Des Anarchistes de terrain

mis en ligne le 10 avril 2003

Uruguay

par l'Organización libertaria cimarrón

Nombreuses et riches furent les expériences de lutte menées par différents peuples au cours de l'histoire de l'Amérique latine. Sur notre terre, l'Uruguay, ce furent les Indiens, les Afro-Américains, les gauchos et les peones qui, dans leur lutte de libération, donneront l'exemple de résistance contre l'oppression colonialiste.

Tout autour du Rio de la Plata les rebelles cimarrón[[Cimarrón désigne les esclaves noirs en fuite (« marrons ») et leurs descendants, par extension la population misérable d'ascendance africaine de la région.]] s'organiseront pour combattre l'injustice. C'est de cette histoire de lutte que notre organisation tire son nom. C'est dans cette histoire de rébellion collective contre l'injustice que nous nous engageons à continuer en lui consacrant tous nos efforts.

La gestation de notre projet s'est faite dans la fureur de la lutte des années quatre vingt dix. Nous étions des militants étudiants, de jeunes travailleurs, des camarades qui créions obstinément des espaces pour briser la résignation qu'on nous présentait alors comme l'unique voie. Les conflits étudiants et syndicaux auxquels nous avons participés nous ont montré la nécessité d'articuler nos forces dispersées. Les affrontements de l'hôpital Filtro en 1994, où la police a ouvert le feu sur une manifestation pacifique de solidarité avec des citoyens basques extradés, nous ont fait découvrir le visage cruel de la répression. Nous avons commencé en 1995 à construire un espace ou faire entendre notre voix et celles de la lutte populaire en éditant le journal libertaire Barrikada.

Nous avons édifié notre expérience sur le terrain des luttes sociales nées des conflits de classes. C'est ainsi que nous avons grandi, en nous rencontrant, en luttant côte à côte, en avançant sous les vents violents de la tempête néolibérale et à contre-courant des prophètes de la fin des idées. Nous avons compris que nos forces avaient besoin de se consolider en outils capables de résister au brutal recul idéologique du néolibéralisme de fin de siècle et de nous préparer au combat depuis la base, au côté de notre peuple.

Nos affinités idéologiques, qui se sont révélées lors d'actions menées en commun, nous ont poussés à amorcer un processus d'accords idéologiques, politiques et stratégiques pour donner une forme organisée à notre pratique révolutionnaire. Le résultat de ce processus qui a duré deux ans a été la fondation le 12 juillet 1998 de l'OLC.

Sur cette terre de rebelles cimarrón, de combattants pour la liberté, notre projet représente une expression de plus de la lutte, une voix qui s'est jointe à celles actuelles et passées qui crient : « Le peuple seul choisira son chemin! »

Les temps sont durs pour la classe opprimée. Situation de relative fragilité, de confusion dans nos rangs face à la brutale offensive de la classe capitaliste. Cette offensive qui tente de renforcer l'ordre mondial existant se caractérise par une avancée des positions impérialistes dans les domaines économiques et politiques et par l'imposition de structures de pensée qui nient toute alternative hors de l'horizon du système actuel.

Ce n'est qu'ainsi que l'on peut expliquer comment à un moment historique où sont réunies tant de conditions objectives et favorables au développement de la lutte populaire, nous nous trouvions dans une conjoncture d'affirmation du capitalisme et de recul des opprimés. Une grande partie de la responsabilité historique revient à la gauche elle-même, elle qui a largement participé à l'avancée idéologique du capitalisme de fin de siècle et fait la promotion de l'acceptation des règles du jeu en ne proposant que des adaptations.

