Dix ans dans les camps chinois

mis en ligne le 21 mars 2002
Nous connaissons relativement bien les lieux d'enfermement de nos sociétés capitalistes qui se révèlent plus ou moins indignes. Les plus récents étant ceux organisés par les Américains du Nord pour les prisonniers talibans. Il y a peu, près de nous, en France, un médecin des prisons dénonçait les conditions effroyables subies quasiment sous nos yeux dans les maisons d'arrêt et autres lieux de détention.

Les camps de concentration - et d'extermination - nazis avaient la logique de l'idéologie de ces gens-là : du fascisme nous ne pouvons attendre que l'horreur. Accepter la réalité des camps soviétiques, pourtant dénoncée très tôt, fut plus difficile à faire passer dans les mentalités de gauche.

Les camps chinois, derniers en date à être mieux connus, sont l'objet du livre de Lau Sanching. L'auteur n'est pas anarchiste, pas trotskiste, même s'il milite dans une organisation qualifiée telle. C'est surtout un « activiste », peu préoccupé de théorie, qui milite pour l'avènement de la démocratie (au sens le plus fort du terme) en Chine : un simple réformiste, donc? Étudiant à Hongkong, il s'introduira à de multiples reprises sur le continent chinois avec des livres, des journaux et de l'argent et finira par être arrêté. Il appuiera sa défense, face à ses juges, sur les droits donnés par les lois chinoises et refusera longtemps de reconnaître sa culpabilité de « contre-révolutionnaire » (On pense aux militants des IWW américains se servant du premier amendement de la Constitution américaine). Son témoignage sur l'incarcération proprement dite se révèle passionnant, mais aussi sur la description de l'imbroglio des groupes militants de Hongkong. En le privant de liberté, le pouvoir l'empêche de « nuire », mais s'ajoute à cela une tentative de lavage de cerveau. Ses tortionnaires n'auront de cesse, jusqu'au dernier moment, de le faire avouer et d'obtenir son repentir. Lui ne se reconnaît pas du tout dans l'appellation de « contre-révolutionnaire ».

Le plus intéressant, c'est l'analyse du fonctionnement et de l'évolution du laogai (le système des camps). La réforme du coupable par le travail en prison devait accoucher d'un homme nouveau, socialiste. Après l'implosion des régimes de l'Est, dits communistes, et sa déferlante mondiale, les dirigeants chinois s'ouvrent au capitalisme classique tout en gardant la mainmise politique de leur appareil sur le pays et... sur les camps, qui pourront compter jusqu'à dix millions de détenus. Les camps fonctionneront alors comme de banales entreprises capitalistes uniquement intéressées à dégager du profit. Vive le communisme !

« Parti communiste, tes prisons ont réussi à me voler dix ans de ma vie mais cela n'entrave pas le destin historique de ta nécessaire disparition », dira Lau Sanching en sortant de l'enfer.

Dans la future société libertaire, y aura-t-il des prisons, ou des lieux de rétention d'où on ne pourra pas sortir à sa guise ? Si oui, de quelle sorte? Si non, comment traiterons-nous les violeurs et les tueurs d'enfants, les asociaux violents, les malades mentaux dangereux ou pas, etc. Qu'on ne me réponde pas d'une pirouette verbale, qu'on ne me dise pas: « Y'a qu'à... »

 

André, groupe de Montreuil