Temps forts, temps morts, t’en crève !

mis en ligne le 11 février 2010
21 janvier : nouvelle journée de grève nationale. Faible mobilisation. Cette fois-ci, pourtant, elle concernait toute la Fonction publique. Elle venait s’ajouter à la longue liste de grèves de 24 heures.
Dans l’Éducation, il y a eu la journée de grève du 24 novembre, avec une mobilisation très faible due, notamment, aux manques de perspectives offertes avant et après cette journée. Le 15 décembre, c’était une journée d’action contre la mastérisation. L’organisation de cette journée d’action était laissée à l’appréciation des syndicats locaux et pouvait prendre la forme de grève. À Besançon, il n’y eut qu’un maigre rassemblement devant le rectorat.
De nombreuses inconnues demeurent encore au sujet de cette réforme capitale, qui va très largement déterminer l’avenir de tout le système éducatif français. Certains points sont, cependant, tout à fait clairs.
Ce que l’on sait : la disparition de la formation des stagiaires.
Le ministère vient d’inventer les « stages massés » et laisse le soin à chaque rectorat d’appliquer cette mesure comme il l’entend.
Jusqu’à la Toussaint, les stagiaires seront en responsabilité dans leurs classes, pour un service de 18 heures, en présence de leur tuteur.
De la Toussaint au mois de février, chaque stagiaire assurera seul son service de 18 heures. En février, il suivra une formation pédagogique de 5 ou 6 semaines. Le rectorat lancera un appel d’offres pour choisir « l’opérateur » chargé d’assurer cette formation. Il sera alors remplacé dans ses classes par un étudiant en M2, admissible au concours de recrutement et volontaire dans le cadre des stages « 108 heures ».
Puis, jusqu’à la fin de l’année, le stagiaire assurera seul son service de 18 heures dans ses classes. Enfin, le rectorat va demander aux établissements de prévoir une journée « sans cours » dans l’emploi du temps des stagiaires – qui reste de 18 heures – afin qu’ils puissent suivre ce jour-là des formations pédagogiques.
L’essentiel de la réforme est là : les enseignants de demain ne seront plus formés – le contenu disciplinaire des concours est largement appauvri, la formation pédagogique disparaît purement et simplement ; les enseignants de demain seront des précaires interchangeables, ballottés d’un bout à l’autre des académies au gré des besoins des rectorats, alternant périodes d’emploi et de chômage.
Les suppressions de postes dans l’Éducation ne sont pas populaires, alors faisons tout pour dégoûter les jeunes de s’engager dans cette profession.
La mobilisation est bien en deçà des exigences du moment ! Et pourtant les motifs de ras le bol et de colère sont nombreux : suppression des Rased, limitation du droit de grève – à travers le service minimum d’accueil –, allongement des heures de travail, imposition de nouvelles tâches (heures d’aide personnalisée, etc.), filiarisation des lycées généraux et professionnels, passage à l’autonomie des universités, casse des statuts, etc.
Déjà l’année dernière, et les années précédentes, nous avions fait le constat de l’échec de ce genre de manifestations routinières. Pourtant, la mobilisation et la volonté de se battre étaient fortes. Les organisations syndicales majoritaires, notamment la CGT et la FSU, portent une lourde responsabilité dans le cloisonnement des luttes et dans le refus de créer un rapport de force dans la durée. En pleine mobilisation, qui ne cessait de croître, les directions syndicales ont sifflé la fin des manifestations, nous promettant, comme à chaque fois, une rentrée sociale chaude…
En dehors des quelques journées déjà citées, il ne s’est rien passé. Chacun est reparti à son poste, devant sa classe, a repris ses habitudes, mis en place les heures d’aide personnalisée – pourtant critiquée et combattue –, fait passer les évaluations nationales.
Nos chances de succès et de mobilisation sont limitées par les stratégies d’appareil de la CGT et de la FSU (recomposition syndicale). Ces deux centrales n’ont que faiblement mobilisé lors des journées de grève citées. Il s’agissait de faire bonne figure en vue des congrès respectifs, pas de construire un véritable rapport de force. La FSU sauve son honneur avec une manifestation assez importante, samedi 30 janvier, avec 10 000 personnes.
Aujourd’hui, la question ne pose plus de l’opportunité de ces journées isolées mais de savoir si ces (non) mobilisations ne sont tout simplement pas une formidable occasion de casser les mouvements de contestation et les revendications.
Diverses initiatives ont été lancées pour faire la jonction entre les différents secteurs en lutte, parfois contre les appareils syndicaux. D’autres appels ont été signés, des coordinations se sont mises en place… sans effet visible jusqu’à présent.
Se donner la force de ne pas rester dépendants de ces pseudo-journées « d’action », c’est aussi cela construire un syndicalisme indépendant et de lutte.