Dans le spectre de la gauche

Notre organisation est une organisation politique révolutionnaire. Nous voyons avec préoccupation et indignation qu'actuellement certains secteurs qui œuvraient à la promotion de changements structuraux de l'ordre existant se sont adaptés aux pratiques parlementaires et ont laissé de côté toute volonté révolutionnaire. Cependant, il y a des secteurs politiques, du même courant politique et idéologique ou non que l'OLC, qui représentent une réelle alternative de lutte. C'est dans ce spectre de la gauche que nous plaçons notre proposition politique. Nous savons que pour favoriser les organisations sociales de la classe opprimée et pour la sortir du vide idéologique et de la faiblesse où elle est plongée, il est nécessaire d'unir les forces. L'OLC est prête à travailler avec des organisations et des secteurs politiques qui oeuvrent en faveur de changements radicaux de l'ordre social, en fondant toujours l'action commune sur la solidarité, la responsabilité et le soutien mutuel.

L'internationalisme est historiquement l'axe sur lequel a avancé la lutte révolutionnaire, qu'elle appartienne au courant libertaire ou au socialisme révolutionnaire. La richesse de ce lien fraternel, forgé par les peuples en lutte, réside dans la diversité des différents groupes humains, sa force dans les apports caractéristiques de chacun d'entre eux.

Il n'y a donc pas de projet révolutionnaire international qui ne passe par le développement des processus de libération nationale qu'entament diverses collectivités dans leur légitime lutte d'indépendance politique, économique et culturelle. Lutte de chaque peuple qui, à la recherche de son propre destin, peut employer les moyens qui lui semblent nécessaires, selon son développement historique et la conjoncture nationale et internationale.

Cependant, il est clair que pour nous le combat de libération nationale doit s'inscrire dans le processus de la lutte des classes et suivre les chemins de la révolution sociale. Par conséquent, nous rejetons la conception étatique de la nation pour laquelle le processus de libération se réalise à travers la formation d'un État propre. Cette conception de la nation ne remet pas en cause les fonctions coercitives de l'État et son rôle d'instrument du maintien de la société de classes, si bien que la défense nationale, dans cette perspective, n'est rien d'autre que la défense de la bourgeoisie nationale.

Il s'agit donc de rompre les limites politiques imposées par les intérêts des classes dominantes en cherchant le renforcement mutuel des peuples par leur union, basée sur le respect et l'autonomie, car l'égalité se forge dans le respect de l'identité de chaque collectivité sociale.

Nous avons la conviction que les intérêts communs des opprimés ne peuvent être divisés éternellement par ces frontières imposées de force. Notre organisation cherche à participer à leur destruction.

Extension régionale des luttes

Un processus révolutionnaire décontextualisé de la région et du continent est impensable. La théorie stalinienne du socialisme dans un seul pays a démontré son invalidité. Il nous apparaît vital de créer des liens entre l'OLC et des organisations révolutionnaires d'autres pays de la région, du continent et du monde, de favoriser la discussion et l'échange pour planifier une stratégie de lutte prolongée en commun depuis les divers pays où le sort nous a fait naître, vivre, lutter.

Penser une stratégie d'offensive révolutionnaire sans une régionalisation de la lutte représente une perspective politique et idéologique très limitée qui doit affronter des problèmes pratiques (globalisation des armées du continent, etc.) qui rendent son échec inévitable. Pour nous, le succès d'un processus révolutionnaire en Uruguay a besoin du triomphe de la révolution en Argentine, au Brésil et dans les autres pays de la région et du continent, et d'un fort soutien des mouvements révolutionnaires au niveau mondial.

Il faut non seulement créer beaucoup de fronts de lutte de sorte que la force de l'ennemi ne retombe pas sur un seul point, mais aussi et surtout penser les pas de chacun comme une part du chemin que l'on emprunte ensemble.

Nous sommes convaincus que nos seules frontières sont celles qui nous séparent des oppresseurs. Nous croyons nécessaire la lutte en commun de tous ceux qui empruntent le même chemin révolutionnaire et que le même objectif unit. Un salut fraternel, donc, à tous ceux qui portent obstinément dans leur coeur un monde nouveau.

Organización libertaria cimarrón
traduction Relations internationales FA