Le voile n'est pas soluble dans l'anarchisme...

mis en ligne le 27 janvier 2005
Il est quelquefois des cheminements de la pensée qui étonnent celui qui cherche à comprendre le monde et surtout à le vivre suivant les valeurs fondatrices de l'anarchisme qui ont toujours été et restent, l'individu unique, le rejet de toute autorité issue d'un Dieu extérieur comme le rejet de l'autorité humaine, l'égalité sociale entre les êtres qu'ils soient bien évidemment femmes ou hommes, d'ici ou d'ailleurs, mais aussi blancs, noirs ou jaune, petit ou grand... et enfin l'égalité économique totale.

Cela dit et écrit, il est bien évident qu'il n'est pas toujours facile de tenir en harmonie des principes aussi rigoureux et la réalité du monde tel qu'il est autour de nous avec (pour faire court) ses inégalités, son capitalisme planétaire et ses religions multiples et omniprésentes...

Ainsi, la plus grande partie de la planète, exploitée par le capitalisme mondialisé à son profit mais aussi à celui, plus modeste, des habitants des zones dites « développées » fait-elle partie de l'espace que nous devons soutenir par nos actions militantes ici et maintenant. De même pour les exclus de notre espace social.

Mais soyons clairs, devons-nous soutenir ces luttes «les yeux fermés» ou bien devons-nous le faire en affirmant et respectant nos valeurs sociétables et philosophiques afin de simplement donner à penser autrement à celles et ceux qui sont écrasés par le poids de l'injustice et de l'extrême misère...

La réponse a toujours été claire pour le mouvement anarchiste par le passé et elle le reste encore aujourd'hui : notre soutien ne fera jamais silence de nos valeurs.

Du voile comme vecteur du colonialisme...

Les colonialismes ont toujours respecté les us et coutumes des «colonisés» lorsque ces us et coutume leur permettaient d'asseoir leur domination par le maintien d'inégalités internes à l'espace colonisé.

Ces inégalités donnaient au « colonisé » le sentiment d'une « certaine » liberté en ayant sous son joug plus « colonisé » que lui...

L'exemple de l'Algérie est lourd de sens... Si l'homme maghrébin était soumis et exploité, le maintien de son statut dominant sur le monde féminin en termes de pouvoir, de droits, de sexualité n'a jamais été remis en cause par la République. Un français installé en Algérie était soumis au code civil alors que l'Algérien de souche « bénéficiait » d'aménagement qui lui permettait l'achat d'un être humain, la femme, - ce qui reste l'acte esclavagiste par excellence - la polygamie, la répudiation et tout cela en application du droit coranique [La constitution de 1946 permettait à des colonisés, considérés désormais comme des citoyens français, de conserver leur « statut personnel » d'origine coutumière ou confessionnelle].

Les affaires de voile que nous rencontrons aujourd'hui ne sont que le prolongement de cette écœurante histoire coloniale.

En mai 1989, lors d'un colloque [« Droits de l'homme, droits des peuples du Maghreb »], C. Belkhodja relevait que « couramment des militants des droits de l'homme ou se prétendant tels, se retranchent derrière les spécificités culturelles maghrébines et musulmanes pour refuser de traiter le problème des droits des femmes ».

Quinze ans après, ces «militants» sont omniprésents pour nous expliquer que le voile, - le signe le plus évident de la soumission de la femme à l'homme et aussi au pouvoir temporel et financier d'individus se faisant passer pour les intermédiaires entre Dieu et ce monde - ne serait « qu'une réalité sociologique : une revendication de femmes issues des migrations », « un symbole » et même, comble de l'hypocrisie, «l'expression vestimentaire d'un nouveau féminisme».

Alors que viennent jusqu'à nous les cris des femmes battues, violées, méprisées, vendues, excisées, vitriolées, répudiées...

Alors que dans nos villes, dans nos quartiers, des jeunes filles se lèvent pour décrire comment elles subissent dans leur chair la violence d'une morale religieuse rétrograde...

Alors que Fadela Amara nous dit que « de nombreuses jeunes filles portent le voile sous la pression de la famille, des religieux ou de la cité, que d'autres le portent comme une armure censée les protéger de l'agressivité masculine, et qu'elle se bat contre ce foulard synonyme d'oppression et d'enfermement »...

Alors que Chahdortt Djavann nous assomme : « J'ai porté dix ans le voile. C'était le voile ou la mort. Je sais de quoi je parle »...

Alors que Loubna Maliane nous rappelle que dans les cités, les jeunes filles se sentent prisonnières « d'un machisme qui les contraint à raser les murs », que dans les quartiers elles subissent « agressions verbales et port du foulard alors que leurs mères ne le portaient plus »...

Alors qu'hier encore, dans une réunion publique à Stains, dans la région parisienne, au milieu de l'immense cité du Clos Saint-Lazare où « les barbus » sont si pesants, deux jeunes femmes d'une vingtaine d'années livraient leurs difficultés à dialoguer avec les garçons, leurs craintes de voir les filles se faire de plus en plus discrètes, se replier entre elles, s'habiller en garçon ou bien porter le voile pour ne pas susciter la convoitise. Elles disaient la peur de perdre « sa réputation » face à des garçons manipulés par les religieux, les films porno et l'image de la femme objet-sexuel...

Des imbéciles, islamo-gauchistes, acceptent toutes ces ordures au nom d'un pseudo-combat anti-impérialiste en compagnie d'apprentis dictateurs carburant aux pétrodollars saoudiens.

Une logique ethno-différencialiste...

L'ethno-différencialisme, totalement opposé à l'universalisme, prône le développement séparé des peuples et des cultures. Il s'agit de systématiser le «droit à la différence», en mettant en avant la pseudo-existence de différences fondamentales entre les Hommes en fonction de leurs histoires, de leurs traditions, de leurs modes de vie et bien sûr de leurs religions. Il s'agit surtout de défendre un modèle social dans lequel chaque communauté ethnique (ou religieuse) peut s'organiser de manière autonome autour de ces propres normes éthiques et juridiques[[Voir l'excellent site de [Reflex- http://nopasaran.samizdat.net/] sur le sujet.]].

Il conviendrait donc de refuser les schémas archaïques de domination lorsqu'il s'agit des femmes européennes et cela en terme de liberté sexuelle, de liberté amoureuse, d'égalité entre les femmes et les hommes, mais, suivant les nouveaux militants islamo-gauchistes, de les accepter pour les africaines et pour les femmes et les hommes issus de l'immigration musulmane au nom d'un relativisme culturel.

Il y a dans cette façon de construire le Monde un évident comportement à caractère colonialiste et plus particulièrement raciste que tous les anarchistes se doivent de radicalement condamner.

Notre voix et notre place sont aujourd'hui avec les organisations qui tout en luttant contre le capitalisme et l'impérialisme agissent pour l'égalité entre les hommes et les femmes, contre les monothéismes et surtout pour une approche universaliste de la morale.

 

Jean-Claude Richard, groupe Henry Poulaille de la FA