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par Francis PIAN • le 26 avril 2025

DES IDEES ET DES LUTTES: Savoir commencer une grève

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Décidément ne pas mourir !
Des usines fermées, la rouille attaque les infrastructures, les femmes et les hommes jetés comme des objets car le patronat et les capitaux internationaux veulent toujours plus de profit. La désindustrialisation de la France est une réalité économique et sociale dès le lendemain de la Seconde guerre mondiale. Elle s’est traduite par la chute des emplois pénibles comme ceux des mineurs, mais rémunérés. Dans certains secteurs, une vie sur deux est touchée. Les maux sociaux traduisent une défaite politique et sociale favorisant l’extrême-droite. Que deviennent ces ouvrières et ses ouvriers ?

Romain Castellesi s’appuie sur des secteurs et des entreprises symboles de cette crise tels que La Chapelle Darblay, Decazeville, Carmaux, Dim à Autun et Bourbon-Lancy, Romans pour évoquer le choc dans la vie et la lutte menée le dos au mur face au mépris des dirigeants de ces entreprises mais aussi des gouvernements y compris de gauche. Son livre, publié chez Agone, Savoir commencer une grève présente les résistances ouvrières à la désindustrialisation dans la France contemporaine.

Comment résister ?
A l’annonce de la fermeture d’une entreprise installée dans le paysage local depuis des décennies, des scènes de désarroi, de désespoir, de colère. Après avoir accepté des conditions de travail dégradées, des horaires, des baisses de salaires, des contraintes éprouvantes pour garder un emploi, le choc de cette rupture dans des territoires isolés ne peut être temporisé par des discours inutiles. Comment résister et est-il possible de résister face à la puissance de l’argent ? Difficile de s’y retrouver. « La nature de ces luttes, qui réagissent à la perspective de l’incertitude, du déclassement ou encore de la disparition d’un monde de solidarités et de sociabilités parfois anciens de plusieurs siècles, vient brouiller les repères du mouvement ouvrier tel qu’il existait avant la désindustrialisation, à savoir l’organisation de masse visant à surmonter les différences présentes dans le groupe et organiser l’émancipation collective de la classe ouvrière. » Toujours cette question : comment en est-on arrivé là ? Mais au-delà des luttes, la mobilisation vise à restaurer une dignité meurtrie, souder un collectif ouvrier et faire payer l’humiliation.
Au lendemain de la crise financière de 2007-2008, la France est devenue le pays le plus désindustrialisé d’Europe. « Depuis les années 70, la France a perdu 50% de ses effectifs industriels, toutes catégories professionnelles confondues. L’emploi industriel représentait 37 % de la population active en 1975 (soit 8,2 millions d’ouvriers), 25% en 1980, 20% en 2020. » Cet effondrement induit un réel bouleversement pour ceux qui restent dans l’usine et subissent un chantage à l’emploi favorisant la fragilisation des acquis. Romain Castellesi s’appuie sur des témoins de ces mutations. J’apprécie particulièrement celle de Ponthus extraite de son livre A la ligne (Editions de la Table ronde).

Un choc sociétal
Cette situation, on la voyait venir depuis la IVème République, les politiques d’aménagement du territoire en préparaient les effets mais rien de très concret pour celles et ceux qui devront changer de métier, de vie. Vous lirez ces pages de témoignages qui soulignent les politiques sociales à court terme et le démantèlement stratégique à long terme. Les militants peuvent s’appuyer sur ces analyses pour apprécier le comportement du patronat actuel. On pourrait écrire que le mépris est encore plus criant aujourd’hui. L’usure des ouvriers, la répression syndicale, les promesses indécentes des pouvoirs publics rendent plus difficile toute action. Au-delà des femmes et des hommes, les territoires sont fragilisés. Des villes en friche, une dépopulation, le déclin des pays noirs, la dévalorisation de ces pays. Notons de denses développements dans le livre sur le rôle des femmes particulièrement chez DIM à Bourbon-Lancy.
Après le combat et la fermeture de l’usine, comment vivre ? Certains tentent de se lancer dans des démarches devant les prudhommes, mais pour toutes et tous, c’est un grand vide, le développement de pathologies, l’épuisement militant. Heureusement quelques acteurs se lancent dans l’écriture et nous en faisons souvent état dans cette chronique et dans l’émission Au fil des pages. Une conclusion d’espoir pour Romain Castellesi : « Morcelés sectoriellement, isolés socialement, désaffiliés politiquement, les ouvriers et les ouvrières ne veulent décidément pas mourir, et le regain d’intérêt qu’ils suscitent n’a pas fini de faire résonner leur présence obstinée dans la société française ».

• Romain Castellesi
Savoir commencer une grève
Résistances ouvrières à la désindustrialisation dans la France contemporaine
Ed. Agone, 2025

PAR : Francis PIAN
Groupe Commune de Paris
Emission Au fil des pages sur Radio libertaire

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