euro ou 2 euros. Certes, les actions de la Banque alimentaire sont généreuses et permettent momentanément aux personnes qui peuvent en bénéficier de se maintenir la tête hors de l’eau. Mais elles ne règlent pas la question de fond, le partage des richesses et la remise en cause du système capitaliste qui génère toutes ces inégalités et ces injustices. Et ce n’est pas les propos de la vice-présidente du Feder (Fédération des étudiants rouennais), chargée de l’innovation sociale, qui aideront à la prise de conscience de la nécessité de la lutte et du refus de l’assistanat afin que les étudiants soient respectés dans leur dignité d’être humain. Je la cite : « Nous ne voulons pas juste créer une épicerie sociale mais aller plus loin, pour permettre une meilleure intégration des étudiants. » Il s’agit bien entendu une intégration au système capitaliste, sans surtout le remettre en cause. Mais comment peut-on s’intégrer dans une société qui pratique la sélection et l’exclusion dès le plus jeune âge ? L’écrémage se pratique tout au long de la vie, à l’école, au collège, au lycée, à l’université mais aussi par l’emploi et la culture. Cette dame ne serait-elle pas chargée de la régression sociale, plutôt que de l’innovation sociale ?
Nous les anarchistes avons un autre projet de société qui met l’être humain au cœur, où l’égalité sociale et économique sera réelle. Car nous voulons reconstruire entièrement la société sur une base de respect et d’entraide. Nous devons inciter les travailleurs et l’ensemble des exploités à combattre les médiations qui vont à l’encontre de leurs intérêts de classe, et à opter pour l’action directe c’est-à-dire des actions décidées et menées sans intermédiaire, et sa coordination sur le mode fédéral. Cette société, nous voulons qu’elle soit gérée par tous et qu’elle s’instaure dès le début sur la base de structures anarchistes.



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


chach

le 25 janvier 2014
Votre article concernant les épiceries sociales n'a réussi qu'à me faire rougir, non pas de travailler au sein d'une d'entre elles mais de voir à quel point leurs fonctionnements sont encore mal compris. La seule chose que je vous laisse à méditer : comment espèrer le changement si nous-mêmes nous ne sommes pas capables d'introspection et de mise en action? Je ne crois au miracle mais bien à la force de chaque individu. A bon entendeur!