Los Solidarios et Las Solidarias

mis en ligne le 30 novembre 2003

Brève histoire passée, présente et à venir

Ça a commencé en 1997. À quelques camarades et néanmoins ami(e)s, principalement du groupe Bakounine, nous nous étions mis en tête de faire écrire ses mémoires à notre vieux pote Gérard Lorne. Ce ne fut pas simple. Mais nous parvînmes à nos fins.

Une fois le livre écrit, Du rouge au noir, il nous fallut assumer. Et nous avons cassé nos tirelires pour en financer l'édition.

Nous aurions pu en rester là. À un gros coup de cœur. Et rentrer chez nous en attendant que le livre se vende suffisamment pour que nous puissions rentrer dans nos frais.

Nous aurions pu !

Mais, très vite, les questions se sont mises à nous titiller l'entendement.

Avoir réussi à financer l'édition des mémoires d'un copain c'était certes super (nous étions les premiers surpris d'avoir réussi ce challenge), mais notre objectif dans la vie n'étant ni de faire du commerce ni de s'la jouer éditeur, qu'allions-nous faire des trois sous que nous risquions, à moyen terme, de gagner à travers la publication des mémoires de Gérard ?

Et la réponse s'est imposée d'elle-même !

Bien sûr que ça n'allait pas tomber dans notre poche et qu'il fallait filer les bénéfices éventuels à...

À l'époque, la réponse à cette question était toute trouvée. L'école libertaire Bonaventure qui était au cœur de nos rêves et de notre volonté courait après la solidarité financière pour simplement survivre. Il n'y avait, donc, pas à hésiter. Et nous n'avons pas hésité. Bonav fit tout de suite l'unanimité quand il fallut décider à qui nous filerions les éventuels bénefs à venir sur la vente du livre de Gérard.

Nous étions contents et fiers de nous.

Tellement que nous décidâmes de recommencer l'année d'après autour de deux idées simples. La première, ne pas se prendre le chou et se limiter à une publication par an d'un livre digne d'intérêt pour les libertaires. Et la seconde, offrir sans conditions ni arrière- pensées, les bénefs éventuels provenant de ces publications à des œuvres libertaires.

Le groupe Los Solidarios était né.

Nous rédigeâmes un petit pacte associatif intitulé Principes de base de Los Solidarios. Nous le fîmes circuler auprès de nos proches. Et, très vite, nous nous retrouvâmes une bonne vingtaine, de tous les horizons de la galaxie libertaire. Restait à trouver le prochain livre à éditer et le prochain bénéficiaire.

Une rencontre de hasard en Ariège avec Benoist Rey et le livre, Les Égorgeurs, qu'il avait écrit après son « séjour » en Algérie comme appelé du contingent, et qui avait été censuré et saisi dès sa sortie aux éditions de Minuit en 1961 [art 899]. La librairie La Plume noire de Lyon qui venait d'être incendiée par les fachos et qui avait besoin de sous... L'affaire fut vite entendue.

Pour fêter l'événement de la parution de notre deuxième bouquin, nous fîmes une grande fête en Ariège et, spontanément, toujours dans l'optique de ne pas se prendre trop au sérieux, nous organisâmes, déguisés en flics, en curés, en militaires et en tout ce que nous voulions, une remise grandiloquente du Grand Prix « Ni dieu ni maître 1999 » (une lampe de chevet formée de christs la tête en bas). Un jury de carnaval, une petite foule dépenaillée, Benoist déguisé en lauréat, Gérard également, une conférence de presse théâtrale (les médias locaux tombèrent dans le panneau et rendirent largement compte de cette remise « étonnante » du Grand Prix « Ni dieu ni maître »), un slogan au fronton : « Mieux vaut boire du rouge que broyer du noir », des flots de chansons autour de l'orgue de barbarie de Gérard et de Suzy, des torrents d'amitié et de convivialités, un moment inoubliable, l'envie désormais dévorante de se revoir au plus vite et de poursuivre cette petite aventure de fête et de solidarité.

L'année suivante, en 2000, Jacinthe qui écrivait une graine d'ananar sur Sara Berenguer nous proposa d'éditer l'histoire des Mujeres Libres. Elle s'y attela. Les Solidarias étaient nées.

Des copines, des copains du groupe revenant de Montevideo (Uruguay) nous proposèrent d'attribuer les bénefs à la communauté libertaire Del Sur qui avait besoin de sous pour acheter une ambulance (en plus de l'édition ils font un gros travail social sur leur quartier). Adopté. Et de nouveau la fête, l'amitié et la solidarité.

Désormais, nous étions une quarantaine. Les livres se vendaient bien (chaque membre du groupe s'attelant à cette tâche). Décision fut prise de mutualiser les dons que nous faisions et de les ramener à la somme de 20 000 FF. Vingt mille francs avaient en effet été versés à Bonaventure, 20 autres mille francs à La Plume noire. Vingt mille francs furent donc versés lors de la remise du grand prix « Ni dieu ni maître 2000 » à la communauté Del Sur.

60 000 FF reversés en trois ans à trois œuvres libertaires avaient mis notre trésorerie à sec. En 2001, nous ne pûmes donc rien éditer. En 2002, nos finances ayant retrouvé le sourire, nous avons choisi de publier le livre de Cédric Dupont Ils ont osé et d'attribuer 1 500 euros à la fondation Salvador-Segui et 1 500 autres euros à la fondation Anselmo-Lorenzo.

Fin 2003, nous allons publier deux livres (pour compenser l'année blanche de 2001). L'un de notre camarade Suzanne Weber sur la vieillesse. Et, l'autre, une réédition du bouquin de May Picqueray Mes 80 ans d'anarchie.

Le bénéficiaire 2003 du Grand Prix « Ni dieu ni maître » n'est pas encore choisi, mais il y a de fortes chances pour que ce soit... nous-mêmes car l'idée est dans l'air que les Solidarios et les Solidarias reprennent à leur compte le projet (d'une camarade du groupe) de créer un lieu de vie, voire un village, pour vieux (vieilles) et moins vieux (vieilles) libertaires. Pour l'heure, les quarante-cinq membres des Solidarios et des Solidarias en sont là.